Économie circulaire : Dialogue sur le développement durable dans la construction

En prolongement de la campagne “Retourn to plastik”, lancée par Kolos Cement Ltd en mai, dans le cadre de l’installation sur son site de Mer-Rouge d’un Palett-less System, une innovation unique dans l’océan Indien permettant de réduire l’utilisation de palettes dans le processus de chargement, un dialogue sur le développement durable a été initié. Avec le recours à des sacs de ciment emballés dans des housses en plastique recyclable, Kolos Cement Ltd privilégie une approche responsable de par la récupération de ces housses, à qui l’on donne ainsi une seconde vie. Désormais, ces housses seront recyclées et valorisées, transformées en “Piping Isorange” pour les travaux de construction. À noter que la campagne “Retourn to plastik” intègre un système de récompense afin d’encourager la participation des utilisateurs.   

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« Nous avons mené une réflexion stratégique autour de la nécessité de mettre en œuvre cette innovation de façon responsable en l’accompagnant d’une campagne à grande échelle auprès de nos stakeholders et de tous les acteurs de la chaîne de livraison, afin que ce plastique nous soit rendu et recyclé », souligne Dominique Billon, Chief Executive Officer de Kolos Cement Ltd. Il ajoute que la tenue de ce forum s’inscrit dans la volonté de l’entreprise d’agir en faveur de l’intégration de pratiques de développement durable dans le secteur de la construction.

Dominique Billon se dit satisfait des premiers retours de la campagne. « Nous avons été approchés par d’autres opérateurs de la construction intéressés par notre solution de valorisation du plastique. Notre objectif est de récupérer 80 à 90% des housses mises sur le marché. Le plus grand défi réside dans le changement de mentalité et la volonté de tous les acteurs de faire bouger les choses. Il est de notre responsabilité à tous de réfléchir ensemble à une transition vers un mode de construction durable, circulaire. Cette transition ne se fera pas du jour au lendemain, mais ce sont les premiers pas qui comptent, ce sont les premières actions concrètes qui comptent », fait-il comprendre en guise de premier constat sur le terrain.

Pour sa part, Kavy Ramano, ministre de l’Environnement, met l’accent sur la gestion des déchets solides et du changement climatique. Et sur le fait que le gouvernement s’est fixé pour objectif d’atteindre la durabilité en passant de l’actuel modèle économique linéaire à un modèle circulaire. « Chaque entreprise a la responsabilité sociale de prendre soin de l’environnement en garantissant l’utilisation éthique de chaque ressource qu’elle consomme dans sa production et en trouvant des moyens de boucler les boucles des sous-produits et des déchets qu’elle génère », dit-il, en revenant sur le projet de loi, l’Integrated (Solid and Hazardous) Waste Management Bill. « Ce nouveau cadre législatif prévoira également de soutenir les initiatives privées en fixant les conditions économiques de la récupération de matière provenant des déchets et de leur valorisation respective », précise-t-il.

Un forum riche et instructif

Mickael Appaya, chargé de mission chez Cap Business Océan Indien, souligne l’urgence d’agir dès maintenant. Il a évoqué le contexte régional de la transition écologique dans l’océan Indien. « Il y a des pays qui s’engagent vraiment dans une démarche vertueuse. Du coup, cela aura des impacts sur notre sourcing en tant qu’île dans l’océan Indien. Aujourd’hui, on parle de ciment bas carbone, de décarbonation du ciment. La recherche avance dans ce domaine. Le ciment consomme beaucoup d’énergie, et même si nous travaillons à la substitution des énergies pour pouvoir produire ce ciment, nous n’aurons réglé que 40% du problème », dit-il. Avant d’évoquer des solutions technologiques qui ramèneraient ce chiffre à 80%.

S’exprimant sur la place du développement durable sur les chantiers de construction à Maurice, Ravi Gutty, président de la BACECA, dresse le bilan : trop de déchets de construction et de démolition partent à Mare-Chicose ou dans la nature. « Trouver des solutions alternatives n’est plus une option, mais une nécessité », s’appesantit-il, tout en soulignant l’absence de la gestion des déchets dans le cahier des charges des projets de construction.

Le président de la BACECA fait une série de propositions : l’adoption du principe des 3R dans le secteur de la construction, l’intégration de bennes de collectes pour le tri grâce une signalétique particulière sur les chantiers, et la réglementation autour de l’élimination des déchets de construction. « Une évolution réglementaire, basée sur le principe du pollueur-payeur, est souhaitable. Le producteur de déchets dans le secteur de la construction doit être responsable de ses déchets jusqu’à ce qu’ils soient récupérés et qu’ils puissent être recyclés », recommande-t-il.

SURVEY DE GAMMA MATERIALS

130 000 tonnes de déchets de démolition à gérer

Gamma Materials a récemment mené une étude et a identifié 275 sites de dumping illégal, représentant 130 000 tonnes de déchets de démolition et de construction. L’urgence, aujourd’hui, est le traitement et la valorisation de ces déchets. Bernard Lan, General Manager chez Gamma Materials Ltd, a abordé la gestion des ressources, notamment la fourniture de matières premières. Il a pris pour exemple la roche basaltique, une matière première limitée.

Entre 2,5 et 2,8 millions de tonnes sont utilisées annuellement. « Cette source se tarit. La filière réutilisation reste la meilleure solution. Une tonne de roches issue de la carrière génère 20 kg de CO2, et en réutilisant, on ne consomme que quatre kilos. Réutiliser, c’est donc économiser 16 kg de CO2 », dit-il. Le challenge reste de rassembler tous les stakeholders pour une démarche collective sur la préservation des ressources naturelles et la diminution des émissions de CO2.

Le cadre législatif, en cours d’élaboration, se présente comme une ressource cruciale pour aller plus loin. Le maillage, le cadre opérationnel et l’application de la loi pour joindre l’acte à la parole sont considérés tout aussi importants.

Egyla Ellapen, du Club des entrepreneurs de l’économie circulaire de Business Mauritius, met en exergue le potentiel économique de la circularité pour le secteur de la construction, mais aussi pour le pays. Le club a pour mission de catalyser l’émergence de cette économie circulaire. « L’ambition, c’est la création de 6 000 emplois d’ici 2030, et éventuellement une contribution au PIB à hauteur de 8,5%. Chez Business Mauritius, nous pensons que ces objectifs peuvent être atteints à travers la mise en place de filière REP », a-t-elle indiqué.

Ce club se veut une force de proposition sur la problématique des déchets de matériaux de construction. Une solution qui doit être collective et engager tous les acteurs, les différents corps de métiers, notamment à travers la professionnalisation, la réglementation et la standardisation. La notion de label, la coconstruction et une vision commune sont quelques conditions nécessaires pour préparer une stratégie et la présenter au gouvernement.

Yannick Applasamy, président de l’AMM, intervenant sur la contribution de l’industrie locale en matière de développement durable, rappelle que l’AMM a lancé, depuis 2021, “Lindistri Dime”, un programme de formation autour de l’économie circulaire et l’innovation. « Nous avons travaillé sur l’éco-conception et nos entreprises se pencheront dans quelques semaines sur la notion de Sustainable Supply Chain. C’est un sujet très important actuellement. Dans ce forum, nous parlons de la récupération et du recyclage des déchets. Il faut une réflexion sur l’étape de la conception même des produits que nous mettons sur le marché », dit-il.

Il a aussi salué la démarche de Kolos, qui donne l’exemple en proposant cet espace de dialogue. « Aujourd’hui, il y a beaucoup d’acteurs de la production locale dans le secteur de la construction. Il y a aussi des difficultés, des normes à respecter, les cahiers des charges qui ne sont parfois pas adaptés à ce qui peut être produit localement. Qui doit être responsable des produits, des normes, des standards, des cahiers des charges ou des incitations ? Les opérateurs du secteur ou le gouvernement ? Pour que l’écosystème d’économie circulaire arrive à fonctionner, il y a deux parties. D’abord la conscience et la culture. Ensuite, il s’agit de définir l’encadrement nécessaire au niveau du gouvernement et de diverses associations pour faire en sorte que demain il y ait un écosystème où les acteurs et secteurs se parlent entre eux à travers la communication », répond-il.

Le président de l’AMM dit croire fermement que les producteurs locaux sont porteurs de solutions à travers la capacité d’invention de l’industrie mauricienne. « Innover, inventer et transformer, c’est dans notre ADN. Le point bloquant reste l’économie d’échelle. Les recycleurs souhaiteraient développer des systèmes de recyclage plus complexes. Mais il y a la possibilité d’une cocréation pour créer cette économie d’échelle. »

Stéphanie Bouloc, fondatrice de La Déchethèque, une Marketplace pour la valorisation des matériaux, affirme : « Il y a tous ces gisements de matériaux qui stagnent et ne sont pas vraiment valorisés. En face, il y a des gens qui cherchent. La Déchethèque est une plateforme en ligne qui fait le lien entre ces deux catégories avec des matériaux de seconde main pour le réemploi, la réutilisation. On intervient avant l’étape de recyclage et de la revalorisation, ce qui permet de réduire davantage la quantité de déchets à être traitée, car cela intervient au moment où le matériau n’est pas encore un déchet. »

C’est un moyen de monétiser directement ce qui aurait pu devenir des déchets et, donc, de prolonger le cycle de vie des matériaux et d’utiliser moins de matières premières en ayant recours à la récupération. Avec un bilan plus que positif, soit Rs 8 millions de matériaux de valorisation sur son site, Stéphanie Bouloc invite à la collaboration avec le gouvernement, des mesures incitatives pour ceux qui sont déjà en action pour cette économie durable grâce à la réutilisation de matériaux. Elle souhaite aussi créer un projet commun avec tous les acteurs afin de montrer concrètement les possibilités de la valorisation.

Intervenant pour clore le débat, Prakash Kowlesser, conseiller principal du ministère de l’Environnement, revient sur les initiatives du gouvernement. « Il y a plusieurs contraintes : par exemple pour le recyclage, il est nécessaire d’avoir toutes les parties prenantes, de composer avec une contrainte d’économie d’échelle, de masse critique pour faire tourner la machine, la sécurité sociale et l’éducation, et d’environnement, mais nous n’avons pas des moyens illimités », fait-il comprendre.

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