Fragilité et vulnérabilité mais force en démocratie

Samedi 28 septembre 2024 : une journée normale pour le citoyen lambda. En cette Journée mondiale de l’information, il a été informé de ce qui se passe dans le monde et plus près de lui. Comme d’habitude. Encore plus normal pour les puissants du jour. Surtout si les moyens à leur disposition en tous genres et à portée de main – soit du simple acte d’intimidation à la répression la plus insidieuse sans oublier le poids écrasant de ces procès en diffamation instruits pour faire taire ceux qui empruntent les pas de Lord Northcliffe proclamant « News is something someone wants to suppress. All the rest is advertising » – sont bien huilés.

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Si au quotidien, la démocratie peut prendre pour argent comptant cet accès universel à l’information, les principaux maux, minant le réseau assurant cette dissémination des faits, sont hélas chroniques. Un récent bilan de santé, coïncidant avec les célébrations, sans aucune raison de se réjouir, de la World News Day montre, ô combien fragile et vulnérable est l’information, mais surtout la force, la colonne vertébrale, de la démocratie dans un monde où le langage assourdissant des armes règne en maître.

À cette occasion, reprenant une déclaration de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, « l’information et la liberté sont indivisibles » ou encore « la révolution de l’information est impensable sans démocratie, et une véritable démocratie est inimaginable sans liberté de l’information », la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, souligne dans son message que « l’information joue en effet un rôle fondamental dans les sociétés démocratiques ».

Force incontestable en démocratie.

Est-ce vraiment le cas, si ce qu’avait prédit cette même UNESCO en 2022 à l’effet que « le modèle économique des médias d’information n’est plus viable » se vérifie sous forme de graves et insurmontables difficultés pour l’ensemble de la communauté engagée dans la quête et de la dissémination de l’information.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, dans le monde d’aujourd’hui, nous vivons avec l’information dès que nous ouvrons les yeux jusqu’à ce que nous les fermions. Mais cet Advertising, décrié par Lord Northcliffe au XIXe siècle, est le nouveau maître à bord. L’AFP note que sur le front mondial, « le trio composé de Meta (Facebook, Instagram), Amazon et Alphabet (Google) captera près de 44% des dépenses publicitaires mondiales en 2024, contre 25% pour les médias traditionnels. »

À Maurice, le marché de la publicité n’est pas immunisé contre ce virus mondial. L’économie de la presse demeure le talon d’Achille de ce moteur faisant fonctionner la démocratie. Mais le diagnostic ne se limite pas aux facteurs externes. La confiance et l’influence dans les médias sont en berne. Il faut le reconnaître, comme se rappeler cette fameuse réflexion du philosophe Jean-Paul Sartre, une icône de la jeunesse des années 70, « l’enfer, c’est les autres ».

Ensuite, le travail des professionnels de l’information est systématiquement fragilisé par la puissance éphémère de la désinformation, avec comme allié inébranlable l’intelligence artificielle. Le parterre des Fake News paraît plus florissant aux dépens du rétrécissement de l’espace de la démocratie.

Ne dit-on pas aussi que news is the most perishable of commodities on the marketplace avec les professionnels décuplant d’efforts pour répondre aux attentes de ce même marché. En dépit de l’asphyxie de la menace à la liberté de la presse sous forme de 584 professionnels de la presse en prison pour avoir fait leur travail consciencieusement en ébranlant la Comfort Zone des nantis, plus de 130 journalistes y ont été tués par des frappes israéliennes depuis le 7 octobre 2023, dont au moins 32 dans l’exercice de leurs fonctions.

À Maurice, la prochaine campagne électorale pourra se transformer en un terrain fertile pour promouvoir une Freedom of Information Act, qui n’a pas de prix en démocratie. Mais qui a le potentiel d’un puissant antidote contre des intoxications à la démocratie.

Probablement, des promesses en apposition à l’appel de l’UNESCO, visant à faire de l’information un bien public national au lieu d’une propriété d’État ou encore un instrument d’assujettissement. En collaboration avec le gouvernement du Ghana, cette agence spécialisée des Nations unies organisera en cette fin de semaine une conférence internationale s’articulant autour de la prise en compte systématique de l’accès à l’information et de la participation dans le secteur public.

Et en toile de fond, le droit à l’information publique est un fondement de la liberté d’expression. Mais surtout de consolider le rôle des différentes parties prenantes, s’agissant de faire en sorte que tous les individus et toutes les entités soient en mesure de chercher des informations, de les recevoir et de les relayer, ainsi que de participer aux processus démocratiques.

Et c’est là que réside la force de l’information…

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