Maurice est passée de la 82e position à la 52e en un an, gagnant donc 30 places dans le Global Innovation Index de 2020. Un bond extraordinaire pour un petit pays en développement. Or, conserver cette position ou encore l’améliorer se révèle une démarche complexe pour le Mauritius Research and Innovation Council, en particulier à un moment où le pays est confronté aux effets directs de la pandémie de COVID-19.
Autour du thème « Sustaining the innovation momentum of Mauritius in the post COVID-19 era », le Mauritius Research and Innovation Council a réuni des acteurs des secteurs privé et public à la Shri Atal Bihari Vajpayee Tower à Ébène récemment. Constatant le progrès accompli par Maurice, le Dr Sasha Wunsch-Vincent, Head of Section, Economics and Statistics Division, et co-editor du Global Innovation Index (GII) à la World Intellectual Property Organisation (WIPO) prodigue ses conseils pour le pays reste dans la ligue. « Il ne faut pas trop se focaliser sur l’informatique et les TIC uniquement. Des progrès doivent continuer sur l’économie océanique, la biodiversité et l’offshore », explique l’expert via visioconférence. Selon lui, il faut comprendre que les secteurs traditionnels ou primaires peuvent être importants pour l’innovation. Et de faire ressortir que l’économie locale n’est pas complètement dépendante des services financiers. En vue de développer la recherche et le développement à Maurice, il propose que des liens appropriés soient établis tout en capitalisant sur des entreprises solides.
« Développer la technologie des entreprises, avec davantage de recherche appliquée dans les institutions de recherche et le transfert de technologie. Les entreprises doivent constituer un capital intellectuel et une propriété intellectuelle », affirme-t-il. En allant plus loin dans sa recherche, il se demande si Maurice détient une stratégie d’innovation formelle et une propriété intellectuelle. Selon Sasha Wunsch-Vincent, le rapport 2020 révèle une très bonne performance du pays s’agissant de la « market sophistication » mais est très mauvais élève sur le plan de la business sophistication.
Évoquant les effets de la récession émanant de la pandémie sur le financement de la recherche et de l’innovation, le responsable de l’Economics and Statistics Division du GII avance que la crise actuelle a touché le climat de l’innovation alors que celui-ci prospérait. Mais pour cet expert, les effets de la crise sur l’innovation sont incertains et reposent énormément sur des scénarios de reprise des affaires.
Les pratiques innovantes et les politiques en place, selon lui, ont aussi leur effet sur les conséquences de la crise. « La question que l’on se pose : les dépenses sur la recherche et le développement vont-elles baisser ou résister malgré le cycle économique? » Il demande donc de faire en sorte que l’innovation soit au centre des activités après le passage du confinement à la reprise. Il avance que la plupart des gouvernements des économies à revenu élevé et moyen mettent en place des plans d’aide d’urgence en vue d’atténuer l’impact du confinement et faire face à la récession imminente. « Les programmes de dépenses visent à prévenir les dommages à court et moyen terme. La plupart du temps, ils ne sont pas destinés spécifiquement au financement de l’innovation et des start-up. Il faudra cependant travailler à identifier les secteurs ou les technologies qui ont besoin d’un soutien, tout en surveillant les effets négatifs sur la concurrence », mentionne cet expert.
Les pays dans le Top 10 du GII 2020 sont la Suisse, la Suède, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Pays-Bas. Ces pays mènent la course dans le classement. Pour la première fois, la Corée du Sud se classe parmi les Top 10. Selon le rapport, les Top 10 pays sont ceux dont les revenus sont élevés. Le document indique également qu’en 2018, le Singapour était le premier pays asiatique à être classé parmi les Top 5. Depuis 2011, la Suisse est classée première au monde dans le rapport du GII.
Questions à Theeshan Bahorun, directeur du MRIC : « Je suis inquiet des qualitative outputs »
Maurice a grimpé de trente places dans le dernier GII. Quel est le plan pour maintenir, voire améliorer ce classement?
Cette position est ‘jolie’ mais nous devons être humbles. Nous avons fait un bond trop grand très rapidement. Nous avons obtenu des données additionnelles qui ont remplacé nos chiffres précédents et ont boosté notre classement quantitativement. Mais qualificativement, nous persévérons au niveau de nos “innovation inputs” mais nos efforts sont plus faibles sur le plan de nos innovation outputs.
Je suis inquiet des Qualitative Outputs. Le MRIC a contacté tout le monde pour qu’il ne se targue pas de la situation, car on pourra chuter. C’est la raison pour laquelle les données exactes sont essentielles. Voilà pourquoi au MRIC nous avons mis en place une action de base où un comité technique se réunit autour d’une table que je préside. Le motif étant que nous ayons les bonnes données. Celles-ci pourront être prises par le WIPO ou la Cornell University pour leur rapport. Un travail scientifique et rigoureux se fait. Nous devons déterminer nos forces et faiblesses. Il est important qu’on ait des actions politiques.
Le travail est-il compliqué?
C’est un travail très difficile. Mais le rôle du MRIC est d’apporter l’innovation grâce à la réunion de toutes les parties prenantes.