L’une des choses qui nous distingue le plus du reste de l’ordre animal est probablement cet ego démesuré qui nous caractérise. Cette immense propension que nous avons à nous croire supérieurs, à nous convaincre que notre ingéniosité et notre savoir, sans limite pensons-nous, sont capables de nous sortir des pires situations. Une croyance, bien entendu – une de plus, serions-nous même tentés de dire. Car si rien ne nous interdit d’ériger des statues au nom de notre intelligence suprême, force est de constater que, dans les faits, nous sommes bien loin du compte. De combien de catastrophes ne sommes-nous en effet pas à l’origine ? Combien de vies disparaissent-elles chaque jour aux noms de nos idoles, de nos dieux, de terres à conquérir ou, mieux encore, de l’argent ? Les chiffres, pourtant, sont là, quelque part dans nos livres d’histoire et sur le Web, pieusement cachés. Savez-vous, par exemple, que la pollution, à elle seule, aura tué depuis l’événement de l’ère industrielle, autrement dit en moins de deux siècles, quasi autant que toutes les guerres réunies ?
En réalité, non, nous ne sommes ni spécialement beaux, ni spécialement intelligents. Certes, l’évolution de notre espèce nous aura permis d’atteindre un niveau technologique remarquable, mais à quel prix ? Si vous en doutiez, il vous suffirait de prendre n’importe quel objet de votre quotidien, pris au hasard, et d’en mesurer l’empreinte carbone. Alors ? Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Est-ce vraiment là le signe d’une grande intelligence ? D’ailleurs, combien d’énergie aura-t-elle été nécessaire pour que vous puissiez lire ces lignes, que ce soit sur la version papier ou électronique de notre quotidien ? Mieux vaut pour nous que nous ne vous le disions pas. Bien qu’au fond, cela ne changerait probablement pas grand-chose. Car c’est un fait, nos habitudes sont si profondément ancrées (et même encrées dans ce cas) dans notre ADN de consommateur que nous ne voudrions en aucun cas introduire dans l’équation quelconque élément perturbateur.
Conscient de cela, le plus affligeant reste de ne savoir comment nous défaire de nos travers intellectuels et culturels, de cette pensée selon laquelle le prix d’une vie humaine vaudrait plus que celui de tout autre membre de l’ordre du vivant. Que l’homme, au sens strict de l’espèce – mais sans la majuscule, qui ne lui sied absolument pas –, n’est pas qu’omnivore, mais aussi omnivalent, omniscient, omnipotent… Bref, de croire que nous soyons aptes à résoudre n’importe quel problème sans jamais avoir à faire de concessions touchant notre propre développement. Et c’est là qu’est notre erreur, comme nous l’aura d’ailleurs rappelé la Covid. Sans confinement, sans mesures sanitaires, sans un durcissement des lois, sans la mise à l’arrêt momentané de nos industries, et donc, pour résumer, sans un nombre incalculable de concessions, combien de cercueils supplémentaires aurions-nous dû fabriquer ? On vous laisse faire le compte.
La cause climatique qui, pour rappel, s’est invitée dans nos vies bien avant le coronavirus, est un autre enjeu. Plus crucial encore, dans le sens où aucun vaccin n’en viendra à bout. Qui plus est, le réchauffement planétaire s’installe lentement, sournoisement. Pendant que nous continuons à bomber le torse, gonflé de cette satisfaction qui nous caractérise, estimant que, de toute façon, nous trouverons bien une solution peu contraignante. Après tout, nous sommes « si intelligents ». Pourquoi devrions-nous nous inquiéter d’un problème dont nos enfants pourront se charger le moment venu ? Autant d’idées préconçues qui se bousculent justement aux limites de notre intellect.
Restons réalistes ! Plus que jamais, il est temps pour Sapiens de redescendre de son piédestal. Non, nous ne sommes pas parfaits. À l’instar du tout-carbone, nous avons choisi les mauvaises voies. Pendant longtemps, trop imbus de notre personne, nous avons ignoré les signaux, les lanceurs d’alertes et la simple logique. Aucun discours ne nous aura touchés, ne nous aura poussés à hypothéquer une seconde le confort de nos vies consuméristes. Alors oui, bien sûr, il est toujours temps d’apprendre de nos erreurs, mais le temps presse. D’autant qu’avant cela, il faudrait encore que l’on concède que l’on ait pu en commettre. Et ça, c’est une autre paire de manches !