- Le manque à gagner évalué à de Rs 11,2 milliards avec ces deux mois de restriction appliqués sur ce marché touristique
- Les voyagistes sud-africains : « No logical reason why South Africans should be banned to come to Mauritiuys»
- Christian Lefèvre : « Il y a beaucoup plus de cas positifs à l’Omicron en Europe qu’en Afrique !
En fin d’année et sans grand fanfare, Maurice a étendu jusqu’au 31 janvier, le Travel Ban sur l’Afrique du Sud. Déjà depuis le 28 novembre dernier, les vols commerciaux sur ce secteur. Cette extension a suscité la controverse non seulement les professionnels du tourisme locaux mais aussi sud-africains. L’incompréhension est encore plus grande parmi ces professionnels car le variant Omicron est déjà présent à Maurice ! Ce ‘travel ban’, qui va finalement durer deux mois, se traduira par un impact économique conséquent pour l’économie, avec un manque à gagner estimé à quelque Rs 11,2 milliards. C’est ce qu’indique l’économiste Bhavish Jugurnath. Les professionnels du tourisme préfèrent parler de « dire consequences » au lieu de quantifier les répercussions de dette décision sur l’un des plus importants touristiques du pays…
À Maurice, cette annonce a jeté un froid durant les derniers jours de 2021; les opérateurs locaux ne comprenant pas sa pertinence, alors que le variant Omicron est déjà en circulation sur le territoire. L’omicron est aussi présent sur plusieurs autres marchés émetteurs, notamment en Europe. Ils se demandent pourquoi l’extension s’applique uniquement à l’Afrique du Sud.
« Le premier communiqué du 27 novembre avait expliqué que c’est à cause du variant Omicron que Maurice fermait ses frontières avec l’Afrique du Sud. Or maintenant, l’Omicron est déjà bien présent à Maurice, donc nous ne comprenons pas pourquoi les restrictions doivent se poursuivre jusqu’à fin janvier », fait comprendre un hôtelier, dépité.
Dans les milieux touristiques, l’on cache à peine sa frustration, d’autant que le communiqué de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) ne donne aucune explication sur la nécessité de garder les frontières fermées avec l’Afrique du Sud, cela alors que le secteur touristique est déjà en proie à de grandes difficultés et que sa reprise est sérieusement menacée. Dans son communiqué laconique, la MTPA de Nilen Vencadasmy, très proche de Jean-Michel Pitot de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), souligne seulement que « there are currently no commercial passenger flights from South Africa to Mauritius. Until 31 January 2022, any person who has been in the Republic of South Africa, Botswana, Namibia, Zimbabwe, Eswatini, Lesotho, Angola, Malawi, Mozambique and Zambia in the 14 days before their date of arrival in Mauritius will not be allowed entry or transit in Mauritius. »
Pour nombre d’hôteliers et d’opérateurs touristiques locaux, cette démarche officielle a provoqué un choc. Ils pensaient pouvoir compter sur le marché régional – sud-africain en particulier – pour remonter la pente après plusieurs mois de disette, mais ce ne sera pas le cas. Christian Lefèvre, directeur de l’agence Coquille Bonheur et président de l’association Friends in Tourism, est parmi les rares à exprimer son avis sur le sujet.
« C’est avec un sentiment d’injustice que nous avons appris que la fermeture des frontières mauriciennes avec l’Afrique du Sud est étendue jusqu’au 31 janvier 2022. Il s’avère qu’il y a énormément plus de cas en Europe qu’en Afrique en général. Nous avons l’impression de vivre une Afrophobie » , dit-il. Cet opérateur parle de « coup de massue pour l’industrie touristique » sans oublier les investisseurs africains qui ont choisi d’investir dans l’immobilier de luxe à Maurice. « Je suis profondément déçu et je demande au gouvernement de revoir cette décision au plus vite », fait-il comprendreen ce début d’année.
Le communiqué de la MTPA a également fait bondir les agences de voyages sud-africaines, cela d’autant que dès la mise en œuvre des restrictions en novembre dernier, l’Association of Southern African Travel Agents (ASATA), qui regroupe les agences de voyages sud-africaines, avait pris position, arguments et chiffres à l’appui, pour un « immediate lifting » des restrictions et expliquant que « a person is as likely to catch the omicron variant in Port Louis, Berlin, Brussels or Paris or as they are in Johannesburg or Cape Town. Travel bans have become redundant in the face of this reality.”
« Dire consequences »
Quelques jours de cal, dans une deuxième correspondance adressée au Premier ministre-adjoint et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, l’ASATA, sous la plume de son CEO, Otto de Vries, parle de « frustration and disappointment » suivant cette décision du gouvernement. « This is no sound basis in science to continue this ban, considering how the Omicron variant is now also present in Mauritius. Continuing a travel ban is now less effective in slowing the incursion of Omicron from abroad. In fact, travel bans have become redundant in the face of this reality and bans have been lifted for travel to the United Kingdom, Ireland, The United States, Canada, Belgium, The Netherlands, Denmark, Malaysia and Singapore in the past few days and weeks », explique-t-il.
Et le CEO de l’ASATA poursuit : « Considering travelers to Mauritius must also show proof of a negative PCR test before arrival to fly to Mauritius and then an antigen test on arrival, there is simply no logical reason why South Africans should be banned from traveling to Mauritius. The travel ban has had dire consequences for the travel and tourism industries of both countries. »
Impact économique
à de multiples niveaux
Otto de Vries parle d’impact économique de 1 milliard de rands pour les deux pays, (soit l’équivalent de quelque Rs 2,7 milliards) « in packaged holidays alone » précise-t-il ; et un « predicted loss of at least ZAR 400 million in January 2022. » Il ajoute à l’adresse de Steven Obeegadoo : « we urge you to reconsider the extended travel ban and in fact lift the ban as a matter of urgency. »
Cette décision d’extension des restrictions entre Maurice et l’Afrique du Sud peut paraître anodine pour nombre de personnes mais son impact économique pourrait s’avérer extrêmement lourd… Les voyages et le tourisme ont rapporté USD 168 milliards aux économies africaines l’année dernière. Et Maurice a enregistré une chute de 96 % de ses recettes touristiques au cours du premier semestre 2021, la pandémie et les restrictions ayant dissuadé les gens de se rendre à Maurice.
« Les recettes ont chuté à Rs 578 millions contre Rs 16,08 milliards l’an passé, selon les chiffres de la Banque de Maurice. Rien qu’en juin dernier, les recettes sont passées de Rs 383 millions à 20 millions, » explique Bhavish Jugurnath, économiste, brossant un tableau de la situation actuelle.
« Le tourisme est une source importante de devises étrangères pour Maurice et nous nous attendions à ce que l’industrie rebondisse à partir du quatrième trimestre avec la réouverture des frontières aux touristes vaccinés, » dit-il. Bhavish Jugurnath estime qu’avec l’ouverture des frontières post-Covid-19, le pays devrait cibler le tourisme régional, principalement l’Afrique du Sud, qui représentait 8% des arrivées de touristes en 2020, « étant donné son statut de hub régional africain et ses vols directs vers Maurice ».
Concernant précisément la décision des responsables touristiques du pays d’étendre les restrictions avec l’Afrique du Sud au 31 janvier, Bhavish Jugurnath parle de « huge economic impact » pour Maurice. « Nous avons déjà une diminution d’environ 77% de nos principaux marchés européens, la France et le Royaume-Uni. Le secteur du tourisme a contribué directement à 8,2 % du PIB en 2019 et indirectement à 23,8 %. Il représentait 22 % des emplois, 60,3 % des exportations de services et 35 % des exportations totales. Maurice est extrêmement vulnérable compte tenu de sa forte dépendance au tourisme et le secteur est le plus touché avec la pandémie », avance-t-il.
D’après ses analyses, une interdiction de deux mois des voyageurs sud-africains de décembre 2021 à janvier 2022 affecte les services d’hébergement à hauteur de 8%, les services de transport aérien et maritime de passagers à hauteur de 12,5%. Elle met aussi en péril 4% du secteur Food & Beverages, sans compter les effets multiplicateurs sur d’autres secteurs comme transport intérieur, les activités de loisirs et la consommation. « L’impact économique total de l’extension de ces restrictions est estimé à 2,8 % du PIB pour les deux mois, compte tenu du fait que ces restrictions affecteront également les arrivées en provenance d’autres pays africains, à savoir le Botswana, le Mozambique, le Zimbabwe, la Namibie et la Zambie », explique l’économiste. Ce qui équivaut à un manque à gagner de quelque Rs 11,2 milliards, tenant compte d’un Produit intérieur brut de Rs 400 milliards pour 2021.