En passant…  À vous, les mères traumatisées…

Zibya Issack

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Témoignage de femmes dont les voitures ont été ensevelies sous les eaux.

Je reprends en mes propres mots le récit de ces femmes qui essayaient de quitter Port-Louis en ce jour affreusement inoubliable.

Lundi 15 janvier. Mes enfants dormaient encore, ravis de rester sous la couette en ce jour cyclonique. J’étais à l’aise ce matin-là car je ne devais pas les déposer à l’école. J’ai hésité un instant entre déguster un bon farata avec eux et aller au boulot. J’ai finalement, maussadement pris le chemin du travail. Le cœur n’y était pas mais je ne voulais pas m’absenter en ce début d’année. Toutefois, je ne savais pas encore ce que Belal me réserverait…

Après quelques heures, il a commencé à pleuvoir. Gaillarde et courageuse, je pensais à mes enfants. Qu’est-ce qu’ils seraient heureux de me voir rentrer tôt pour leur préparer ces fameux faratas ! J’ai pris ma voiture en choisissant le détour le plus commun : la rue La Poudrière….

Vous ne comprendrez jamais assez le cœur d’une femme à ce moment-là. Entre les voitures entassées, la pluie battante et l’horreur de l’eau boueuse, je priais, je pleurais, je pensais à ma famille. Je ne pouvais plus bouger. Les voitures devant moi n’avançaient pas et c’est là que j’ai compris qu’elles n’avanceraient plus. Je me disais alors : À quand la fin de ce cauchemar ? Mais ce n’était que le début…

Le niveau d’eau montait et j’étouffais de peur.  Je parlais à Dieu. De l’eau boueuse commençait à gagner ma voiture. Je suffoquais. J’étais tétanisée. J’étais comme clouée à mon siège. J’ai fermé les yeux car je sentais que j’allais m’évanouir. Soudain, une main solide a ouvert la portière. C’était un policier. Il y avait aussi d’autres passants, des anonymes qui avaient également prêté main forte à tous les Mauriciens en détresse. Ils ont lutté contre les eaux, ont retenu leur souffle pour que nous puissions respirer. De toute ma vie, je n’oublierai jamais cela, jamais…

On m’a ramenée chez moi. J’étais méconnaissable. Ma voiture, je l’ai perdue. Une voiture n’est plus un luxe de nos jours. C’est une nécessité. Lorsque mes enfants ont accouru vers moi, la petite m’a sorti ceci : « Comment on ira à l’école demain, maman ? Je te donnerai toutes mes économies pour que tu t’achètes une nouvelle voiture ». Mon fils n’a pas tardé à répliquer : « Ce n’est pas grave maman, tu es en vie. L’essentiel, c’est ça ! Viens, allons quand même manger des faratas…

 

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