C’est avec une grande émotion que nous avons appris la disparition soudaine du maestro Zakir Hussain lundi 16 décembre à San Francisco. Une immense perte pour le monde artistique. Suivant les traces de son père Ustad Allarakha, Zakir Hussain, virtuose du tabla, a commencé ses tournées dès l’âge de douze ans. Honoré du Padma Shri, du Padma Bhushan et du Padma Vibhushan, trois hautes distinctions indiennes, il a joué avec des grands musiciens en Inde et dans le monde entier. Le 26 novembre dernier, il a dû malheureusement annuler sa participation à un concert de jazz à Paris avec Dave Holland et Chris Potter, au grand dam de ses fans. Mais, il nous a laissé un legs vibrant, grâce à la richesse de son œuvre musicale. Lors de sa dernière performance à Houston le 26 octobre 2024, il a partagé la scène avec Rahul Sharma, joueur de santour. Dans une représentation basée sur le raga jhinjhoti, légère et touchante à la fois, ils ont joué en honneur du père de Rahul Sharma, le maestro Shiv Kumar Sharma, qui nous a quittés en 2022.
Ces grandes pertes successives nous poussent à rendre hommage d’abord au prince du tabla, Ustad Zakir Hussain et à Shiv Kumar Sharma, de véritables sources d’inspiration pour tout mélomane. Et à exprimer notre reconnaissance aux artistes, interprètes, mentors et à ceux qui nous donnent le gout de l’écoute musicale et nous ouvrent aux fréquences vibratoires cosmiques. Se connecter à l’univers des résonances sonores est une expérience subtile et magique. En visionnant l’enregistrement du dernier concert de Zakir Hussain, on perçoit le grand percussionniste, prêt à nous enchanter avec sa modestie légendaire. Caressant et effleurant son tabla avant de le tapoter avec ardeur, il hoche la tête avec allégresse au rythme de ses doigts habiles. Des souvenirs se bousculent dans notre mémoire, remontant à 25-30 ans, lorsque nous assistions à des concerts de célèbres artistes indiens à Paris, au Théâtre de la Ville, à celle des Abbesses ou au Parc de la Villette. Après les premières notes de l’alâp, la mélodie s’élève, le tempo s’accélère, on se laisse emporter, bercés par chaque mesure, en symbiose totale avec les musiciens. Les vibrations du jeu rythmique entre les percussions et le son cristallin des cordes sont un véritable hymne à la vie. Pulsations et douceur. L’harmonie s’installe progressivement entre les battements du tabla et le ruissellement fluide des baguettes sur les cordes du santour. Un dialogue se noue, des liens se tissent entre le public et les musiciens dans une dimension presque mystique.
Dans le silence infini des nuits, il suffit d’une note. L’éclosion d’une mélodie, un battement d’âme, un souffle de vie. La musique guérit en nous apportant une nouvelle énergie. Nous avons voulu retrouver un peu la puissance d’âme de ces artistes, au travers d’une dédicace ou en écoutant leurs albums. Le cœur gros, nous redécouvrons les majestueux jugal bandis du virtuose du tabla et son père Ustad Allarakha dans « Together » (1989). Avec « Space » (1995), on pénètre la profondeur de l’espace cosmique. Dans « Sambandh » (1998), sa généreuse collaboration avec d’autres musiciens nous touche profondément. Et, on pourrait écouter en boucle « Shakti » (1999) reflétant sa véritable puissance sur scène en compagnie de grands musiciens comme John MacLaughlin et Pandit Hariprasad Chaurasia.
Dha dhin dhin dha, dha tin tin na…
Que l’âme d’Ustad Zakir Hussain repose en paix et que les réverbérations de son tabla demeurent immortelles, échos éternels enchâssés dans les éclats du silence…
Pravina Nallatamby 18 décembre 2024