Rien de mieux que le sport pour fédérer, en effet. Toutes les barrières, politiques, sociales et autres, tombent, quand des gradins, comme un seul Mauricien, chacun donne de la voix pour soutenir nos sportifs, engagés dans leurs courses vers la victoire. L’Île Maurice vit au rythme des 10e JIOI depuis la fin de la semaine dernière.
Et, une fois de plus, nous avons tous frissonné, crié, hué, hurlé et chanté à en perdre la voix (surtout en ce rude hiver !), applaudi à s’en rompre les phalanges, « sote, pile », prenant nos voisins de sièges dans nos bras, sans se soucier s’ils sont des inconnus ou des proches et amis… C’est cela, la passion du sport. Ce sont ces sensations extrêmes, ces poussées d’adrénaline, ces émotions à fleur de peau que seuls des éléments comme le sport ou la musique peuvent déclencher en chacun de nous. Cette superbe ferveur a d’ailleurs été saluée par nos sportifs. Ceux-là mêmes qui réussissent depuis cette semaine à nous mettre du baume au cœur.
La bonne nouvelle, c’est la véritable moisson de médailles, toutes disciplines confondues, que ramènent nos sportifs locaux ! Cela faisait en effet un bail que Maurice n’avait pas raflé autant de distinctions sur quasiment tous les fronts. Au fur et à mesure du décompte, en milieu de semaine, quand notre pays a ravi la première place au classement des médailles à l’île sœur, chacun d’entre nous prenait la mesure de la situation : Maurice peut et veut se distinguer. Preuve, s’il en faut toujours, parce qu’on n’a jamais cessé de le rappeler, que notre pays est un inépuisable vivier de jeunes talents. Que de nos cités, nos banlieues, autant que de nos villes, émergent, depuis plusieurs années déjà, des jeunes qui sont bourrés de qualités. Quand la chance leur est donnée de se prouver, ils le font de la plus belle manière ! Leurs noms sont donc chantés et glorifiés durant ces jours intenses de la compétition. Mais après ? Qu’advient-il de la plupart d’entre eux ?
Comble de l’ironie, nombre de ces mêmes sportifs vont sombrer illico dans l’anonymat dans une poignée de jours ! Pire encore, plusieurs d’entre eux seront carrément contraints d’arrêter de rêver et devront changer radicalement de direction dans leurs vies; renonçant à leurs ambitions les plus chères. Certes, oui, tous ne peuvent devenir des sportifs professionnels. Et l’on ne peut avoir les JIOI chaque année. Mais il y a aussi d’autres compétitions, d’autres tournois régionaux et internationaux. Mais combien de ces sportifs aura la possibilité d’y participer ? Moyennant sponsors, équipements, formations ?
L’une des principales raisons, sinon l’unique, c’est le manque de financement : pas de fonds spécifique destiné à nos jeunes, tout bonnement. Et il y a aussi ce gros souci à Maurice : on ne croit toujours pas à l’investissement dans la matière première qu’est l’humain. Quand viendra la compétition, par exemple, comme dans le cas présent, l’État verra alors où dénicher des fonds pour soutenir leurs entraînements. Mais en temps normal, peu ou pas de considération ni de plan d’avenir pour la plupart d’entre eux. Sauf quelques « happy few » qui auront décroché des contrats via des parrains venant du privé…
N’est-il pas temps, enfin, de repenser notre politique de soutien et d’encadrement pour nos jeunes ? Quand est-ce qu’un ministre de la Jeunesse et des Sports fera la différence et viendra avec un programme destiné à prendre en charge nos jeunes qui ne sont pas nés dans des familles aisées, pouvant se permettre d’investir dans leurs talents ? Parce qu’ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les sports et les arts, et qu’ils se distinguent dans ces disciplines. Mais l’État reste hélas ! sourd et se contente d’attendre des grands rendez-vous pour mettre la pression et pousser ces jeunes à se surpasser. Ce que ces derniers font, de bon cœur, parce qu’animés par leur passion et leur amour du sport. Et en retour, qu’est-ce qu’ils y gagnent ? Sinon une gloire éphémère et un avenir des plus incertains… N’est-ce pas injuste envers eux ?