Guillaume Hugnin, président sortant : « Le contexte appelle à une gestion budgétaire disciplinée »
Le ministre Ganoo, s’appuyant sur la CNUCED, met en garde contre un « rapidly worsening outlook for the world economy »
Guillaume Hugnin, président sortant de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), qui a été succédé par Namita Jagarnath Hardowar, Managing Director d’Institutional Expert Services, a brossé un tableau sombre de la situation de l’économie. Rappelant d’emblée que Fonds monétaire international (FMI) a revu à la baisse ses estimations de croissance mondiale pour 2022 à 4,4%, il fait état d’une reprise mondiale plus lente. « Maurice sera sans nul doute affectée », avouera-t-il en ajoutant que dans la conjoncture des actions politiques appropriées et fortes s’imposent pour amortir les coûts économiques et sociaux qui découlent de cette crise.
Passant en revue la performance économique en 2021, le président sortant de la CCI se félicite que la croissance découle de la bonne santé du secteur financier et de celui des TIC, qui ont nettement progressé. Il a fait ressortir que le commerce a rebondi, dépassant en valeur les chiffres de 2019. Les exportations de marchandises ont atteint environ Rs 69,9 milliards, contre Rs 60,4 milliards en 2020 et Rs 66,6 milliards en 2019. Les importations ont, elles, atteint Rs 215 milliards en 2021, contre Rs 192 milliards en 2019 et Rs 165 milliards en 2020.
Pour 2022, la CCI suit avec préoccupation sur le front international, notamment la crise russo-ukrainienne, la flambée des cours mondiaux des denrées alimentaires, du carburant, de l’énergie, du transport et de l’expédition. « Nous sommes surtout inquiets de la détérioration des indicateurs macro-économiques, de l’endettement public, qui à ce jour, a atteint la barre de presque 90% du PIB, par la constante dégradation de notre balance commerciale, et par l’effondrement de notre roupie mauricienne » , dit-il.
Changement « sismique » du paysage fiscal
Guillaume Hugnin parle aussi de changements sismiques dans le paysage fiscal, avec l’ajout d’impôts tels que la Solidarity Levy de 25% et la Contribution sociale généralisée (CSG). « Cette hausse des taux d’imposition place notre pays dans la catégorie des pays à fort taux d’imposition », ajoute-t-il. Il est d’avis que ces décisions ont compliqué la donne et contribué à augmenter les coûts des entreprises avec des conséquences sur la relance des activités commerciales.
À cet égard, il met en contraste le fait que l’élément déclencheur du miracle économique dans les années 80 a été l’adoption d’un régime fiscal simple et faible. « À l’inverse, des calculs fiscaux complexes et des taux d’imposition élevés encouragent les exercices d’évasion fiscale et pourraient entraîner des recouvrements d’impôts plus faibles que prévu tout en réduisant l’attractivité et la compétitivité du pays pour les flux d’investissement. Il est également connu qu’une fiscalité excessive et complexe favorise le développement d’un secteur informel. Motivés par la possibilité d’éviter le paiement des impôts, ces acteurs prospèrent dans une économie parallèle où l’on privilégie les transactions en espèces » fera-t-il ressortir.
Hiérarchiser les dépenses
Pour le président sortant de la CCI, le contexte économique appelle à une gestion budgétaire disciplinée afin de réduire la dette publique avec la tendance haussière notée de manière unanime. « Il est devenu essentiel de hiérarchiser les dépenses en vue de remédier à la divergence croissante entre les dépenses et les recettes. Dans le même temps, il est nécessaire de simplifier l’écosystème fiscal et d’inciter les entreprises à devenir plus compétitives », propose-t-il.
L’épineuse question de la poussée inflationniste n’a pas échappé à l’attention de la CCI. « À Maurice, l’inflation est particulièrement préoccupante du fait de notre dépendance sur l’importation. Elle reste trop forte et nos progrès en termes de production alimentaire locale, trop faibles », concède Guillaume Hugnin.
Il a aussi abordé la question d’inadéquation des compétences, avec « beaucoup de diplômés au chômage » et une pénurie de talents dans différents secteurs alors que le pays assiste à une fuite de cerveaux. Il a évoqué l’incertitude avec la guerre en Ukraine qui pourrait « refroidir » les voyageurs et ainsi affecter le secteur touristique.
Le président sortant de la CCI Guillaume souligne que les défis à relever sont immenses et que pour que l’économie reprenne, chaque citoyen devra faire preuve de responsabilité en limitant autant que possible la propagation du virus, tout en restant productif.
Chasser le gaspillage
Il a réitéré que l’État doit alléger le secteur privé de ses contraintes administratives afin de faciliter la relance économique et plaidé pour des mesures pour faciliter les affaires ». S’adressant au gouvernement, il a insisté pour une bonne gouvernance, une gestion irréprochable, et l’optimisation des recettes et dépenses. Se référant au dernier rapport de l’Audit, Guillaume Hugnin a expliqué qu’il faut des mécanismes de contrôle pour que les mesures prises soient efficaces et qu’il faut « chasser le gaspillage et prévenir toute tentation de passe-droits. »
Alan Ganoo, ministre du Transport intérieur et des Affaires étrangères, dit avoir pris bonne note des suggestions. Il estime qu’il faut doper le commerce et les investissements, tout en prenant avantage des accords commerciaux signés.
Face à la situation économique actuelle, le ministre a évoqué un récent rapport de la CNUCED qui a fait une évaluation de l’impact de la guerre en Ukraine. Ce rapport parle de « rapidly worsening outlook for the world economy » et de « mounting trade costs » entre autres, avec des conséquences « alarmantes » pour les pays en développement. « Les temps sont incertains et cela représente beaucoup de défis pour le gouvernement et le secteur privé dans les mois et années à venir », dit-il.
Sunil Bholah, ministre du développement industriel, a également évoqué l’impact de la guerre en Ukraine qui représente une substantial threat dans la conjoncture et à nullement négliger.