Hommage à Benoit Espitalier-Noël – Sportif qui porta tout haut, dans plusieurs disciplines, le drapeau mauricien

Georges-André Koenig

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Un habitué des stades  et terrains de sport de ce temps-là

 

Chers sportifs mauriciens, Chers compatriotes,

Le sport de haut niveau exige de gros sacrifices à ceux qui s’y adonnent. Et c’est pour cela qu’ils forcent notre admiration. 

Depuis les années 90, de nombreuses publications (Livres et chroniques) ont fait l’éloge des Mauriciens qui portèrent haut notre drapeau quadricolore. Mais avant ces années-là, elles se faisaient bien plus rares. Permettez-moi donc de rendre ici hommage à ceux des générations antérieures qui ont, eux aussi, honoré ce drapeau. Je me propose donc de le faire en prenant comme exemple, sans vantardise, mais avec objectivité et affection, mon ami et cousin germain, Benoit Espitalier-Noël.

Pour pratiquer un sport de haut niveau, il est impératif de posséder le talent, la morphologie et la condition physique qu’exige le sport en question.

Pour un entraineur de chevaux de courses, en revanche, il s’agit de connaître le cheval, à savoir son potentiel, et les moyens de l’exploiter aussi totalement que possible. Chez les grands entraineurs, l’instinct, apparemment, y joue aussi un grand rôle. Il faut, de surcroit, être un bon tacticien, afin de pouvoir donner des instructions à son jockey en fonction de ses adversaires et de l’état de la piste, entre autres choses.

Et Benoit possédait toutes les aptitudes nécessaires à la pratique du squash, du football, du tennis, du hockey sur gazon, et aussi à l’entrainement des chevaux de courses. Et il les exploita si bien, qu’il remporta plusieurs trophées et récompenses dans toutes ces disciplines sportives. Il faut dire qu’il fut à bonne école, car ses trois grands frères, Roland, Maurice et Hector, faisaient aussi partie des sportifs de renom, ce qui lui ouvrit la voie du succès. Qui peut oublier la joute tennistique entre Roland Espitalier-Noël et un des quatre mousquetaires français en visite à Maurice, Jean Borotra ! Il eut aussi la chance, durant ses quinze premières années, d’habiter la propriété de sa grand-mère, dans le jardin de laquelle il y avait un court de tennis et, à quelques mètres de là, une petite Tour Eiffel. Un air de Roland Garros en somme.

Voici donc quelques détails relatifs à cette carrière hors du commun.

Le squash

Ce sport de raquette, de tous le plus éprouvant physiquement, était fait pour Benoit, qui semblait n’être jamais à bout de souffle.

Les championnats annuels des cinq clubs de l’Ile dans lesquels se pratiquait le squash, et qui existait alors à Maurice (Dodo Club, Racing Club, Vacoas Tennis Club, Rose Hill Tennis Club et The Mauritius Football and Hockey Club), ainsi que le championnat de Maurice, étaient organisés chaque année. Et une trentaine de joueurs, dont Benoit, y participaient. Voici donc quelques-unes de ses prouesses.

En 1957, alors qu’il n’avait que 17 ans, il rata de peu la première marche du podium du championnat de Maurice, en se faisant battre en 5 manches par nul autre que son frère Maurice. Il prendra sa revanche l’année suivante, après une lutte acharnée, sous les yeux ébahis des spectateurs.

Depuis, il remporta une cinquantaine de tournois, tous clubs confondus, ainsi que plusieurs autres championnats de Maurice. Et pour le faire, il fallut qu’il se batte comme un diable car, un beau jour, un sportif hors du commun, Luc Bax, se mit sur sa route, et le contraignit à jeter l’éponge lors de certaines des quelque vingt-cinq finales dans lesquelles ils s’affrontèrent. Et il est bon pour l’intérêt du sport, qu’il en fut ainsi.

Suite au dernier championnat de Maurice auquel il participa, le président du comité organisateur lui fit cadeau de la coupe challenge sur le socle de laquelle était écrit : « Presented as souvenir to Benoit Espitalier-Noël for outstanding records ».

Et enfin, une autre de ses plus grandes joies, fut de participer au « Kenya open championship » de 1969, au cours duquel il battit le no 1 Kenyan en demi-finale, et s’inclina en 5 manches contre le no 1 rhodésien. Quelle performance !

Le football

Ce fut aussi en 1957 qu’il se fit remarquer au football, en jouant la finale inter collèges pour l’équipe du Collège du Saint-Esprit, contre celle du Collège Royal de Curepipe, qui la remporta, pour la plus grande joie des élèves, des pères et des enseignants de cet établissement de Quatre-Bornes. Ouvrons ici une parenthèse pour dire que l’un des coéquipiers de Benoit ce jour-là était un certain Michaël Glover qui, après avoir fait une brillante carrière de footballeur au sein des équipes du Racing Club et de Maurice, fut ministre des Sports treize années durant.

Et c’est au cours de ce match-là que l’entraineur de l’équipe de football du Dodo Club, Joseph Leroy, un génie dans bien des domaines, sportif y compris, put jauger le potentiel footballistique de Benoit, et l’invita à faire partie de cette équipe-là, sans transiter par les « Blue Ducks », la seconde équipe de ce Club, comme le voulait la coutume.

Au cours des années qui allaient suivre, il entreprit avec cette équipe de nombreuses tournées à l’Ile de la Réunion, où le football était alors à ses balbutiements. Elle remporta donc tous les matches. Mais plus tard, les compétitions furent plus ardues et, par là même, plus intéressantes.

Au plan national, il fit partie de l’équipe B de football de Maurice, mais fut quand même, en deux occasions, sélectionné pour l’équipe A en tant que joueur de réserve, dont celle qui affronta l’équipe indienne Mohun Bagan en 1961.

Le Tennis

Le tennis fut le premier sport auquel Benoit s’adonna dès l’âge de 8 ans. On peut le constater en regardant une des photos qui illustrent cette chronique, dans laquelle, de blanc vêtu (Wimbledon oblige) et accompagné de son frère Hector, il tient fièrement sa Dunlop Maxply, raquette en bois au tout petit tamis en nylon, que l’on ne trouve plus maintenant que dans certains musées.

Après avoir pratiqué quelque temps ce sport en privé, avec ses frères et ses amis, il se lança dans le monde de la compétition, et peu de temps après, remporta le tournoi sous 17 ans de « The Mauritius Lawn Tennis Association » en battant Philippe de Spéville, joueur très prometteur lui aussi.

Puis, c’est en double mixte avec Sybille Hugnin, excellente joueuse de tennis et maintes fois championne de Maurice, qu’ils soulevèrent ensemble la Sir Hesketh Bell Cup.

Durant les années qui suivirent, il se consacra bien plus au squash, son sport de prédilection, pour lequel l’entrainement et les tournois prenaient énormément de son temps.

Mais après, il reprendra le goût de la raquette au grand tamis, et représentera plusieurs fois Maurice dans les tournois contre Madagascar et la Réunion à tour de rôle.

Le Hockey sur gazon

Ce sport n’étant pas très populaire à Maurice, je me contenterai seulement de dire ici que Benoit fut aussi un des meilleurs joueurs mauriciens dans cette discipline-là.

Terminons le survol des quatre disciplines précédentes, en précisant que Benoit obtint les « colours » du prestigieux Dodo Club pour chacune d’entre elles.

 

Les courses hippiques

 

C’est au Mauritius Turf Club, institution séculaire et fleuron du Patrimoine Mauricien, que Benoit débuta sa carrière d’entraineur à l’écurie Paul Maingard en 1978, avec, comme jockey, son talentueux neveu Jason Espitalier-Noël.

Le succès fut immédiat. Parmi bien d’autres courses, ils remportèrent la « Barbé Cup », avec un superbe cheval alezan, « Armed Guard », et quelques mois après, la « Maiden Cup », avec « High Hearted ».

Cette journée du Maiden restera gravée dans la mémoire de Benoit. Tout d’abord, parce que le Champ de Mars était plein comme un œuf, si bien qu’une petite foule s’était installée sur la piste elle-même, dans la descente qui avoisine le Tombeau de Malartic (Monument historique), tout au long de sa barrière extérieure. C’était le temps béni des courses hippiques à Maurice. Et ensuite, parce que Jason, le jockey, décida instinctivement à 1400 mètres de l’arrivée d’en prendre la tête, alors que les instructions de Benoit avaient été de le faire bien plus près du but. Benoit ne put que le féliciter, car c’était sans doute la meilleure des stratégies, puisqu’il remporta la course haut-la-main.

Après la saison hippique de 78, Benoit prit les rênes de l’écurie Maingard. Hélas, Jason, ayant pris trop de poids, décida de jeter l’éponge. Benoit fut donc contraint de recruter un nouveau jockey, et se rendit en Australie, une des bonnes sources d’embauche de ce type de cavalier. Et c’est avec le jockey Wilson, très fine cravache, qu’il entama les saisons hippiques de 1979 et 1980, au cours desquelles ils remportèrent de prestigieuses victoires. La « Barbé Cup », course dans laquelle le cheval Day To Remember surclassera ses adversaires, dont Azul, un des meilleurs pur-sang de ce temps-là, en le battant de six longueurs. Quelque temps plus tard, c’est avec le cheval Holdall qu’ils remporteront facilement la « Maiden Cup », la course phare de la saison, longue de deux tours du Champ de Mars, dans le temps record de 2.45.40. Et, enfin la « Gold Cup », course d’un mile, dans laquelle « Holdall » réitéra son exploit réalisé dans la « Maiden Cup », en remportant magistralement l’épreuve. Et c’est suite à ces performances-là, que l’écurie Espitalier-Noël fut proclamée Ecurie Championne de 1980.

Une des autres prouesses de l’entraineur Benoit Espitalier-Noël, fut de gagner dans la même journée de courses cinq épreuves sur six. Cela ne s’était jamais produit avant cette journée mémorable, et ne se produira pas encore après.

Sa carrière d’entraineur se prolongea quelques années encore, mais dans le cadre de ce papier, je n’ai pu parler que de ses succès les plus saillants. Toutefois, j’ajouterai qu’il suggéra aux dirigeants du Mauritius Turf Club de créer un nouveau trophée, la « Holdall Cup », du nom du meilleur cheval qu’il n’ait jamais entraîné, et eut la joie d’offrir au Club la coupe en question.

Je m’en voudrais de terminer cette chronique sans une pensée particulière pour ces Anglais qui, dès la colonisation de l’Ile en 1810, introduisirent de nombreux sports à Maurice, et nous donnèrent le gout de la compétition et du dépassement de nous-mêmes.

Cela fait, je peux maintenant dire haut et fort : Chapeau ! Benoit.

 

 

 

 

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