Le temps du Budget Speech, un rituel parlementaire annuel, demeure sans conteste une étape incontournable dans la vie de la Cité. Le temps pour le gouvernement du jour de dresser le bilan de son action sur le terrain au cours des 12 derniers mois. Le temps pour ce même gouvernement de poser les jalons de la croissance pour les 12 prochains mois. Ou encore le temps de rectifier le tir en prenant en ligne de compte des dérives et écarts, qui ont surgi, et des ajustements s’imposant dans la conjoncture.
C’est aussi le temps pour la population de mieux appréhender son quotidien en réconciliant ses plans personnels dans un paysage global, calibré et prévisible autant que possible. Les investissements publics chiffrés et documentés. Rebondissant sur les grands paramètres économiques et budgétaires, le secteur privé élaborait ses interventions en termes d’opération sur le terrain, avec la conjugaison de ces facteurs débouchant sur la création d’emplois et de croissance.
Mais le contexte dans lequel le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, même auréolé de l’honneur du Best Minister of Finance en Afrique avec la cérémonie se déroulant cette semaine nulle part ailleurs qu’à la Chambre des Lords, a présenté son troisième discours du budget, mardi, souffre d’un énorme déficit.
Que ce soit à Maurice ou sur le front international, le temps est marqué par des incertitudes assurées, sous forme de séquelles socio-économiques découlant de la pandémie de Covid-19, avec les répercussions encore plus imprévisibles de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Invariablement, aucune économie, même Sa Majesté l’Amérique n’est pas vaccinée contre ce phénomène économique.
En fin de semaine dernière, les États-Unis se sont réveillés à l’idée d’un taux d’inflation de 8,6%, soit le plus fort taux de ces 40 dernières années. Plus symbolique encore reste le fait que pour la première fois dans les annales de cette économie, le gallon d’essence a passé la barre des 5 dollars US. Il n’y a pas que l’inflation pétrolière.
Les institutions internationales sont unanimes à reconnaître que « the ongoing increases in energy and food prices are large and persistent ». La dernière édition des IMF Notes portant sur la Fiscal Policy for Mitigating the Social Impact of High Energy and Food Prices en ce début de juin tient à préciser le contexte particulier de la crise économique.
« These challenges are not new for policymakers as this is the third global commodity price shock observed in the last twenty years. However, the macroeconomic environment for the current shock may be more challenging now than in previous episodes of high commodity prices », note le FMI une première fois au titre des incertitudes assurées.
Un autre élément cristallisant la crise sur le plan international est qu’invariablement « the real income cut from higher energy and food prices is more pronounced for poorer households ». L’inflation alimentaire affecte davantage les ménages, qui sont au bas de l’échelle. Une vérité de La Palice, dira l’autre d’autant plus que dans le budget, le ministre des Finances avec le chiffre 1 000 et son multiple de 1 000 au titre de la pension pour ceux âgés de plus de 65 ans, veut donner la preuve de sa capacité d’écoute aux cris de la population.
Les débats sur le discours du budget 2022/23, qui démarrent ce matin, à l’Assemblée nationale, seront monopolisés par le Package 1 000 de Padayachy. Le camp du gouvernement a déjà affiché les couleurs avec le « we have done the right thing » à la manière de l’Attorney General, Maneesh Gobin. L’opposition se prépare à acculer la majorité que « there is more room for improvement » pour la protection du pouvoir d’achat.
Néanmoins, en cette période des incertitudes assurées et l’horizon des prix énergétiques et alimentaires encore chargé de gros nuages gris, sommes-nous condamnés à nous complaire avec l’optique 1 000 ? Ou devrons-nous poser la question de la marge de manœuvre pour affronter les imprévisibles, qui attendent au tournant ?
Une évaluation de l’état des Social Safety Nets (SSNs), dont dispose Maurice pour conjurer les difficultés de ces lendemains incertains, devra ajouter une prime à la prestance des parlementaires, qui s’apprêtent à intervenir cette semaine lors de ces mêmes débats sur le budget. Le FMI, d’habitude réfractaire aux transferts sociaux, concède que « the ability countries to effectively protect vulnerable household from energy and food price shocks depends on the strength of their Social Safety Nets ».
Un état des lieux sans complaisance de ces Social Safety Nets a le potentiel de jeter un éclairage sur ces incertitudes assurées obscurcissant le quotidien du Mauricien au bas de l’échelle aussi que ceux de la classe moyenne et surtout d’ajouter de l’épaisseur aux débats en cette période de grandes incertitudes…