Emprisonnée à Madagascar : décès tragique de Ninie Doniah, Reine du Salegy et opposante politique

La Grande île pleure une figure artistique et activiste chevronnée, et ce, dans un contexte politique tendu. Les appels aux autorités et au gouvernement de Rajoelina en vue du transfert médical de la militante souffrante, emprisonnée suite à son combat contre l’accaparement de terres malgaches, sont longtemps restés lettre morte. C’est dans une ambulance qu’elle est décédée dimanche.

Emprisonnée depuis plusieurs mois et gravement malade, la Reine du Salegy s’est éteinte le dimanche 19 novembre dans des circonstances particulièrement tragiques à Madagascar. Virginie Eliane Bezara, alias Ninie Doniah, 57 ans, est décédée dans une ambulance devant assurer son transfert tardif vers un centre de soin approprié.

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Sa mort crée une vague d’indignation à Madagascar, en pleine campagne présidentielle tendue, car de multiples appels publics avaient été lancés aux autorités pour une considération plus humaine envers cette activiste chevronnée et membre d’un parti de l’opposition. Celle qui a vécu 12 années en France avait été emprisonnée notamment sous plusieurs charges dans le cadre de son combat contre la vente et l’accaparement de terres malgaches.

Une condamnation que certains jugent juste au vu des lois, alors que d’autres citent des raisons politiques comme motivation.

Popularisée dans les années 90’, Ninie Doniah a été intronisée Reine du Salegy, musique traditionnelle malgache très entraînante. Dans ce monde musical dominé par les hommes, et dont le Roi est sans conteste Eusèbe Jaojoby, la native de Nosy Be, île au nord-ouest de Madagascar, s’est imposée en quelque six albums et du fait de son fort caractère.

L’interprète de Malilo s’est bâti une solide réputation dans l’océan Indien, notamment à Mayotte, grâce à une voix puissante, une présence scénique exceptionnelle et des textes engagés. À leurs côtés siège de nos jours comme prince Wawa Salegy, qui avait également appelé publiquement au transfert de la chanteuse durant son emprisonnement.

À son retour de France, Ninie Doniah s’élevait contre le déplacement de Malgaches dont les terres avaient été vendues auprès d’étrangers ou de Malgaches aux accointances haut placé, notamment dans la région nord-ouest de la Grande île. En 2014, elle avait fait la Une des journaux suite à des incidents intervenus au consulat de France, à Antananarivo. Un visa lui avait été refusé pour la France, où vivait son fils souffrant.

Les agents de sécurité du consulat avaient alors « fait sortir » Ninie Doniah des lieux, Laurent Polonceaux, consul général, assurant alors qu’il n’y aurait eu « aucun acte de violence » envers cette dernière, qui se fera cependant arrêter par la gendarmerie malgache. C’est dire les montagnes qu’elle pouvait affronter.

En 2018, Ninie Doniah avait annoncé en ligne sa candidature à la présidentielle, laquelle sera au final invalidée. Dans son combat contre l’accaparement des terres, l’activiste et membre du parti TIM mènera plusieurs actions publiques. Une position qui la conduira à une condamnation, en juin 2022, à six mois d’emprisonnement.

À terme, Ninie Doniah avait été inculpée pour d’autres motifs – notamment association de malfaiteurs et troubles à l’ordre public – et avait été de nouveau jetée en prison. En avril de cette année, elle avait été condamnée à 18 mois de prison, qu’elle effectuera au centre pénitencier de Nosy Be. Toutefois, déjà souffrante, son état de santé devait s’aggraver.

Lors de la cérémonie d’ouverture du festival Sômarôho début août, au stade d’Ambodivoanio, dans l’est, Wawa avait imploré à genou une demande de grâce en faveur de la Reine du Salegy. Des vidéos de cet appel avaient largement été relayées sur les réseaux sociaux, sans que les autorités et le gouvernement ne bronchent.

Ce n’est que récemment que Ninie Doniah a été transférée à l’hôpital de Nosy Be, où elle a subi des interventions médicales. Les moyens nécessaires manquants pour un traitement approprié, son transfert vers Antsiranana a été agréé. En parallèle durant le week-end, ses proches avaient lancé une cagnotte en ligne pour financer ses soins.

« Depuis environ un an et demi, Ninie Doniah est injustement détenue par l’État malgache sous des accusations infondées, telles que la diffamation et l’association de malfaiteurs », a publié en ligne une proche de la Reine du Salegy à la veille de sa mort.

« Les personnes qui la connaissent confirmeront qu’elle a simplement défendu les terrains du peuple de Nosy Be, que l’État vendait sans scrupule en expulsant leurs occupants. Naturellement, lorsqu’une personne parle trop, on l’emprisonne en invoquant de fausses accusations », est-il ajouté. « La pression carcérale des conditions de détention » et le manque de soins requis ont contribué à une aggravation de son état de santé.

C’est lors de son transfert en ambulance vers Antsiranana que Ninie Doniah a poussé dimanche son dernier souffle. Les hommages à son encontre se multiplient à Madagascar : artistes, académiciens et politiciens, dont le candidat de l’opposition et ancien président Marc Ravalomanana. La Reine du Salegy laisse derrière elle un riche patrimoine, ayant vécu fièrement d’après de solides convictions.

Son décès pourrait engendrer de nouvelles tensions dans la Grande île, qui connaît une présidentielle chahutée par des violences policières envers les voix dissidentes au président sortant Rajoelina, de même qu’un boycott des candidats de l’opposition.


Rajoelina confortablement en tête

L’indésirable favori Andry Rajoelina est largement en tête du premier tour de la présidentielle, selon les résultats provisoires publiés officiellement en ligne par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de Madagascar.
Le président sortant affiche des pourcentages de votes oscillant entre 50,22% (Antsiranana) et 67,85% (Fianarantsoa). À Antananarivo, la capitale, le candidat orange culmine à 62,65% des voix.

Bien que les citadins s’opposent dans l’ombre à TGV, ce dernier s’impose, par des tractations politiciennes diverses, comme large favori à sa réélection.

D’autre part, l’ancien secrétaire d’État à la gendarmerie propulsé président du Sénat dans des circonstances troubles, le général Richard Ravalomanana, a affiché samedi sa conviction de contenir avec fermeté tout dérapage durant la campagne présidentielle. Considérant que « les membres du Collectif des candidats ne sont plus candidats » (ceux ayant appelé au boycott), le nouvel homme fort de Madagascar a prévenu, comme cité par Madagascar-Tribune.com, que « je peux trouver les moyens de le garder plus longtemps en garde à vue si quelqu’un ose encore clamer son immunité parlementaire ».

Le CENI rapporte également un taux d’absentéisme historiquement bas, notamment en raison du boycott opéré par dix candidats de l’opposition.

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