Le haut gradé de l’ADSU responsable de la descente de police le 5 janvier 2023, jour où était mort Steeve Jacquelin Juliette, continue de maintenir qu’il n’y avait aucun acte de brutalité policière durant l’interpellation de ce suspect. D’autre part, le bureau du DPP a arrêté son choix sur le médecin légiste français Pierre Perich, devant pratiquer la contre-autopsie sur le cadavre de Steeve Jacquelin Juliette, une fois ce dernier exhumé le 24 courant. C’était lors de la nouvelle séance de l’enquête judiciaire devant la Cour de district de Pamplemousses, présidée par la magistrate Neela Ramdewor-Naugah.
L’ASP Jhurry a été appelé à la barre des témoins, où il a répondu aux questions de Me Nataraj Muneesamy, le représentant du Directeur des Poursuites Publiques (DPP). Alors responsable de l’ADSU de Grand-Baie, il avait reçu une information le 5 janvier 20203 à l’effet qu’une transaction de drogue avait lieu à Cité-Ste-Claire, Goodlands. C’était le frère de Steeve Juliette, Jean Daniel Juliette, qui était impliqué, avec un autre suspect.
L’ASP Jhurry avait alors monté une opération pour aller appréhender les deux suspects. Le haut gradé avait accompagné ses hommes pour superviser l’opération. Il avait signé le mandat de perquisition lui-même, concernant Jean Daniel Juliette, vu qu’il s’agissait d’une affaire urgente, où il y avait des risques que des preuves ne soient détruites, sans en référer à un magistrat.
À Cité-Ste-Claire, Steeve Juliette, se trouvant dans la rue, avait voulu s’enfuir en apercevant les policiers. Il avait toutefois été intercepté quelques mètres plus loin. Le suspect avait, toujours selon l’ASP Jhurry, donné son consentement pour une perquisition. Il a précisé qu’à aucun moment de cette opération, Steeve Juliette n’était en état d’arrestation.
L’ASP Jhurry maintient que le suspect aurait commencé à opposer une certaine résistance aux policiers, alors que ces derniers essayaient de le fouiller dans un endroit privé, notamment le 4X4, malgré leurs tentatives pour le calmer. Une fois la fouille exécutée, les policiers avaient laissé le suspect partir. « Il ne montrait aucun signe de détresse, et s’est éloigné », fait-il ressortir.
Me Muneesamy : Il s’est éloigné, étant dans la même condition que vous l’avez trouvé ?
ASP Jhurry : Oui.
Me Muneesamy : Vous êtes sûr de ce détail ?
ASP Jhurry : Oui.
Le haut gradé a aussi ajouté qu’une certaine quantité de drogue avait par la suite été retrouvée dans la maison de Jean Daniel Juliette, le frère de Steeve Juliette, durant cette même opération.
Une vidéo montrant l’interpellation de Steeve Juliette a été jouée en Cour : l’enregistrement de la séquence de l’embarquement de Steeve Juliette dans un 4X4 par un groupe d’hommes qui vociféraient. L’ASP Jhurry a été demandé d’identifier les huit personnes entourant Steeve Juliette sur une capture d’écran. Il s’est identifié lui-même, ainsi que trois policiers, qu’il a nommés en Cour, mais n’a pu reconnaître les autres personnes.
Me Muneesamy : Vous étiez présent sur place ?
ASP Jhurry : Oui.
Me Muneesamy : Y a-t-il eu utilisation de la force contre le suspect ?
ASP Jhurry : Il y a eu un Minimal use of force.
Le haut gradé a aussi répondu que ses hommes ne vociféraient pas, et qu’ils n’utilisaient pas de Foul Language. Me Muneesamy a décrit que la main d’un des policiers agrippait le cou du suspect, et que ce dernier donnait l’impression qu’il suffoquait. L’ASP Jhurry est d’avis qu’il ne pouvait être sûr que la main était bien sur le cou du prisonnier ou sur son épaule. Il a expliqué que si un des officiers de l’ADSU agrippait le cou du suspect, c’était pour empêcher qu’il allait essayer d’avaler de la drogue.
Me Muneesamy : Le suspect démontrait-il des signes de détresse ?
ASP Jhurry : Non.
Me Muneesamy : Est-ce qu’il criait ?
ASP Jhurry : Il disait : « Pena nanye ar moi ».
Me Muneesamy : Est-ce qu’il criait de douleur ?
ASP Jhurry : Non.
[…]
Me Muneesamy : Vous avez vu quelqu’un parmi vos collègues qui agressait Steeve Juliette ?
ASP Jhurry : Non.
Me Muneesamy : Dans la vidéo, vous regardez dans une autre direction que la voiture ?
ASP Jhurry : Je regardais dans toutes les directions.
Me Muneesamy : Donc, vous n’êtes pas en mesure de dire si un policier agressait le suspect ?
Le haut gradé a aussi admis qu’il y a eu une entrée dans le Diary Book, en date du 5 janvier 2023, mais qui ne contient aucune mention d’une fouille sur Steeve Juliette. En outre, aucun rapport n’avait été soumis après cet incident, malgré que le Police Instructions Manual stipule que tout policier doit rendre un rapport dès qu’il y a eu usage de la force.
Dans les deux cas, le haut gradé a justifié qu’il s’agissait d’un simple oubli (Oversight). Il a aussi expliqué qu’un de ses officiers était venu en Cour le 5 janvier 2023 mais n’avait pu trouver de magistrat, et c’est pourquoi il avait signé le mandat contre Jean Daniel Juliette lui-même. Il a aussi confirmé qu’un rapport sur l’intervention de l’ADSU à Cité-Ste-Claire, en écrit, avait été transmis au commissaire de police d’alors, Anil Kumar Dip.
Steeve Jacquelin Juliette, un habitant de Cité-Ste-Claire, Goodlands, âgé de 36 ans, avait perdu la vie dans des circonstances troublantes le 6 janvier 2023, après avoir été sauvagement agressé par l’ADSU chez lui, y compris dans ses parties intimes.
Les révélations de Misie Moustass, diffusées lors de la dernière campagne électorale, avaient relancé cette affaire, dont une conversation téléphonique entre l’ancien commissaire de Police, Anil Kumar Dip, et le Dr Sudesh Kumar Gungadin, Chief Police Medical Officer. Lors de ces échanges, Anil Kumar Dip semblait donner des directives pour que l’autopsie révèle que Jacquelin Juliette était mort de causes naturelles. Le DPP avait alors ordonné une enquête judiciaire au niveau de la Cour de district de Pamplemousses.
La magistrate a alors mis fin à la séance et l’affaire a été renvoyée au mercredi 30.