Compassion, solidarité et générosité : ces trois mots-clés sont au coeur du message du Mgr Jean Michaël Durhône en ce week-end de Pâques. Le religieux exhorte les Mauriciens, toutes confessions confondues, à chasser l’indifférence, grand mal de notre siècle, l’individualisme et l’égoïsme face aux innombrables souffrances humaines, ici et ailleurs. Avant Mgr Durhône, les cardinaux Margéot et Piat abondaient régulièrement dans le même sens, invitant nos compatriotes à laisser leur sens de l’humanité et leur devoir moral et émotionnel prédominer.
Ce week-end de Pâques coïncide, ce samedi 30, aux 11 ans de l’immense tragédie qui avait frappé une dizaine de familles mauriciennes, en mars 2013. La capitale avait connu ce jour-là une des premières flashflood meurtrières de notre histoire, et qui aura emporté 11 vies.
Durant 90 minutes, 152 mm de pluie battantes et torrentielles ont emporté Sylvia Wright (46 ans) et son fils Jeffrey (18 ans), les frères Teewary, Amrish (24 ans) et Trishul, (19 ans), leur cousin, Keshav Ramdhary (29 ans), et un autre de leurs proches, Vikesh Khoosye (25 ans). Tous six périrent dans le tunnel sud menant au Caudan Waterfront. Vincent Lai Kin Wong Tat Chong (45 ans), homme d’affaires, et Rabindranath Bhobany (52 ans), employé de banque, ont, eux, trouvé la mort dans le parking souterrain du Harbour Front, alors qu’ils tentaient de quitter les lieux à bord de leur voiture. Les eaux montant trop vite, ils s’étaient retrouvés piégés. Les corps de Stevenson Henriette (32 ans), commerçant, et de Retnon Sithanen (36 ans) avaient, eux, été retrouvés dans le Ruisseau du Pouce, entraînés par les flots déchaînés. Quant à la 11e victime, il s’agit de Christabel Moorghen, de Canal Dayot, et qui, vu la soudaine montée des eaux, avait été victime d’une crise cardiaque.
Chaque année, Allan Wright, qui a perdu épouse et l’un de ses fils dans ce drame, maintient religieusement et symboliquement une prière œcuménique à l’entrée du tunnel menant au Caudan Waterfront. Il a pris la responsabilité de chacune de ces familles en entrant un cas commun en cour pour réclamer réparation. Mais en 11 ans, pour ce père et époux anéanti et les autres familles accablées, rien n’a changé. « Nou soufrans inn anpire. Nous vivons avec le coeur brisé d’avoir perdu les nôtres dans des circonstances inédites, certes, mais où définitivement, il doit y avoir eu manquements et fautes humaines. Pourtant, à ce jour, personne n’a été sanctionné, ni désigné responsable. Nous laissant meurtris, pleurant perpétuellement nos pertes humaines. Qui s’en soucie ? Qui voit nos larmes ? Qui nous aide à trouver des réponses ? » Certains, admet-il, ont opté pour la spiritualité, « pour y trouver réconfort et courage de continuer ». Allan Wright et ces familles ne cessent de souligner à quel point ils sont seuls dans leur chagrin.
Il n’y a pas de mots pour traduire l’insoutenable souffrance que vivent ces familles. Et que dire de ceux qui perdent les leurs dans des accidents de la route, des crimes ? Ces derniers temps, nos séniors sont une cible fréquente d’attaques violentes, voire de crime sans scrupule. Une des raisons ne serait-elle pas la convoitise de leur pension de retraite ? Cette manne électorale pour Pravind Jugnauth ne devient-elle pas un curse, une malédiction, pour nos aînés ?
Et que dire de l’ignominie que subissent les Palestiniens ? Ce conflit a pris une tournure cauchemardesque, malgré des rappels à l’ordre fermes des instances mondiales. Malgré les remarquables efforts et prises de positions de citoyens anonymes à travers le monde, qui manifestent leur désapprobation de la politique de Benyamin Netanyahou dans les rues, et en cherchent à affaiblir le pouvoir économique israélien par les boycotts, commerciaux et politiques, l’état hébreu maintient effrontément ses blocus. Sans eau ni nourriture, ni médication et ni communication, hommes, femmes, enfants et vieux meurent, condamnés…
Cette résignation, marquée par la ferveur spirituelle, face aux coups, attire le respect. Comme tous ces peuples opprimés de notre histoire, contemporaine et passée, face au joug de leurs dominateurs, les Palestiniens forcent l’admiration. Et inspirent compassion, solidarité et générosité qu’évoque l’évêque de Port-Louis dans son message. Mais combien seront touchés ? Combien prendra le temps de réfléchir et de réagir pour changer la donne ?