Économie : le tourisme surfe sur la dépréciation de la roupie

Au cours des 30 dernières années, le Spending Power of Tourist visant Maurice est resté inchangé et se compare défavorablement aux Maldives et aux Seychelles

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Le talon d’Achille demeure le poids des Européens, avec deux visiteurs sur trois venant de ce continent, et l’Asie/Pacifique en chute libre, de 18% en 2015 à 6% avec la reprise post-Covid

La Loss-Making History d’Air Mauritius présentée comme un facteur à haut risque dans cette conjoncture de volatilité

Au-delà des chiffres confirmant une nette reprise dans les arrivées de touristes à Maurice avec la réouverture des frontières et le Back-to-Normal, entonné par les autorités et à l’unisson par les principaux opérateurs hôteliers, l’industrie touristique fait face à des problèmes structurels. À ce jour, le principal constat découlant d’une lecture sommaire de l’Hospitality Industry Report du groupe, leader reconnu dans la gestion de portefeuille à Maurice, est que ce secteur économique n’a fait que surfer sur la dépréciation de la roupie, soit de l’ordre de 30% par rapport à l’euro.

Cette donnée a toute sa pertinence dans la mesure où Maurice se retrouve dans une situation de trop dépendance sur le marché européen, soit une moyenne de deux touristes sur trois venant des pays de cette région. D’ailleurs, le rapport d’AXYS note que c’est l’un des talons d’Achille de ce secteur économique dans la mesure où le poids de l’Asie/Pacifique est en chute libre, passant de 18% en 2015 à seulement 6% en 2022, avec la réouverture du marché. Il est aussi vrai que le marché chinois n’a pas encore repris ses muscles économiques depuis la pandémie de Covid-19.

D’un point de vue général, les données statistiques, compilées à l’arrivée du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, laissent comprendre que l’industrie a presque retrouvé son niveau d’avant la pandémie, avec des arrivées touristiques représentant 92% des chiffres de janvier à juillet 2019. Ainsi, pour le premier semestre de cette année, le taux de récupération par rapport à l’année représente une moyenne de 92%, avec une pointe de plus de 100% pour les mois d’avril et de mai de cette année (voir tableau plus loin).

Avec juste un peu plus de 700 000 visiteurs, l’Hôtel du gouvernement, en particulier l’Office of the Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, se fait fort d’annoncer que le Target de 1,4 million de touristes en 2023 relève du domaine du possible. D’ailleurs, cette tendance est confirmée avec le rapport d’AXYS, affirmant que « arrivals is almost at par with Pre-Covid level – arrivals seem to be recovering to Pre-Covid level and for the method from January to July 2023, arrivals see at 92% of 2019 ».

De son côté, Intesh Seebaluck, Research Analyst chez AXYS Stockbroking, souligne : « La crise du Covid-19 a profondément affecté les acteurs du secteur, qui ont surmonté la crise grâce aux prêts de la MIC. Cependant, après la réouverture complète de nos frontières, en juillet 2022, les arrivées touristiques ont presque retrouvé leur niveau d’avant la pandémie. En conséquence, les hôteliers ont enregistré d’importants bénéfices au cours de l’exercice 2023, faisant du secteur le plus performant en 2022. »

Mais déjà, dans les chiffres des arrivées, AXYS relève des signes d’inquiétudes, car « the recovery was particularly boosted by European tourists, which has historically accounted for most of tourists arrivals. Asian tourists remain far from their 2019 level since there were direct flights in 2019 ». L’Europe demeure le principal marché, avec une dépendance marquée envers des pays tels que la France, le Royaume-Uni, La Réunion, l’Allemagne, l’Inde et l’Afrique du Sud.

Ainsi, les derniers chiffres indiquent que le poids touristique de l’Asie/Pacifique est passé de 18% en 2018 à 6% avec la reprise post-Covid. Certes, la conjugaison du désavantage géographique et des tarifs aériens plus élevés fait que Maurice n’a pas été en mesure de capter les marchés chinois et indien, comme les Maldives.

Cette surdépendance sur l’Europe s’est accentuée depuis la réouverture des frontières, car comme le rapport de l’AXYS le met en exergue : « In terms of country breakdown, France has historically remained Mauritius main tourism market, accounting for 23,95% of tourist arrivals. European countries currently account for six of the top ten markets. The top five markets currently account for 64,8% of total arrivals, up from 60,4% five-year pre-Covid average, while the top ten account for 77,4% of the total market. »

L’Hospitality Industry Report va plus loin en attirant l’attention sur le fait que : « The top 10 markets have remained stagnant over the years with a high degree of dependency on France, United Kingdom, Germany, India and South Africa. Our inability to adapt to newer markets is one of the reasons why we have lagged against Maldives and Seychelles over the last decade. »

Ce détail ne devrait pas plaire aux autorités alors qu’AXYS rappelle que « in 2010, Mauritius was ahead of Maldives in terms of tourist arrivals, but Maldives surpassed it in 2013 and in 2019, tourist arrivals in Maldives stood at 1,7 million versus 1,4 million for Mauritius ». Évidemment, le coût du billet d’avion, pratiqué entre autres par les compagnies aériennes, notamment Air Mauritius, explique en partie cette situation.

Mais la comparaison défavorable ne s’arrête pas avec les dépenses encourues par le touriste lors de son séjour, que ce soit à Maurice ou dans l’archipel des Maldives. Au titre du Tourism Spending, le rapport avance que « Spending per Visitor in Real EUR terms, has remained flat over the past 30 years at around EUR 1 300 (EUR 120 per day – Rs 5 800) which shows that the Spending Power of tourist visiting Mauritius remains unchanged, and spending on Maldives and Seychelles have historically remained higher ».

Toujours en ce qui concerne les revenus, du côté de la Bank of Mauritius Tower, on pourrait ne pas partager l’analyse d’AXYS en alignant les recettes brutes de l’industrie touristique. Mais l’antidote se présente sous la forme de l’évolution du taux de change de la roupie, avec la conclusion inéluctable que le tourisme n’a fait que surfer sur la dépréciation de la monnaie mauricienne.

L’analyse d’AXYS est sans appel. « Spending Power of tourist visiting Mauritius remains unchanged over the past 30 years – RpVD has remained fairly stagnant in real terms. This shows that the profile of the average tourist visiting our country has remained constant over the years », lit-on à la page 10 d’un rapport d’une cinquantaine de pages. Et pour enfoncer le clou de la comparaison avec deux autres destinations touristiques de l’océan Indien, à savoir les Maldives et les Seychelles, AXYS affirme que « on the other hand, Real Spending on Maldives and Seychelles has historically remained much higher, which clearly showcases that the average tourist visiting Maldives and Seychelles have higher spending power compared to those visiting Mauritius. Hotels are of higher quality in these two countries as well ».

Toutefois, les opérateurs hôteliers tirent profit des fluctuations dans le taux de change de la roupie. « Based on our analysis, currency depreciation increases tourism spending in rupee, and has a direct effect on profitability of hospitality companies. The decade from 2000 to 2010 was a period of currency appreciation (EUR to MUR), and given the dependency on European tourists, this enabled hotels to increase their revenue and profitability, despite low occupancy », note le document en guise de préambule à ce chapitre.

Par contre, pour la décennie menant à 2020, le taux de change de l’euro par rapport à la roupie était stagnant, avec pour conséquence que : « Hotels financials suffered as a result. Hotels had to restructure their debt to EUR as appreciation of the rupee significantly increased their borrowing costs. »

Par contre, la tendance devait s’inverser avec la politique monétaire adoptée par la Banque de Maurice depuis la pandémie de Covid-19. « With the rupee having depreciated by 25% and 30% against EUR and USD since 2019, tourism spending has surged higher and boosted the earnings of the hotel industry », avance AXYS, ajoutant : « The players were highly affected during the Covid crisis and were able to stay afloat with the assistance of Mauritius Investment Corporation (MIC) loans – payable in 2030 with a low interest rate of 3.5%. Post the full opening of borders in July 2022, tourism arrivals were almost back to pre-pandemic level, and this was characterised by higher tourism spending, mainly through the depreciation of the Rupee to EUR by around 30% since 2019. »

Tout en concédant que 65 à 70% des coûts d’opération des opérateurs dans l’hôtellerie sont fixes, AXYS met l’accent sur quatre Key Industry Risks, à savoir cette trop grande dépendance sur le marché européen, une Unreliable Supply Chain, avec l’Air Mauritius Loss-Making History, et des risques de retrait de certaines dessertes, des Labour Issues and Costs, la politique volatile de la taxe de change de la Banque de Maurice et des Reputation Damage, la guerre des tarifs, des Safety Issues de même que des risques d’ordre environnementaux.

En ce qui concerne la pénurie de main-d’œuvre dans l’hôtellerie, la main-d’œuvre étrangère semble être la solution. « However, according to industry insiders, hotels are currently facing labour issues and have had to bring foreign workers to bridge the shortage. The large hotel groups are reluctant to do so since a good proportion of their clientele are from French speaking countries, and bringing foreign workers would make the hotels lose the “Mauritian Hospitality touch” », souligne AXYS, qui rappelle que l’alignement des chiffres d’arrivées touristiques ne dépeint qu’une partie du tableau du secteur économique en proie à des problèmes structurels, sans compter les effets climatiques et la montée des eaux.

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