A la séance d’hier de l’enquête judiciaire sur la mort suspecte de Pravin Kanakiah, Reshmee Appadoo Kanakiah, sa veuve, a provoqué une stupeur en Cour en expliquant que ses propos ont été déformés dans une déposition consignée à la police dans le sillage de la découverte du corps de son mari. Elle maintient aussi qu’elle a subi des menaces de policiers quand elle avait voulu demander une contre-autopsie. Un appel d’une « gran madam » au défunt la veille de sa disparition laisse aussi planer un épais mystère sur cette affaire.
Reshmee Kanakiah a été appelée à la barre des témoins ce vendredi, où elle a été interrogée par le représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP), Me Damodar Bissessur.
Me Bissessur (DB) : Après avoir effectué l’identification du corps de votre mari, vous aviez consigné une déposition au poste de police vers 14h45. Dans cette déposition, vous identifiez le corps comme étant bien celui de Pravin Kanakiah. Est-ce bien votre signature ?
Reshmee Kanakiah (RK) : Oui, c’est bien ma signature.
Me Bissessur lit ensuite les propos de Reshmee Kanakiah dans sa déposition : « Mo panse ki personn pa’nn fer li kit mesanste ek li finn met fin a so lavi akoz presion ki li pe sibir dan so travay ! » Coup de théâtre à ce moment-là, car Reshmee Kanakiah s’écrie en Cour : « Zame monn dir sa ! »
Me Bissessur poursuit : « Souvan, mo misie ti pe dir ki li pa anvi transfer. » Nouvelle dénégation de Reshmee Kanakiah : « Zame monn dir sa ! »
DB : Vous reconnaissez cependant votre signature sur le document ?
RK : Oui. Mais je n’ai jamais tenu ces propos. D’ailleurs, mon frère se trouvait à mes côtés.
DB : Aviez-vous lu la déposition quand le policier avait fini de la consigner ?
RK : J’avais fini de procéder à l’identification du cadavre de mon mari. Je ne me souviens pas trop bien de ce qui s’était passé ensuite. Mais je maintiens que je n’ai jamais tenu de tels propos. Mon frère se trouvait à mes côtés à ce moment et le policier posait beaucoup de questions sur l’état de santé de mon mari.
DB : Votre frère a lui aussi consigné une déposition au poste de police. Il a dit lui aussi qu’il ne pensait pas que quiconque aurait causé du tort à Pravin Kanakiah parce qu’il était toujours en bons termes avec ses proches et les gens de son entourage. Vous êtes d’accord que votre frère ait tenu ces propos ?
RK : Je ne me souviens pas de ce qu’a dit mon frère parce qu’après avoir consigné ma déposition, je suis allée rejoindre ma sœur et mon beau-frère.
La magistrate Ameerah Dhunoo, qui préside cette enquête judiciaire, devait alors intervenir en demandant : « Ces deux dépositions ont-elles été consignées par le même policier ? »
DB : Oui. Le sergent Kisoondoyal.
L’appel de « enn gran madam »
Par ailleurs, le 9 décembre 2020, soit la veille de la disparition de Pravin Kanakiah, Reshmee Kanakiah a expliqué qu’il a reçu un appel de « enn gran madam ». Quant elle l’avait interrogé, il avait changé de sujet. Toutefois, il avait expliqué à sa femme qu’il ne souhaitait plus travailler sur son lieu de travail vu certaines magouilles quant à l’achat de masques.
DB : Vous dites qu’il subissait des pressions. De qui ?
RK : Il travaillait au Head Office mais était aussi affecté à Réduit. Il pouvait difficilement gérer deux emplois à la fois. Il subissait des pressions du Head Office et de la Government Analysis Division (GAD), où il s’occupait des acquisitions et de la gestion du store.
DB : Vous avez consigné plusieurs dépositions, soit à la MCIT ou encore au poste de police de Souillac. Pourquoi ne pas avoir mentionné l’appel reçu de cette « gran madam » le 9 décembre 2020 ?
RK : J’avais mentionné cela à Me Rama Valayden. Il pouvait voir la façon dont la police nous traitait. J’avais aussi vu comment il y a eu un cover-up dans l’affaire Kistnen. Je suis encore jeune et j’ai un bébé. J’avais préféré ne rien dénoncer sur le moment et attendre un peu.
Reshmee Kanakiah a également affirmé qu’elle a subi des menaces de la part de la police le 12 décembre 2020, soit au lendemain de la découverte du corps de Pravin Kanakiah à La-Roche-qui-Pleure, dans les environs de Gris-Gris, le 11 décembre 2020. Dans un premier temps, selon elle, un policier aurait refusé de prendre sa déposition lorsqu’elle avait voulu demander une contre-autopsie.
Ensuite, toujours selon elle, elle aurait été emmenée dans un véhicule de police « pou al pran inpe ler » avant d’être finalement ramenée à la morgue. Incident qu’elle aurait rapporté à la MCIT le même jour et au Station Manager du poste de police de Plaine-Magnien.
La magistrate Dhunnoo a ensuite mis fin à la séance. La prochaine audience a été fixée au 27.