Greenwave innovation challenge : le secteur touristique face à l’urgence du développement durable

  • – Karine Perrier Curé (Beachcomber) : « Les hôteliers doivent repenser leur manière d’opérer »
  • – Juliette Deloustal (Attitude Hotels) : « Nous avons la responsabilité de positionner Maurice en île durable »
  • – Axelle Mazery (Rogers Hospitality) : « Dépasser les barrières de ce qu’on savait faire traditionnellement »

L’incubateur La Turbine a organisé une conférence sur le secteur touristique dans le cadre du GreenWave Innovation Challenge. Celui-ci vise à faire émerger des projets entrepreneuriaux innovants dans certains secteurs d’activité, comme l’industrie touristique. Ce débat était l’occasion de comprendre les enjeux et les défis du secteur, et comment les solutions innovantes peuvent résoudre les défis du développement durable.

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Présentant les résultats d’une enquête, Virginie Villeneuve a parlé du redressement du secteur touristique et des grandes tendances qui se profilent, déclarant que les touristes sont à la recherche de tourisme durable et veulent réduire l’empreinte carbone de leurs voyages. Autres tendances : ils veulent voyager hors saison, fuir les canicules et adopter de nouveaux comportements. « Ils veulent une expérience personnalisée et ayant du sens. Ils recherchent des séjours authentiques en immersion dans la culture locale. De plus, l’intelligence artificielle a pénétré tous les secteurs, y compris le tourisme, et les voyageurs l’utilisent pour construire leur voyage personnalisé et sur-mesure », dit-elle.

L’enquête révèle aussi que les hôtels prennent compte de la dimension sustainable de manière très sérieuse. L’enquête a tenu compte de la Corporate Reputation au niveau de différents piliers, comme la responsabilité durable (environnement, impact sur la société, traitement des employés et approvisionnement/logistique) pour évaluer la performance des hôtels. « Beachcomber affiche la meilleure responsabilité environnementale à Maurice. Mais attention, ce n’est pas un audit, mais une perception. Le groupe est suivi par Attitude, qui progresse, alors que Lux a tendance à dégringoler. Cela ne veut pas dire que le groupe fait mal, mais peut-être qu’il ne communique pas assez sur ses efforts ou n’entretient pas bien son image », explique encore Virginie Villeneuve.

En termes d’impact sur la société et de responsabilité vis-à-vis des employés, là encore, Beachcomber se classe très bien, tandis que Lux est en baisse, poursuit-elle. En 2023, les hôtels avaient un impact positif sur la vie des Mauriciens et qu’en 2024, les choses bougent avec un Brand Purpose très fort. « En général, les hôtels prennent compte de la dimension Sustainable de leurs activités de manière très sérieuse », dit-elle.

Deyna Marianen, Commercial and Operations Manager chez Mautourco, explique de son côté que l’entreprise met l’emphase sur la réduction des déchets et sa contribution à la société. « Nous réduisons notre empreinte carbone avec l’achat de véhicules électriques et hybrides. Nous avons aussi des panneaux solaires, nous permettant de réduire notre consommation d’électricité par 30% », rassure-t-il.

Mautourco se tourne également vers la technologie pour réduire l’utilisation de papier. Le réceptif a introduit des e-Vouchers et des applications mobiles pour les réservations en ligne, sans oublier sa politique de zéro plastique. En outre, elle explique que lorsque les tour-opérateurs étrangers recherchent des partenaires locaux, ils tiennent compte les critères de développement durable, les bonnes pratiques et la manière dont les employés sont traités, entre autres. « Avant, ils ne regardaient que le meilleur prix, mais leurs critères ont changé. Il y a aussi la propreté de la destination, la sécurité, ce qui est fait pour gérer les ressources naturelles, etc. Tout cela est pris en compte avant de signer des contrats », explique-t-elle.

Karine Perrier Curé, Chief Brand and Communication Officer de Beachcomber, constate pour sa part que l’ensemble des acteurs du tourisme sont bien engagés dans le développement durable. Parlant des efforts du groupe, elle souligne : « nous avons un impact concret et réel sur 25 000 individus/familles et nous sommes impliqués pour faire rayonner les communautés locales dans notre secteur. »

Elle ajoute que le groupe met en valeur le patrimoine artisanal en accompagnant 55 artisans sur les aspects techniques et marketing, et qu’il a éliminé le plastique à usage unique. Le plus grand défi, selon elle, est la gestion de l’érosion côtière et de la montée des eaux. « Nous faisons beaucoup pour contrer ces problèmes, mais il y a des voies à explorer et nous espérons que les entrepreneurs et inventeurs pourront proposer des solutions adaptées aux réalités du pays. » 

Elle soutient aussi que les hôteliers doivent repenser leur manière d’opérer en adoptant des technologies vertes et des applications mobiles écoresponsables, ainsi qu’en concevant ou adoptant des solutions innovantes pour protéger la biodiversité. « Nous avons de grands espoirs dans les jeunes entrepreneurs, parce que l’enjeu est important et que nous avons besoin de ces innovations », indique-t-elle.

Juliette Deloustal, Sustainability Manager d’Attitude Hotels, souligne que le développement durable fait partie des grandes opportunités d’affaires. « Nous avons la responsabilité de positionner Maurice en île durable, et les hôteliers sont pleinement engagés dans ce processus. Beaucoup d’entreprises veulent aller dans ce sens avec la valorisation des déchets. L’important est de respecter l’équilibre avec notre impact sur l’environnement et sur les communautés. »

Elle a donné des exemples des initiatives du groupe, comme l’élimination des emballages pour les snacks en chambre dans le minibar et pour le café. « Nous sommes preneurs de solutions innovantes et, surtout, nous cherchons des producteurs pour tout ce qui est végétal, car il y a très peu d’offres à Maurice pour ce genre de produit, qui peut remplacer la viande. »

Pour Axelle Mazery, Chief Brand and Communication Officer à Rogers Hospitality« la circularité c’est se dire que rien ne se perd dans nos activités ». Elle ajoute : « c’est un défi quotidien qui nous motive, qui nous a permis de rebattre les cartes post-Covid et de revoir notre modus operandi. Nous éliminons le plus possible nos émissions et nous travaillons sur un projet d’énergie solaire avec ENL. »

Elle explique par ailleurs que les fournisseurs respectent certains critères en matière de développement durable. A Bel-Ombre, où le groupe opère des hôtels, 93% des produits alimentaires sont ainsi d’origine locale ou viennent de l’océan Indien. « Nous favorisons l’économie locale, que ce soit en termes d’expériences loisirs ou de gastronomie. Il s’agit de démontrer de la créativité et de dépasser les barrières de ce qu’on savait faire traditionnellement », ajoute-t-elle.

Rogers Hospitality a aussi créé une Waste Management Division, qui se charge de la séparation, de la segmentation et du démantèlement des déchets afin de faciliter le travail des compagnies de recyclage, et le groupe s’intéresse à toutes les initiatives et projets pouvant aider à changer les choses. « Il y a des opportunités à exploiter sur certains déchets, comme le verre et le carton, qui sont de gros déchets dans l’hôtellerie, mais aussi pour le coco. C’est une matière qui peut être utilisée de mille façons, surtout que l’île compte beaucoup de cocotiers. »

Pression grandissante sur les ressources

La question du développement durable va se poser de manière de plus en plus pressante, au fur et à mesure que l’industrie touristique se développe, et la question du seuil de tolérance se posera également.

Daren Moodely, Project Coordinator à la Tourism Authority, explique ainsi que vu la croissance actuelle, d’ici une dizaine d’années, Maurice devrait accueillir deux millions de touristes, et il se demande si le pays en a la capacité.

Que ce soit deux ou trois millions de touristes, le défi sera de prévoir si le pays à la capacité d’accueillir ce nombre de visiteurs dans les prochaines années, estime-t-il. « Il y a déjà 20 000 chambres; il en faudra encore. Il y aura une pression additionnelle sur le pays en termes de fourniture d’eau potable, de gestion de déchets, etc. D’où l’importance de développer la circularité et de trouver des moyens pour résoudre ces problèmes. Je suis convaincu que nous avons des entrepreneurs ayant la capacité d’apporter des solutions », prévoit-il.

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