Alexandre Laridon
« Dan tou proze devlopman ena enn ti antors a lanvironman ». C’est ce qu’avait déclaré Anil Gayan, le ministre du Tourisme, lors d’une conférence sur la numérisation et le tourisme durable le mercredi 23 mai dernier. Celui-ci avait même affirmé durant son intervention que « le gouvernement respecte l’environnement, autant que possible [et que] si quelques entorses y sont faites, celles-ci ne sont toutefois pas irréversibles ».
Sauf que l’exemple le plus récent démontre le contraire puisque la société, qui a été choisie par le gouvernement Lepep pour assurer la construction du projet Metro Express, a été exemptée d’une Environmental Impact Assessment (EIA) Licence. Un permis qui est défini par le ministère de l’Environnement comme étant « one of the most important tools for sound decision making and for achieving sustainable development » et qui est « a study, which requires a multi-disciplinary approach, that predicts the environmental consequences of a proposed development [by] evaluating the expected effects on the natural environment, human health and on property ». Par contre, le gouvernement a, lui, préféré faciliter la tâche à la société indienne pour des intérêts plutôt politiques en lui évitant les corvées administratives visant à obtenir une EIA Licence qui est délivrée par le ministère de l’Environnement, après avoir obtenu la certitude du promoteur que les conditions écologiques seront bien respectées.
Pour ce faire, les autorités ont eu recours à l’article 28 de l’Environment Protection Act intitulée « Exemption » qui stipule que « The minister may declare an undertaking specified in Part B of the First Schedule by a public department, which, in his opinion, is urgently needed in the national interest for the economic development of Mauritius, to an exempt undertaking ». Résultat? La promenade Roland Armand a été saccagée et détruite. Des arbres, qui ont mis des années et des années à grandir, à embellir la ville et à procurer de l’ombre aux promeneurs et joggeurs, ont été abattus et sont tombés sous l’effet de tronçonneuses et de coups de hache. Une scène désolante ! « Le gouvernement n’avait d’autre choix que de détruire la promenade dans le cadre du projet Metro Express », avait ainsi déclaré Fazila Jeewa-Daureeawoo, vice-Première ministre et ministre des Collectivités locales le mercredi 28 mars à l’occasion du lancement des projets Rose-Hill 1 et 2 de la Central Water Authority – en insistant s’il vous plait que « tous les rapports à partir de 1987 font le même constat… [et que] le métro doit obligatoirement passer par la rue Vandermeersch ». Serait-ce là des réactions synonymes d’un manque de volonté politique ? La majorité de l’opinion publique pense que oui et abonde dans ce sens.
Si nous voulons réussir sur le plan économique en ce XXIe siècle, nous devons aussi apporter notre réponse au défi écologique. Ce sujet qui soulève tant de passions par certains et tant de scepticisme par d’autres n’en est pas un parmi d’autres, ni une case à cocher dans un programme électoral. Les Mauriciens à travers l’île constateront et peuvent d’ailleurs en témoigner que le pays est devenu un gigantesque dépotoir. Les plages publiques se rétrécissent et se dégradent à vue d’œil en l’absence de régulations de la part des autorités. Les automobilistes qui jettent avec culot leurs déchets avec une attitude de « je m’en foutisme » comme pas possible. Bref, nous sommes passés d’un concept de « Maurice Ile durable » – qui a été malheureusement mis au placard dû à l’ego politique du gouvernement Lepep – à une « Maurice Ile Poubelle ». Il est donc évident que l’environnement et l’écologie sont des sujets qui doivent devenir centraux puisqu’ils sont au cœur de notre quotidien comme notre responsabilité citoyenne, notre alimentation, notre santé, notre façon de vivre, nos logements, nos moyens de transport, etc. Ce sont des sujets qui bousculent notre modèle de développement et plus fondamentalement la pérennité de notre civilisation. Il est important d’ailleurs de rappeler que « l’être humain, selon une explication des Nations unies, est à la fois créature et créateur de son environnement, qui assure sa subsistance physique et lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral, social et spirituel ». L’environnement et l’écologie ne peuvent donc pas se réduire qu’à de simples débats d’experts ou de grandes conférences internationales. Elles se vivent d’abord au quotidien dans les décisions et les initiatives que prennent tous les jours le gouvernement, les ménages, les entreprises, les collectivités locales et les Ong par exemple.
Dans le cadre de la Journée mondiale de l’Environnement célébrée hier, il est ainsi primordial de voir et de discuter ensemble avec le gouvernement, les autorités respectives, les industries, les communautés et les citoyens des alternatives durables afin de protéger et d’améliorer notre environnement. Il est nécessaire de conscientiser tout un chacun que la protection et l’amélioration de l’environnement est une question d’importance majeure qui affecte le bien-être des populations et le développement économique d’un pays et à travers le monde.
Nous ne sommes qu’une petite île au beau milieu de l’océan Indien. Les impératifs économique et écologique deviendront, dans un avenir proche, de plus en plus complémentaires. Mais il ne faut pas oublier que le combat pour l’environnement est avant tout politique !