Le gouvernement Biden a officiellement lancé jeudi une procédure pour reclasser le cannabis comme substance moins dangereuse, un tournant attendu dans la décriminalisation de la marijuana aux Etats-Unis et le développement d’une industrie.
Le ministère américain de la Justice a proposé de sortir le cannabis de la catégorie 1 des substances considérées au niveau fédéral comme très addictives et sans utilisation légale à des fins médicales.
La catégorie 1 est la plus élevée de la nomenclature et comprend notamment l’héroïne, le LSD ou l’ecstasy.
Le gouvernement propose d’inscrire désormais le cannabis en catégorie 3, qui concerne des substances présentant un risque de dépendance modéré à faible. Parmi elles, figurent notamment certains médicaments à la codéine.
La proposition sera soumise à la décision de l’Agence antidrogue américaine (DEA).
La mise en mouvement officielle du gouvernement Biden dans ce dossier n’est pas une surprise, car une première information avait fuité en ce sens fin avril.
L’usage récréatif et médical du cannabis est légal dans 24 Etats américains. A cela s’ajoutent plusieurs Etats dans lesquels sa consommation n’est autorisée qu’à des fins médicales.
Mais étant toujours classé parmi les substances les plus addictives, ce dérivé du chanvre reste susceptible d’entraîner des poursuites fédérales pour les possesseurs ou vendeurs.
En 1970, sous l’influence du président Richard Nixon, qui avait déclaré une « guerre totale contre les drogues illicites », le Congrès américain avait voté la classification du cannabis parmi les substances considérées comme les plus addictives.
Cette mesure a mené à un nombre croissant d’interpellations, qui ont atteint un sommet à près de 800 000 en 2005.
Les chiffres montrent que les personnes issues des minorités, en particulier les Afro-Américains, sont représentés de manière disproportionnelle dans ces arrestations.
« Cette décision est monumentale », a réagi, jeudi, l’organisation de défense des droits des Afro-Américaine NAACP, sur X (ex-Twitter). « Beaucoup trop d’Américains noirs ont été victimes d’un système conçu pour causer leur perte. Nous soutenons la décriminalisation du cannabis. »
Une reclassification ne signifie pas pour autant légalisation, mais elle réduirait vraisemblablement le nombre d’interpellations au niveau fédéral.
« Personne ne devrait être en prison uniquement pour utilisation ou possession de marijuana, point final », a déclaré le président Joe Biden dans une vidéo publiée jeudi.
Réservoir d’investisseurs
Le changement de catégorie permettrait aussi aux sociétés cultivant et commercialisant du cannabis de pouvoir déduire leurs dépenses de fonctionnement de leur base fiscale, ce qui est interdit aujourd’hui.
Cela améliorerait ainsi sensiblement leur modèle économique.
La décision annoncée jeudi « est la plus grande victoire du mouvement de soutien aux réformes (du cadre légal) du cannabis à ce jour » aux Etats-Unis, a commenté Brady Cobb, de la start-up de Floride Sunburn Cannabis.
A Wall Street, les actions des grands acteurs de l’industrie ont eu le vent en poupe, jeudi. Curaleaf a ainsi progressé de 1,07% et Verano Holdings de 0,69%.
Plusieurs sociétés sont entrées en Bourse ces dernières années, mais l’industrie doit encore composer avec une série d’obstacles, notamment le fait que la presque totalité des banques refusent de les prendre comme clients.
Elles sont, en effet, susceptibles d’être exclues d’un mécanisme crucial de garantie des dépôts si elles financent des activités illégales.
Cela augmente les coûts de fonctionnement des producteurs et distributeurs, et également, souvent, les problèmes de sécurité liés à la détention d’importantes sommes en liquide.
La mesure initiée jeudi « va permettre de débloquer la recherche sur l’efficacité médicale du cannabis et d’entraîner un vrai changement pour les opérateurs légaux qui peinent sous le poids des taxes », a commenté le directeur général de Curaleaf, Matt Darin, dans une déclaration transmise à l’AFP.
L’inflexion du gouvernement fédéral pourrait ainsi aiguiser l’appétit de grands laboratoires pharmaceutiques.
« Il y a un gros réservoir d’investisseurs qui restent en retrait, en attendant la légalisation du cannabis », fait valoir, en outre, Morgan Paxhia, de Poseidon Investment Management. « La ligne d’arrivée est en vue, mais la course n’est pas encore gagnée. »