Initiative politique et diplomatique : Maurice dépêche un bateau dans les eaux des Chagos

  • Une première mission scientifique montée par Port-Louis pour les besoins de la délimitation de la frontière maritime avec les Maldives au Nord de l’archipel
  • Le bateau Bleu de Nîmes, au départ des Seychelles, dans les eaux des Chagos du 12 au 22 février

En marge des délibérations de la Special Chamber de l’ITLOS sur le litige opposant Maurice aux Maldives sur la délimitation de la frontière maritime au nord de l’archipel des Chagos, Maurice a pris une initiative politique et diplomatique inédite et sans précédent depuis l’accession du pays à l’indépendance, en 1968. Une délégation mauricienne, dirigée par le représentant mauricien auprès des Nations Unies à New York, Jagdish Koonjal, sera en effet dépêchée à destination des Chagos dès aujourd’hui. Cette mission scientifique technique, avec des undertones politiques et diplomatiques, se déroulera dans la région de Blenheim Reef, situé au Nord de l’archipel.

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« C’est avec une très grande fierté que j’annonce que Maurice entreprendra un voyage sur le territoire mauricien de l’archipel des Chagos, en particulier à Blenheim Reef, pour une étude scientifique », a déclaré le Premier ministre, Pravind Jugnauth, face à la presse hier après-midi. « Ce sera une visite historique, car c’est la première fois depuis l’accession de Maurice à l’indépendance, le 12 mars 1968, que l’État mauricien, dont la souveraineté sur l’archipel des Chagos est reconnue par les Nations Unies, organise une visite dans cette partie de son territoire, situé au milieu de l’océan Indien, sans avoir à solliciter la permission de qui que ce soit », a-t-il poursuivi. Il a toutefois indiqué que, par courtoisie, son gouvernement a informé Londres et Washington de la mission envisagée, et qui se déroulera jusqu’au 22 février.

La délégation mauricienne, qui voyagera à bord du bateau privé Bleu de Nimes, sera dirigée par le représentant permanent de Maurice à New York, Jagdish Koonjal, et comprendra le dirigeant du Groupe Réfugiés Chagos, Olivier Bancoult, des hommes de loi, dont l’avocat britannique Philippe Sands, QC, ainsi que des scientifiques mauriciens et étrangers. Des journalistes britanniques et américains feront également partie de la délégation.

Le voyage s’inscrit en marge des travaux de la Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer (ITLOS), en vue de délimiter la frontière maritime entre Maurice et les Maldives. En 2019, après l’avis consultatif de la Cour internationale de justice sur les droits de la souveraineté de Maurice sur cette partie de son territoire, le gouvernement avait demandé aux Maldives d’ouvrir des discussions concernant la délimitation du territoire maritime entre Maurice et Maldives dans la région des Chagos.

Les Maldives avaient refusé catégoriquement, forçant le gouvernement à avoir recours au Tribunal international du droit de la mer. L’affaire a été soumise devant une Chambre spéciale de l’ITLOS. Le Premier ministre a rappelé qu’au départ, les Maldives avaient contesté la juridiction et la compétence de la Chambre spéciale, en affirmant que Maurice ne peut exercer son droit sur les Chagos parce que la question de souveraineté de Maurice sur les Chagos n’avait pas été réglée par la Cour internationale de justice.

Maurice a réfuté ces arguments et, dans un jugement historique en date du 28 janvier 2021 de la Chambre spéciale, non seulement les objections des Maldives ont été rejetées, mais l’avis consultatif de la CIJ a été confirmé. « La cour a dit que les Chagos ont toujours fait partie intégrante du territoire de la République et que les colonisateurs doivent quitter les Chagos le plus vite possible », dit-il.

La Chambre spéciale a confirmé que Maurice a pleinement souveraineté sur l’archipel des Chagos. L’ITLOS doit maintenant entendre sur le fond les deux parties concernées (Maurice et les Maldives) avant de procéder à la délimitation des frontières maritimes.

Maurice a soumis un premier Memorial le 25 mai de l’année dernière et les Maldives un Counter-Memorial 25 novembre de l’année dernière. Maurice doit maintenant répondre aux Maldives d’ici au 14 avril aux termes du calendrier établi par ces instances internationales sous la Convention des droits de la mer. Dans le but d’aider l’ITLOS dans l’exercice de délimitation des frontières, Maurice entreprendra cette mission dans les parages de Blenheim Reef.

Le Premier ministre a expliqué que la meilleure façon de se rendre à Blenheim Reef était de démarrer à Rodrigues. Ce qui n’est pas possible en raison de la présence d’une zone de basse pression dans les parages. Il a fait comprendre que n’ayant pu obtenir l’autorisation des Maldives en vue d’utiliser son port pour permettre aux membres de la délégation de s’embarquer à bord du Bleu de Nîmes, le gouvernement s’est tourné vers les Seychelles. Il a fait état de sa reconnaissance au président Wavel Ramkalawan pour son soutien inconditionnel.

Pravind Jugnauth a indiqué que le Blue de Nimes ne passera pas dans les parages de la base de Diego Garcia. Toutefois, la possibilité qu’il puisse s’arrêter dans des îles telles que Salomon et Peros Banhos, entre autres, existe.  Interrogé par Le Mauricien dans l’après-midi, Olivier Bancoult ne cache pas son émotion de pouvoir faire partie du voyage. « C’est la première fois qu’ils entreprendront un voyage sans avoir sollicité la permission des Britanniques et avec la police britannique à nos trousses. Nous espérons que nous pourrons nous rendre sur les îles Salomon et Peros Banhos pour rendre hommage à nos ancêtres », ajoute-t-il.

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