Le Mauricien a rencontré cette semaine l’ambassadrice de France, Florence Caussé-Tissier, qui parle de la situation en Ukraine et des initiatives de la France, assurant actuellement la présidence de l’Union européenne, dans le cadre multilatéral. « La France exige que La Russie cesse son agression militaire. Elle se tient fraternellement aux côtés de l’Ukraine, avec une Europe unie et solidaire, avec d’autres pays aussi », affirme-t-elle. De plus, elle évoque également la coopération indo-pacifique, qui a récemment fait l’objet d’un Forum à Paris, et la coopération régionale.
Sur le plan de la coopération bilatérale même, elle considère que le dialogue est étroit et constant avec les partenaires mauriciens et présente Maurice comme une destination attrayante pour l’implantation des plateformes à la pointe de la technologie. Par ailleurs, l’ambassadrice annonce l’organisation d’une « Semaine 2024 » prévue du 7 au 9 mars, en lien avec des acteurs et experts du sport France/Maurice.
« Ce qui se passe en Ukraine est une agression armée, en totale méconnaissance des principes inscrits dans la Charte des Nations unies. Cette agression remet en cause les principes fondamentaux du droit international »
« Nous faisons en sorte que l’investissement puisse continuer d’être stimulé du mieux possible dans cette phase qu’on aimerait qualifier de post-Covid. Des entreprises françaises viennent. Nous avons assisté récemment à l’ouverture d’une filiale de XEFI, le leader français des services informatiques aux Petites et moyennes entreprises. »
Au moment où nous nous parlons en ce jeudi matin, les bombardements déferlent à Kiev. Comment vivez-vous cette invasion russe en Ukraine ?
La France a mesuré la gravité de cette situation, d’emblée. La République française s’est mobilisée au niveau diplomatique et politique pour condamner de la manière la plus ferme ce qui constitue en droit international une agression de la part de la Russie sur le territoire souverain de l’Ukraine.
La France a été très active dans un cadre multilatéral, celui des Nations unies en votant en faveur de la résolution condamnant la Russie au Conseil de Sécurité dès la semaine dernière, ensuite pour voter en faveur de la résolution qui a été portée devant l’Assemblée générale des Nations unies.
141 États ont voté en faveur d’une résolution, qui condamne dans les termes les plus fermes l’invasion militaire lancée par la Russie contre l’Ukraine.
Ce qui se passe en Ukraine est une agression armée, en totale méconnaissance des principes inscrits dans la Charte des Nations unies. Cette agression remet en cause les principes fondamentaux du droit international, principes qui concernent tous les membres des Nations unies. La France exige que la Russie cesse son agression militaire. Elle se tient fraternellement aux côtés de l’Ukraine, avec une Europe unie et solidaire, en compagnie d’autres pays aussi. Le président Macron disait mercredi soir qu’il y a ces moments historiques où l’Europe doit devenir une puissance non seulement économique mais également une puissance de paix.
L’Europe a vraiment démontré son unité et sa détermination. Dans le cadre de la mobilisation diplomatique qui a eu lieu, une attention spéciale a été accordée au droit international humanitaire pour qu’il soit respecté, pleinement. Le Comité des Droits de l’Homme a estimé à un million les réfugiés qui se sont déplacés. Le soutien à l’Ukraine dans cette période grave est une priorité de la France. Et, à titre bilatéral, une enveloppe financière de 100 millions d’euros va être mobilisée. Il y a aussi une aide européenne qui sera accordée à la demande des autorités ukrainiennes – qui ont fait appel au mécanisme de protection civile de l’Union européenne. Ce mécanisme apporte, de manière préventive en l’espèce, un certain nombre d’équipements de santé, de protections, de tentes, de kits, au bénéfice des personnes déplacées. Dans ce cadre, la France a déjà acheminé 40 tonnes de matériel en Ukraine.
Même à Maurice en tant qu’ambassadrice vous êtes mobilisée dans cette action française ?
Bien sûr, c’est la mobilisation de la diplomatie française qui s’est portée dans tous les pays où la France a une ambassade. Nous nous sommes concertés avec nos interlocuteurs mauriciens. Maurice a d’ailleurs voté en faveur de la résolution présentée à l’Assemblée générale des Nations unies.
Les autorités mauriciennes vous ont aussi approchée pour que la France accorde son aide aux ressortissants mauriciens en Ukraine…
De manière générale, la France reste attentive comme les autres États membres des États européens pour que les étudiants ou des communautés installés en Ukraine puissent vivre de manière sécurisée et revenir dans leurs pays.
Malgré ces moments difficiles, la présidence française a organisé le 22 février dernier le premier forum ministériel consacré à la coopération en indo-pacifique. Pourquoi cette initiative ?
C’était une activité diplomatique qui a connu un point d’orgue. Ce forum était inédit dans son format et sa thématique. C’est une initiative de la France qui assume la présidence de l’Union européenne pour les prochains six mois. Elle a été très intéressante car elle a permis de réunir les institutions européennes, les ministres des Affaires étrangères des États membres de l’UE, et une trentaine d’États de la zone Indopacifique, ainsi que des représentants des organisations régionales de l’océan Indien et de l’océan Pacifique.
L’idée était de mettre un regard sur ces deux ensembles qui constituent l’Union européenne et la région indo-pacifique parce que les échanges économiques entre l’UE et l’Indopacifique sont considérables et contribuent à la prospérité de ces deux régions. À travers les régions ultrapériphériques et territoires d’outre-mer de ses États membres, l’Union européenne fait aussi partie de cette région dont elle partage intimement le destin. La région indopacifique revêt une importance stratégique croissante pour l’UE en raison de son poids économique (bientôt 60% de la richesse mondiale) et démographique (3/5 de la population mondiale).
La présidence française de l’UE a mis en avant l’engagement des Européens à l’égard des pays de la région Indopacifique à travers sept domaines d’action susceptibles de déboucher sur des actions concrètes, à savoir la prospérité durable et inclusive ; la transition écologique ; la gouvernance des océans ; les partenariats numériques ; la connectivité ; la sécurité et la défense, ainsi que la sécurité humaine. Dans cette perspective, ce Forum a été l’occasion de témoigner de la force des liens qui existent entre les pays de l’UE et ceux de l’Indopacifique et de notre volonté de les approfondir. Il s’agit ainsi de proposer un modèle de coopération, fondé sur le multilatéralisme, mettant en pratique les principes de soutenabilité, d’ouverture et de réciprocité dans le respect des règles de droit et dans un espace ouvert.
Les ministres ont réfléchi ensemble aux initiatives et aux projets susceptibles de concrétiser et de renforcer la dynamique de partenariat entre l’UE et l’Indopacifique. L’objectif est de susciter des dynamiques de projets et d’actions.
Quelle est la pertinence de cette démarche pour les îles de l’océan Indien, dont Maurice ?
Ce forum a mis en évidence l’ambition partagée par les participants, dont Maurice, de travailler ensemble sur des sujets qui touchent directement Maurice : les enjeux globaux tels que le changement climatique, la préservation de la biodiversité et des océans, la connectivité et les questions numériques, la santé ou encore la liberté de navigation. Il a permis de définir les actions de coopération et de solidarité de l’UE et des États de l’Indopacifique.
C’est durant cette réunion du conseil des ministres de la COI que la France a passé le relais de la présidence à Madagascar. Peut-on dresser un bilan de la présidence française ?
En étroite coopération avec le secrétaire général de la COI, la présidence française a été l’occasion de faire le bilan de celle-ci de la COI avant de passer le flambeau à nos amis malgaches. Elle a permis de renforcer la solidarité régionale, promouvoir la francophonie, renforcer l’intégration économique des territoires français de l’océan Indien dans leur environnement proche.
Durant cette présidence, plusieurs projets importants ont été initiés et ont permis d’apporter un souffle nouveau à la coopération régionale dans le sud-ouest de l’océan Indien dans différents domaines pour plus de solidarité et de résilience. La contribution française s’est articulée à travers plusieurs axes, à commencer par la relance de l’économie. Une initiative en particulier a été de soutenir la création d’un incubateur d’entreprises multisectoriel et la création d’un réseau d’entrepreneurs.
Le forum des femmes et hommes d’affaires de l’océan Indien du 18 novembre 2021, organisé par Cap Business océan Indien, a permis de mettre en relation et d’encourager de nouvelles synergies entre les entrepreneurs de la région. Il y a eu des actions touchant à la sécurité maritime grâce à une coopération entre les États de la région (Djibouti, Comores, Kenya, Madagascar, Maurice, Seychelles, Somalie, Tanzanie).
En janvier il y a eu ce symposium sur la sécurité environnementale organisé par le ministère des Armées, auquel ont participé des experts des cinq États membres de la COI.
Au moment où la France a assumé la présidence nous étions encore très en prise avec les questions de santé, et les thématiques liées à la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ont été un sujet central de la présidence française. Durant cette période, la solidarité a été mise de l’avant à travers le partage d’informations et l’acheminement d’équipements médicaux à quatre États membres de la COI dont Maurice.
L’organisation d’une journée régionale de l’économie bleue dans la région, le 17 juillet 2021, a aussi été un moment fort de cette présidence. Cette journée a rassemblé 200 participants et a permis de présenter les engagements de la France et des États de la COI sur cette thématique.
Il est aussi important de citer l’éducation, la jeunesse. À ce propos il y a eu les premières assises régionales de la formation et de la mobilité professionnelle les 10 et 11 février à la Réunion. Celles-ci ont rassemblé tous les acteurs de la zone afin de faire le point sur les formations existantes, les besoins et l’élaboration à venir des grands axes d’un programme régional de mobilité.
Il faut aussi signaler le lancement du projet Hydromet qui fédère la coopération de l’AFD, l’Union européenne et le Fonds vert pour le climat. Ce fut en temps très fort pour la France dans cet exercice de la présidence de la COI qui permettra pour les mois et années à venir de poursuivre sur les initiatives qui ont été fixées.
La France a toujours encouragé une relation plus étroite entre les deux îles sœurs, Maurice et La Réunion. Où en sommes-nous à ce sujet?
Cela se réalise avec beaucoup d’élan, avec toute la motivation portée de part et d’autre pour continuer à servir cette relation si particulière entre les deux îles sœurs. C’est une coopération qui avait été structurée depuis une dizaine d’années avec un accord-cadre conclu en janvier 2011 entre la République française et la République de Maurice.
A l’époque, plusieurs axes de coopération prioritaires avaient été identifiés. De fait des restrictions introduites en raison de la pandémie, il a été moins facile de circuler et évidemment moins facile de pouvoir travailler comme d’habitude. Les dynamismes ont toujours été à l’œuvre soit au niveau institutionnel, du secteur privé, de la coopération portée par l’ambassade, au niveau des initiatives portées ici à Maurice par le représentant de l’antenne région Réunion.
Les perspectives maintenant seraient, dans cet élan post-Covid, de susciter des synergies à la fois dans le domaine économique mais également dans des domaines de coopération institutionnelle portée par l’ambassade à travers le service d’action culturelle pour continuer à porter des actions que ce soit dans le domaine de l’éducation, de la formation continue et initiale, dans le secteur de la santé, de l’agriculture et aussi une coopération très étroite dans des contextes difficiles comme le naufrage du Wakashio.
Ce sont des dynamiques qui sont restées à l’œuvre à travers des actions menées au niveau sanitaire. À ce propos, un don de 200 000 masques sera fait à Maurice par le département de La Réunion. Un médecin et une infirmière ont fait le déplacement à Maurice à la fin de l’année dernière pour travailler aux côtés de leur confrères et consœurs pendant quelques jours dans des démarches de solidarité et de résilience face à la pandémie.
Quels sont les domaines dans lesquels cette coopération est la plus favorisée ?
Dix secteurs prioritaires ont été identifiés en 2011, lors de la signature de l’accord-cadre, relevant de thématiques tant économiques que culturelles ou éducatives. Dès lors, en une dizaine d’années de nombreuses actions ont été menées. L’accompagnement sur les thématiques de durabilité mérite d’être souligné : Maurice peut par exemple bénéficier de l’expertise du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) ou de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), tous deux basés à La Réunion. Formation initiale/continue, économie circulaire, traitement des déchets, agriculture sont également identifiés comme enjeux d’intérêt.
Comment se présente la coopération bilatérale entre Maurice et la France en 2022 ?
Le dialogue est étroit et constant avec les partenaires mauriciens, dont évidemment, plus particulièrement, le ministère des Finances. À Maurice, le groupe AFD intervient pour promouvoir une croissance verte et solidaire, en favorisant, notamment, des partenariats économiques. En ligne avec les grands enjeux de développement de Maurice, l’AFD met l’accent sur le soutien aux grandes transitions, parmi lesquelles les transitions énergétiques, territoriales et écologiques, économiques et financières. PROPARCO, filiale de l’AFD dédiée au secteur privé, est également active à Maurice, de même qu’Expertise France qui apporte sa contribution en matière de politiques publiques et d’accompagnement au changement lié aux transitions.
Dans l’ensemble sur le plan de l’enseignement du français et de la francophonie, nous favorisons une démarche de qualité et privilégions les actions régionales en développant des ateliers formation en ligne, création de l’espace If profs Maurice et promotion des certifications en français. La coopération éducative est axée sur l’employabilité des jeunes en contribuant à la structuration d’une filière de formation professionnelle francophone ou francophile.
Dans le domaine de la coopération universitaire nous maintenons une exigence de qualité dans les cursus proposés et privilégions des formations innovantes articulées sur des accords interuniversitaires régionaux. Finalement, quant aux actions culturelles nous favorisons la proximité en mettant l’accent sur le numérique et l’innovation.
Qu’est-ce qui a changé en termes de dispositif de contrôle sanitaire en France au vu du passage de Maurice sur la liste verte française ?
Avec le passage de Maurice sur la liste verte France/métropole, les voyageurs ayant un parcours vaccinal complet n’ont plus à se soumettre à un test PCR au départ de Maurice. Ils ont simplement à présenter un justificatif de leur statut vaccinal qui doit obligatoirement contenir un vaccin du type ARN (Moderna ou Pfizer). Les voyageurs non vaccinés doivent présenter le résultat négatif d’un test PCR de moins de 72 heures ou un certificat de rétablissement. Les enfants de moins de 12 ans sont dispensés de ces formalités.
Aucune mesure (tests, isolement) n’est en vigueur à l’arrivée en France métropolitaine. Les mesures sont différentes pour se rendre à La-Réunion. Les voyageurs vaccinés doivent présenter les résultats d’un test négatif PCR ou antigénique de moins de 24h, un justificatif de leur statut vaccinal et une déclaration sur l’honneur attestant qu’ils ne présentent pas de symptômes d’infection à la Covid-19. Les voyageurs non vaccinés ne peuvent voyager que s’ils relèvent d’un motif impérieux et doivent également présenter un test PCR et une déclaration sur l’honneur.
Est-ce que le don de 200 000 vaccins Moderna s’inscrit dans le cadre du Covax ?
Dans le cadre de ce don de 200 000 doses, la France n’est pas passée par la facilité COVAX mais a fait don des vaccins de manière bilatérale à Maurice. D’une manière générale, la France a été dès le début, et continue d’être aujourd’hui, l’un des acteurs les plus actifs de la réponse internationale à la crise sanitaire. La France a été le premier pays à donner des vaccins via COVAX dès avril 2021. Face à cette crise majeure, nous sommes convaincus que seule une réponse multilatérale et solidaire peut nous permettre d’être à la hauteur des enjeux. La France a déjà cédé plus de 75 millions de doses, les mêmes que ceux utilisés dans le cadre de la campagne française majoritairement livrées par le canal Covax.
On a observé ces derniers temps un intérêt croissant des opérateurs français dans le secteur de la haute technologie et dans la connectivité. Peut-on dire que la France soutient le pays dans le secteur de l’innovation et de la modernisation de ses services ?
Nous faisons en sorte que l’investissement puisse continuer d’être stimulé du mieux possible dans cette phase qu’on aimerait qualifier de post-Covid. Des entreprises françaises viennent. Nous avons assisté récemment à l’ouverture d’une filiale de XEFI, le leader français des services informatiques aux petites et moyennes entreprises. Le choix de Maurice pour y implanter une plateforme à la pointe de la technologie témoigne de l’attractivité du pays par les entreprises du secteur, ce qui entraîne une dynamique très positive.
Bien évidemment, la France aide ces acteurs privés et salue ces développements. Le soutien à l’innovation et au développement des TIC est depuis plusieurs années au cœur des priorités portées par l’Ambassade et ses opérateurs. À ce titre, notre action est double. D’une part, nous encourageons les entreprises françaises à s’installer avec leurs technologies, d’autre part nous soutenons également les opérateurs locaux à valoriser leurs propres innovations. L’aide à l’organisation d’un concours de startup, dans le cadre du Challenge Tech4Good de la French Tech Maurice, a ainsi favorisé l’émergence d’entreprises porteuses d’une offre de service prometteuse.
Dans le cadre de l’année de l’économie bleue, soit de mai 2021 à mai 2022, l’ambassade s’est associée à l’incubateur La Turbine pour lancer un appel à projets. Réalisé en partenariat avec l’EDB, ce programme a permis de proposer à plusieurs startup intervenant sur ce thème de bénéficier d’un parcours de pré-incubations. À l’issue de ce processus, quatre projets ont été élus par un jury de professionnels. Cette initiative a permis de mettre en avant le potentiel d’innovation présent à Maurice et de relancer l’idée de la création d’un fonds d’investissement capable de soutenir les startup dans leur phase d’amorçage.
Pour terminer quels sont vos souhaits en matière de coopération entre nos deux pays ?
C’est une coopération que je considère comme très stimulante. Je pense entre autres à la filière d’excellence qui a été lancée au lycée des Mascareignes dans le domaine du sport. De plus, la coopération française bénéficie actuellement d’un vent de renouveau dans ce qu’on appelle la diplomatie sportive, portée par la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
La labellisation récente de l’ambassade Terre de Jeux 2024 dans la perspective du rendez-vous de 2024, qui va permettre à ce poste d’organiser des événements Sport pour tous. En outre, nouveauté, une Semaine 2024 aura lieu du 7 au 9 mars, en lien avec des acteurs et experts du sport France/Maurice. La Journée de la femme, le 8 mars, sera articulée avec la thématique de la francophonie et celle du sport. Nous aurons un programme qui a été monté avec nos interlocuteurs mauriciens.