VICRAM RAMHARAI
Du 13 au 15 octobre 2023 se tiendra la troisième édition du festival du livre à Trou d’Eau Douce. L’organisateur, Barlen Pyamootoo, essaie, jusqu’à présent, de faire venir des écrivain.e.s qui ont reçu des prix littéraires ou qui ont eu des critiques favorables afin d’attirer le maximum de personnes à ce festival. Sur le plan international, les œuvres de ces auteur.e.s font de plus en plus partie des incontournables lectures. Les ailleurs géographiques vont donc se rencontrer à Trou d’Eau Douce en l’espace d’un week-end.
Si la première édition en 2021 mettait l’accent sur les auteurs mauriciens, en 2022, en revanche, l’organisateur avait invité, entre autres, Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021, Nicolas Cavaillès, prix Goncourt de la nouvelle 2014, Sylvain Prudhomme, prix Femina 2019. L’essentiel pour l’organisateur, me semble-t-il, est de faire connaître aux Mauriciens des auteur.e.s. qui ont déjà été primé.e.s ou qui ont une certaine notoriété littéraire.
Cette année, il met en lumière quelques auteurs indiens ou d’origine indienne. Encore une fois, il nous fait découvrir des auteur.e.s qui ont été récompensé.e.s ou dont les œuvres ont été sélectionnées pour participer à des prix littéraires, notamment l’International Booker Prize. Primé.e ou sélectionné.e pour un prix amène l’auteur.e d’une œuvre à sortir de l’ombre pour accéder à une reconnaissance publique. Ainsi, leur présence conduit Barlen Pyamootoo à avoir un double objectif : encourager la lecture en anglais et faire entendre surtout les différentes voix de l’Inde par le biais d’ouvrages de fiction en français, en anglais ou traduits en anglais. Parmi les invités, on remarque la venue d’une auteure qui écrit en hindi (Geetanjali Shree) et d’un autre qui publie des œuvres en tamoul (Murugan Perumal). Deux autres écrivent uniquement en anglais, à savoir Shobha Narayan et Aanchal Malhotra. Se trouve aussi dans la liste un auteur d’expression française d’origine indienne né à Madagascar: Ari Gautier.
Les auteur.e.s et les
critères de « sélection »
Ces auteur.e.s indien.ne.s ou d’origine indienne participent régulièrement aux salons du livre en Europe ou ailleurs. Ils/elles restent, cependant, inconnu.e.s aux Mauricien.ne.s. Ce festival donc est l’occasion de faire leur connaissance et de mieux connaître cette littérature indienne dans toute sa diversité.
L’organisateur a invité Geetanjali Shree qui vient de recevoir l’International Booker Prize de 2022 pour son roman traduit de l’hindi (Ret Samadhi,2022), en anglais par Daisy Rockwell et il a pour titre Tomb of Sand. En français, le titre est “Ret samadhi: Au-delà de la frontière”.
Perumal Murugan, dont le roman Pyre a été traduit du tamoul par Aniruddhan Vasudevan, a retenu l’attention du jury de l’International Booker Prize en 2023. Son roman s’est retrouvé parmi les treize sélectionnés au départ. Perumal Murugan sera, lui aussi, présent cette année à Trou d’Eau Douce.
Prajwal Parajuly, nominé pour le prix Dylan Thomas en 2013 pour son premier recueil de nouvelles, “The Gurkha’s Daughter”, a été finaliste du prix Émile Guimet de littérature asiatique 2020 pour son premier roman Fuir et revenir (publié en 2020 dans la traduction française) dont le titre original est Land Where I Flee (2013). Le même roman faisait partie de la sélection du prix du Meilleur livre étranger 2020. À sa sortie, ce roman a été salué par les critiques en Angleterre, aux États-Unis et en France.
Les autres ont été régulièrement soit sélectionnés soit primés par un prix national ou international.
Ainsi, Barlen Pyamootoo appelle les Mauriciens à venir écouter ces voix venues d’ailleurs. Sans ce festival et sans cette thématique, très peu d’entre eux auraient peut-être l’occasion de les connaître et de lire leurs œuvres.
Soulignons que l’International Booker Prize diffère du Booker Prize. Le Booker Prize est le prix littéraire le plus attrayant et le plus célèbre au Royaume-Uni. Créé en 1969, il récompense une œuvre de fiction écrite et publiée au Royaume-Uni par un.e Britannique ou par un.e écrivain.e des pays du Commonwealth. Celui ou celle qui en est le récipiendaire reçoit £50,000.
Parmi les lauréats du Booker Prize qui viennent des pays du Commonwealth, on relève quelques noms connus tels que Nadine Gordimer, J.M. Coetzee, Arundhati Roy, Kiran Desai, et Aravind Adiga.
L’International Booker Prize a été créé en 2004 pour récompenser et valoriser des romans traduits en anglais et publiés surtout au Royaume-Uni. Peu importe la langue source. Pour l’International Booker Prize, les £50,000 sont partagées équitablement entre l’auteur et le traducteur.
Ainsi pour l’année 2023, le jury a attribué le prix de l’International Booker Prize au Bulgare Georgi Gospodinov pour son roman Time Shelter, traduit du Bulgare par Angela Rodel.
Les auteur.e.s mauricien.ne.s hindiphones et le festival du livre
Depuis son lancement, les auteur.e.s mauricien.ne.s ont toujours été présent.e.s et le seront encore une fois pour cette édition 2023, avec cette particularité que cette année, Barlen Pyamootoo a voulu rendre hommage à ceux et celles qui, à Maurice, écrivent en hindi. Et ce, pour être en phase avec la thématique générale. Nos compatriotes qui écrivent en hindi sont moins connus parce que cette langue n’est pas à la portée de la majorité du lectorat mauricien. Sans une traduction de leurs œuvres, ces auteur.e.s auraient peu de chance d’être connu.e.s dans le paysage littéraire local. Aussi, la littérature hindiphone se trouve-t-elle dans une situation paradoxale à Maurice. Elle est très dynamique par sa production mais n’a pas une large diffusion du fait que la langue hindi est pratiquée par une minorité de Mauriciens.
Seront à l’honneur lors de ce festival, le romancier et nouvelliste Abhimanyu Unnuth, le poète Somdath Bhuckory, et la nouvelliste Bhanumati Nagdan. Soulignons que seules quelques œuvres d’Unnuth ont été traduites en anglais et un recueil de nouvelles traduit en français. Il est à noter que les intervenants ne s’exprimeront pas en hindi sur les œuvres de ces auteur.e.s. L’organisateur a inclus au programme, outre Ananda Devi, un autre auteur mauricien très connu, Marcel Cabon. Il s’est beaucoup inspiré de la communauté mauricienne d’origine hindoue pour écrire son roman Namasté et plusieurs de ses contes. Ce festival sera aussi l’occasion pour le lancement des œuvres complètes de Marcel Cabon.
Cette année, ce festival vise à encourager les lecteurs à s’ouvrir sur la littérature du sous-continent indien et sur des œuvres publiées en anglais par des Indien.ne.s. Exposer cette littérature indienne dans une langue autre que celle des langues indiennes, n’est qu’un début à Maurice. Espérons que sous l’impulsion de cette édition 2023, il trouvera les œuvres de ces auteur.e.s sur les étagères de nos librairies…