Injustices climatiques

L’enjeu du siècle, et plus encore de ceux qui suivront – car conditionnant l’ordre du vivant, pour peu bien sûr que des espèces survivent à notre folie –, est incontestablement le changement climatique, dont nous commençons seulement à mesurer les premiers effets. Pour autant, et bien que nous soyons tous concernés à terme, Dame Nature n’a aucunement l’intention d’être conciliante, et nous ne serons pas tous logés à la même enseigne… du moins au début. Le climat n’est en effet dicté par aucune conscience ni état d’âme, mais uniquement par les contraintes physiques et chimiques qu’elle s’impose elle-même, mais aussi et surtout par celles que notre planète subit depuis l’avènement de son ère anthropocène, et sans jamais les avoir demandées.

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Aussi, les effets du changement climatique se font plus pesants selon le positionnement géographique des uns et des autres. Phénomène, soit dit en passant, qui ne fera d’ailleurs que s’accentuer dans les prochaines années et décennies. Ainsi, nous vivons (et vivrons) différemment le changement climatique selon que l’on habite au Bangladesh, au Canada, au Sahel ou à Maurice, accentuant ainsi ce que l’on pourrait appeler des « injustices climatiques » extrêmes. Bien sûr, tout cela ne durera qu’un temps, car au final, puisque réchauffement il y a, c’est la planète entière qui sera concernée, et ce, dans un ordre d’échelle tout aussi létal que l’on habite dans l’hémisphère sud ou l’hémisphère nord.

Toujours est-il que cette disproportion des conséquences aura eu entre-temps un effet pervers sur nos actions, tant il n’est un secret pour personne que les plus touchés par les calamités sont généralement aussi les moins pollueurs. Et parallèlement donc, ceux ayant le moins de leviers d’interventions (physiques, économiques et politiques) à leur disposition. Par extension, les grands émetteurs de gaz à effets de serre, eux, sont a contrario les moins exposés aux événements extrêmes, quand bien même ces derniers auront été plus nombreux ces dernières années, en sus d’avoir bien sûr les moyens de lutter plus efficacement contre ces catastrophes lorsqu’elles surviennent malgré tout. Ce qui explique, en partie, pourquoi les nations les moins exposées restent si frileuses à s’enrôler dans la guerre globale contre l’emballement climatique.

Prenons ainsi le cas de l’Afrique, qui reste à ce titre un bon cas d’école. Le continent, selon diverses études, ne serait responsable que de 5% des émissions globales de gaz à effets de serre. Mieux : 48 pays d’Afrique seraient même sous la barre des 1%. Ce qui n’empêche pas le continent de connaître déjà un réchauffement de +0,5 °C et une évolution des caractéristiques des événements climatiques extrêmes. Avec, si rien n’est fait, l’on pourrait assister à une catastrophe sans précédent d’ici les 30 prochaines années. Un récent rapport note d’ailleurs à ce propos que le réchauffement climatique, sur le continent africain, pourrait atteindre +1,5 °C… entre 2030 et 2052.

Ainsi, à l’ouest du Sahel, les épisodes de sécheresse seront de plus en plus longs, tandis que dans le Sahel central, la majeure partie des modèles prédisent au contraire une augmentation de précipitations extrêmes, provoquant des inondations soudaines. Idem en Afrique de l’Ouest, et plus particulièrement sur la côte sud, où les pluies diluviennes pourraient provoquer des glissements de terrain. Tandis qu’en Afrique australe et en Afrique du Nord, la pluie se fera rare et les périodes de sécheresse, plus longues.

Le problème, que l’on le comprenne bien, est que ces calamités n’ont rien de naturel, mais sont purement anthropiques. Cela n’a donc rien à voir avec quelconque « caprice de Dame Nature », mais bien avec notre propension à vouloir coûte que coûte faire perdurer un système économique axé sur la production et la consommation à outrance, et qui sera devenu, en quelques décennies à peine, le premier responsable de la situation actuelle. Une chose est sûre : si nous n’agissons pas tout de suite, nous serons tous unis dans le même destin. Nous forçant alors à regarder le même film sans que personne, que nous soyons ou non assis au premier rang, ne puisse assister à la fin de la projection. Car nous aurons entre-temps rejoint la longue liste des espèces disparues.

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