HOMMAGE À JEAN-JACQUES BEINEIX : Il était une fois, ‘37°2 le matin’ à l’ABC et au Luna Park en 1987

NIRMAL KUMAR BETCHOO

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Le réalisateur français Jean-Jacques Beineix est décédé le 13 janvier dernier à l’âge de 75 ans. Il fut connu par les cinéphiles mauriciens pour son film sulfureux ‘37°2 le matin’ sorti dans les salles de l’ABC et Luna Park en 1987. Ce film, basé sur le roman écrit par Philippe Djian, avait pour interprètes principaux Jean-Hughes Anglade et Béatrice Dalle.  Comme cinéphiles assez branchés alors, nous avions eu vent de cette production dans le magazine Première qui démontrait les premiers coups de manivelle et prises de vue de ce long-métrage. Ce qui nous impressionnait à première vue était des images assez dénudées des artistes qui faisaient surtout rigoler.  On était de la génération qui aimait le cinéma des années 1980, qui devait en ces temps-là lutter pour sa survie avec la concurrence provenant de la vidéo. Bref, on se disait bien que ce film au titre révélateur devrait se faire entendre au box-office sachant qu’il serait définitivement destiné aux adultes.

Les cinémas ABC dirigés par les frères Chady firent l’acquisition de ce film qui n’eut aucun souci au niveau de la censure car c’était un film dramatique, donc destiné aux cinéphiles avertis.  A pareille époque, on pouvait se dire que d’une année à l’autre, les écrans devraient accommoder des films qui firent grand bruit au sein du public de par leurs scénarios atypiques.  Ce fut le cas du ‘Diable au Corps’ avec une scène dite ‘hard’ de Maruschka Detmers, malheureusement censurée à Maurice. Il y eut aussi auparavant ‘L’Empire des Sens’ du japonais Nagisa Oshima qui eut un succès retentissant y compris ‘Le dernier tango à Paris’ de Bernardo Bertolucci avec des scènes d’intimité entre Marlon Brando et Maria Schneider.  Bref, le ‘sexe-affiche’ battait son plein au milieu de nombreuses projections de films X à Maurice.  Dans ce sens-là, les salles ayant établi une bonne réputation auprès des familles et du grand public, préféraient offrir des films adultes réalisés par des cinéastes confirmés.

‘37°2 le matin’ fit sa sortie dans les salles mauriciennes et attira un bon public friand de voir un film chaud avec des acteurs venus de nulle part.  Jean-Hughes Anglade campait auparavant un petit rôle dans ‘Subway’ de Luc Besson alors que Béatrice Dalle restait plutôt une actrice inédite du grand écran. Avec un visage moins conforme aux ‘sex-symbols’ de l’époque comme Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart ou Valérie Kaprisky, Dalle se faisait remarquer par sa belle plastique et un inoubliable sourire. Pour, Jean-Jacques Beineix, il fallait trouver de nouveaux visages pour jouer ces rôles qui étaient loin des sentiers battus.

‘37°2 le matin’’ avait pour thème une rencontre sentimentale et ardente entre deux orphelins qui symbolisaient la génération rebelle dite ‘baby-boomers’ des années 1980. Zorg (Anglade) est peintre et vit dans une maison construite sur des pilotis.  Il fait la rencontre avec Betty, une fille qui tombe vite amoureuse de lui.  C’est une histoire d’amour torride de par les premières scènes, un film qui se veut aussi être un drame psychologique jouant sur fond de thème, le mal-vivre de deux jeunes, un peu distraits, un peu paumés, laissés-pour-compte dans un train-train quotidien qui les isole du monde.  Bref, le couple cherche l’amour parfait, une vie meilleure sans toutefois y parvenir.  Les scènes s’enchaînent de sensualité en drame, et cela nous emmène vers une fin assez atroce. On voit de plus en plus d’images qui nous glacent avec le sang et le feu.

Ce ‘road-movie’ frise un peu les codes moraux de l’époque devient un film-culte.  Nominé pour les Césars, ‘37°2 le matin’ est aussi en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger avec l’appellation ‘Betty Blue’. Les Américains y trouvent la nature rebelote qui leur était typique dans les années 1950 avec le personnage de James Dean incarnant ‘La Fureur de Vivre’. La critique américaine fait amende honorable quant au travail original de Beineix alors que l’on appréhendait des critiques acerbes au regard de la teneur du film.

Auparavant, Jean-Jacques Beineix eut sa première notoriété avec ‘Diva’ relatant une rencontre amoureuse entre un facteur et une chanteuse noire.  Ce premier succès fut suivi par un autre bon polar pour l’occasion, ‘La lune dans le caniveau’ avec Gérard Depardieu et Nastassja Kinski. C’est ainsi que ‘37°2 le matin’’ fut attendu avec beaucoup d’espoir et d’exaltation par le public qui avait déjà eu vent de son contenu via magazines de cinéma spécialisés.

Les premiers succès de la carrière de Beineix ne furent toutefois pas suivis dans la durée. Ce réalisateur atypique tourna ‘Roselyne et les lions’ et ‘IP5’ avec des acteurs aguerris comme Yves Montand ou Isabelle Pasco. Les échecs successifs l’éloignèrent du grand écran et il n’eut pas trop de contrats après. Beineix se tourna vers la réalisation des documentaires et resta presque inaperçu du public pendant longtemps.

La carrière de Beineix ne put malheureusement être tracée sur ses premiers pas au cinéma dans les années ou un vent de changement animait le monde. Avec Léos Carax et Luc Besson, ils fondèrent le cinéma du look avec un jeu subtil de l’image et des décors sombres des studios. Dans cette nouvelle vague cinématographique, le 7ème Art se montra plus ouvert et libre de ses contraintes.  En parallèle, la vidéo prenait le large et asphyxiait les salles obscures. Dans la tombée de la nuit, dans un ciel foncé et ouaté au bleu obscur, l’ABC et le Luna Park attirèrent un public avisé pour voir, de façon discrète, ‘37°2 le matin’’, sans avoir trop à rougir de voir ce film désormais culte de Jean-Jacques Beineix.

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