Stripping des pouvoirs du DPP : L’opposition se prépare à soumettre le FCC Bill au test de la Constitution

Le Financial Crimes Commission Bill, qui sera présenté en première lecture par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, demain, à l’Assemblée nationale, soulève un tollé général au sein de l’opposition. Ce texte de loi, instituant une Financial Crimes Commission, se substituant à l’Independent Commission Against Corruption, entre autres, est qualifié de dangereux, l’opposition exprimant des réserves quant à sa constitutionnalité.

- Publicité -

Les principales attributions de la Financial Crimes Commission sont de détecter, d’enquêter et de poursuivre au pénal des suspects dans des crimes financiers, tels que les délits de corruption, blanchiment d’argent, de fraude, de financement du trafic de drogue et toute autre infraction relative. Ces dernières semaines, le leader du Parti Travailliste et de l’Alliance PTr-MMM-PMSD, Navin Ramgoolam, a tiré la sonnette d’alarme contre ce texte de loi considérant qu’il le vise directement et que le but du gouvernement est de l’empêcher de présenter sa candidature aux prochaines élections générales.

De son côté, le chef de file des parlementaires travaillistes, Arvin Boolell, s’élève contre le fait que le bureau du Directeur des Poursuites Publiques (DPP) est placé hors circuit des enquêtes sur des délits financiers. « Le bureau du DPP sera réduit à une portion congrue et n’aura accès qu’aux dossiers de vols, d’accidents de la route, de délits et de crimes », dénonce  Arvin Boolell.

Il fait comprendre que le Curtailing des pouvoirs du Bureau du DPP avait été  inité en 2015, lorsque l’Assets Recovery Unit avait été transférée à la Financial Intelligence Unit.

« La création de la FCC sent la vengeance politique, des cas triés sur le volet considérés comme des crimes financiers présumés seront envoyés devant la Commission sans aucune implication du DPP. La ligne de démarcation entre le DPP et la FCC sera large. C’est extrêmement dangereux », fait-il comprendre en ajoutant avec force que « c’est avant tout une arme politique. Des pouvoirs illimités seront mis entre les mains du directeur qui ne sera qu’une marionnette du Premier ministre. »

Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, affirme, pour sa part, que l’opposition commentera les dispositions de ce projet de loi en temps et lieu. Il fait comprendre  toutefois qu’il y a en premier lieu le bilan de l’ICAC et de son directeur général, pressenti pour être le nouveau patron de la FCC.

« Normalement dans les pays du Commonwealth, le Best Practice est que celui qui initie les enquêtes ne devrait pas prendre la décision de poursuivre. Il aurait fallu qu’il y ait des contre-pouvoirs contre l’abus des pouvoirs. Ce n’est pas le cas dans la présente législation, ce qui veut dire que la porte est ouverte à tous les abus. Il y a également les autres dispositions de la loi qui prévoient que les pouvoirs du DPP pourront être contournés. Les dossiers n’iront plus au DPP. La FCC décidera qui poursuivre. Le DPP aura un rôle passif et devra décider s’il continue ou pas. Ce qui est extrêmement grave parce qu’elle peut décider de ne pas poursuivre les chatwas du pouvoir. Il s’agit de voir si c’est constitutionnel ou pas. Ce projet de loi semble être extrêmement dangereux. Tenant compte du bilan de l’ICAC, cette législation continuera à tolérer tous les abus possibles de la majorité. Devant une telle situation, cela ne m’étonne pas que les jeunes soient dégoûtés du pays. C’est extrêmement désolant. J’ai l’impression que ce projet de loi est en lui-même un acte de corruption », dénonce avec force le leader de l’opposition.

Reza Uteem, qui a quitté le pays, hier, pour une mission à l’étranger, souligne le risque que cette législation soit utilisée contre les opposants politiques est grand. « Un nominé politique à la solde du Premier ministre qui le nomme et qui est le seul à connaître ses conditions d’emploi, une personne qui a une allégeance totale au Premier ministre, aura désormais le pouvoir d’arrêter un citoyen. C’est extrêmement dangereux », met-il en garde.

« Au moins dans la Constitution, nous avons un commissaire de police qui a une indépendance, qui exerce le droit d’arrestation dans des paramètres bien définis dans la Police Act. Aujourd’hui, cette personne aura le pouvoir d’arrestation, qui constitue le pouvoir le plus draconien dans la mesure où il enlève au citoyen sa liberté de mouvement. Or, cette personne sera à la solde du Premier ministre », poursuit le député du MMM, en faisant état d’une tentative de museler le DPP.

« Cela n’est pas nouveau. C’est une obsession chez les Jugnauth de vouloir contrôler le pouvoir du DPP. Or cette législation, à mon avis will not stand the test of Constitutionality car le nominé politique du Premier va enfreindre les pouvoirs constitutionnels du DPP. Le temps que la constitutionnalité de cette législation serait débattue devant les instances compétentes, combien d’innocents et d’opposants politiques seront à la merci du Premier ministre et de sa marionnette. En cette année électorale, il va tout faire pour épuiser ses adversaires », dit Reza Uteem.

Commentant un amendement à la Local Government Act figurant à l’ordre du jour des travaux parlementaires, Reza Uteem fait ressortir que « c’est une loi anti démocratique dans la mesure où c’est le ministre des Administrations régionales qui aura les pouvoirs de déclarer les sièges vacants et nommera  les conseillers qu’il le souhaite. Ce qui vient confirmer que le gouvernement ne croit pas en la démocratie régionale et renforce la mainmise du pouvoir central sur les collectivités locales. »

Kushal Lobine, dressant un parallèle avec les débats autour des pouvoirs du DPP ainsi que des charges provisoires devant la Cour suprême, affirme que  « maintenant on veut diminuer carrément le rôle du DPP. Ce qui est navrant est que de facto cette affaire peut être contestée devant la Cour suprême car elle va à l’encontre de la Constitution. Si le gouvernement était venu avec un amendement à la loi suprême pour créer un nouveau poste constitutionnel prévoyant que des pouvoirs seront accordés à la personne qui s’occupe de la FCC, cela aurait suscité un débat. Cependant, on ne peut pas à travers une simple législation, créer une personnalité disposant des mêmes pouvoirs que d’autres postes constitutionnels, à savoir le commissaire de police et le DPP. C’est indécent. Cette démarche bafoue la séparation des pouvoirs et aussi les principes de base ancrés dans la constitution. C’est un texte de loi extrêmement dangereux qui ne change rien dans le combat contre la fraude et la corruption. De plus, la personne qui aura la charge de cette commission ne sera pas nommée par une institution indépendante. Je crains que ce soit un Prosecution Commission Bill Bis Repetita. »

NAVIN RAMGOOLAM, LEADER DU PTR

« Le Prosecution Commission Bill

sous une forme plus dangereuse »

« C’est une législation qui changera fondamentalement les procédures des enquêtes et pire ce sera un nominé politique qui décidera si oui ou non quelqu’un sera poursuivi au pénal. En  vérité, c’est le Prosecution Commission Bill qui revient sous une forme plus dangereuse.

« La question qui se pose est la suivante : Pourquoi cette législation est présentée un an avant les élections générales ? Est-ce  parce que c’est une législation qui change fondamentalement  les procédures pour les poursuites au pénal ? Est-ce que le gouvernement a eu des consultations avec toutes les parties prenantes? Est-ce qu’il a pu consulter le bureau du  DPP qui est directement affecté ? Est-ce que le Bar Council a été consulté ? Je ne sais pas .»

« Pour moi, c’est une législation qui est anti-constitutionnelle. Plusieurs sections de la Constitution y compris la section 1  et  la section 72 sont concernées. J’ai fait mention de cette démarche gouvernementale depuis le meeting organisé à Vacoas. Cela démontre combien Pravind Jugnauth est désespéré. C’est une  législation qui vise les opposants du régime. C’est pourquoi tous ceux qui croient dans un État de droit doivent faire bloc contre cette loi. Elle est extrêmement dangereuse non seulement pour notre démocratie mais aussi pour notre liberté. Cela remet en question l’État de droit. »

Interrogé sur l’éventualité que la loi soit contestée en Cour suprême, Navin Ramgoolam a affirmé que cette question est envisagée. « Toutefois, j’ai dit à mes amis avocats de ne pas se précipiter. Il faudrait bien se consulter entre les membres du Bar Council. »

 

- Publicité -
EN CONTINU ↻

l'édition du jour

- Publicité -