Sans nul doute, tous les scénarios politiques échafaudés par la Lakwizinn démantibulée du Prime Minister’s Office au tournant de la dernière année du précédent mandat à l’Hôtel du gouvernement ont été chamboulés. À aucun moment dans les cartes entre les mains des Top Chefs ne figurait celle d’une défaite sans appel, soit d’un 60-0, acculant en position d’échec et mat le scénario d’un Pravind Jugnauth 3.0. Même si à la veille des élections, les thuriféraires au QG du Sun Trust, dont l’entourage du président du MSM, Joe Lesjongard, transformé depuis en leader d’une Two-Honourable Member Opposition, à la faveur d’un repêchage in extremis par les filets du Best Loser System, l’on croyait encore à un troisième mandat successif du fils de sir Anerood Jugnauth, les premiers mouvements le 210 novembre des électeurs vers les bureaux de vote dans les différentes circonscriptions, régions urbaines et rurales confondues, transmettaient un autre signal. Beaucoup plus inquiétant. En tout cas pur le Sun Trust.
D’ailleurs, à Savanne/Rivière-Noire (No 14), où Alan Ganoo se vantait jusqu’alors d’avoir été au service politique depuis 1982, le clan du ministre ressentait depuis très tôt le matin, si ce n’était pas déjà pendant la campagne, les effets de cette douche froide de l’électorat. Le seul et unique élément que n’avait anticipé à aucun moment l’état-major de L’Alliance Lepep, avec son slogan « Ansam nou pli for », était les effets des Missie Moustass Leaks. Dès le 18 octobre, soit à quatre jours du Nomination Day du 22, Missie Moustass a fait acte de candidature à sa façon au scrutin. Sa campagne a été menée de main de maître et sans bavure sur les plateformes des réseaux sociaux, et est allée crescendo jusqu’à la clôture pour le scrutin du 10 novembre.
Les effets de la stratégie s’articulant autour des Missie Moustass Leaks étaient sans merci et étalaient au grand jour des complots ourdis au plus haut échelon de l’État, avec la participation de personnalités de l’Establishment devant être au-dessus de tout soupçon. La teneur de ces Leaks a non seulement provoqué les courroux de ceux dont les échanges téléphoniques ont été étalés au grand jour, mais est allée jusqu’à susciter de vives émotions au sein de la population. Au point où le diocèse de Port-Louis a dû organiser une Messe de réparation à Marie à une dizaine de jours des élections pour ramener la sérénité chez les fidèles.
L’annonce de la mise sur pied de la commission d’enquête mort-née, avec pour président l’ancien juge Gérard Angoh, les thèses de manipulation par le biais d’Artificial Intelligence ou encore les menaces gratuites proférées par l’ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, lors de sa dernière prestation Full Scale et sans oursins sur les réseaux sociaux, pour réclamer des comptes à ceux, notamment la presse, dont Le Mauricien, sans le citer nommément, pour avoir répercuté et relayé De Die In Diem, ces détails portant de graves préjudices à la société, n’ont servi à rien en faveur du camp de L’Alliance Lepep.
Aucun antidote, qu’il soit sous la forme de la révision à la hausse de la pension de vieillesse et de 14e mois à tous, n’a été effectif face à la gangrène des Missie Moustass Leaks. Car dès la mi-journée du 10 novembre, Pravind Jugnauth savait qu’au lieu d’un discours de victoire, il avait à se préparer à concéder la défaite à tout moment, soit à partir de sa dernière tournée des bureaux de vote de Quartier-Militaire/Moka (No 8). Mais il le fera 24 heures après au centre de dépouillement.
Si les Missie Moustass Leaks ont pesé de tout leur poids dans le troisième 60/0 de l’histoire de la démocratie post-indépendance, le fait demeure que le Soy à la Jean-Michel Lee Shim avait attrapé Pravind Jugnauth dès le début de cette année. Jusque-là, le Premier ministre d’alors se vantait d’aller jusqu’au bout de son mandat du 21 novembre 2024, avec la période électorale, selon la Constitution, allant jusqu’à juin 2025. Histoire de compléter avec la complicité politique de son Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, le programme de construction de logements sociaux dans les 20 circonscriptions.
En guise d’assurance tous risques politiques pour les élections générales, le MSM de Pravind Jugnauth avait fait une incursion dans le poulailler du PMSD pour conquérir les charmes de Zoli Mamzel. Mais rien, même la présence du Mouvement socialiste militant (MSM) et ses alliés – le Parti Mauricien Social Démocrate de Xavier-Luc Duval, le Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo, le Muvman Patriot Morisien d’Alan Ganoo et la Plateforme militante de Steven Obeegadoo – n’a pu résister au tsunami du 10 novembre.
La Trump Card de Pravind Jugnauth, dévoilée le 3 octobre, soit à la veille de la dissolution de l’Assemblée nationale, pour éviter la partielle provoquée par l’ancien ministre Vikram Hurdoyal à Montagne-Blanche/Grande-Rivière-Sud-Est (No 10), se présentera kouma dilo lor bred sonz aux yeux de l’électorat. Avec le Draft Political Agreement sur la souveraineté des Chagos du 3 octobre, le candidat Pravind Jugnauth était en possession d’un Diego Garcia Rent Book valant des milliards pour assurer le financement des promesses électorales en chapelet.
Néanmoins, le Soy de Jean-Michel Lee Shim au Champ-de-Mars inn trap Pravind Jugnauth à l’Hôtel du gouvernement. Depuis le 11 février, le Premier ministre avait perdu sa Mastercard constitutionnelle pour décider de la date des élections. La démission de Vikram Hurdoyal de l’Assemblée nationale avait recadré le calendrier électoral de Pravind Jugnauth. Et cela, contre son gré.
11 février : révocation de Vikram Hurdoyal
Ainsi, les faits politiques marquants de cette année portent la marque indélébile du 11 février dernier avec la révocation du ministre de l’Agro-industrie, Vikram Hurdoyal, par Pravind Jugnauth un dimanche soir, sans aucune explication fournie à la population. L’élu de 2019 de la circonscription Montagne-Blanche/Grande-Rivière Sud-Est (No 10) allait rendre son tablier de député de l’Assemblée nationale, mettant le calendrier politique en branle avec l’imminence d’une élection partielle. Le Parlement allait reprendre ses droits le 26 mars, la majorité comptant un membre en moins.
14 avril : Walk-out du PMSD de l’alliance Ptr-MMM
Le dimanche 14 avril, le PMSD de Xavier-Luc Duval quitte la table des négociations pour un accord électoral avec le PTr et le Mouvement Militant Mauricien. Après des mois de tractations politiques, le leader des Bleus décide de Walk Out, faisant comprendre qu’il ne pouvait plus travailler avec Paul Bérenger.
Navin Ramgoolam laisse entendre qu’il avait eu vent que le PMSD discutait aussi avec le MSM à travers des intermédiaires. Ce développement débouche sur une cassure au sein du PMSD. Ses députés Kushal Lobine et Richard Duval ainsi que la présidente du parti, Véronique Leu-Govind, claquent la porte du parti et forment les Nouveaux Démocrates, qui rejoignent l’alliance PTr-MMM.
1er mai : rassemblements politiques
L’alliance Ptr-MMM-ND tient son meeting à Port-Louis alors que le MSM et ses alliés au sein de la majorité gouvernementale sont à Vacoas. L’enjeu de Pulse Analytics, récompensée à la veille des élections générales avec Rs 47 millions de la Mauritius Investment Corporation Limited, prend forme.
12 mai : Writ pour la partielle au No 10
À l’échéance du délai légal pour les formalités de la partielle au No 10, la présidence, sur avis du Premier ministre, émet le Writ of Election pour cette joute trompe-l’œil, fixant le Nomination Day au 11 juillet et le Polling Day au 9 octobre.
30 mai : Yogida Sawmynaden blanchi
L’ancien ministre du Commerce, Yogida Sawmynaden, est exonéré dans l’affaire de Constituency Clerk, soit l’emploi fictif à Simla Kistnen, la veuve de Soopramanien Kistnen. Le camp de Jugnauth prétend avoir le vent en poupe.
7 juin : dernier budget de Padayachy
Le 7 juin, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, présente son cinquième et dernier budget du mandat 2019-2024, misant sur l’objectif de réduire les inégalités sociales. Parmi les mesures phares figurent le Revenu minimum garanti de Rs 20 000, l’augmentation de la pension à Rs 14 000 et des allocations pour ceux au bas de l’échelle.
11 juillet : Nomination Day au No 10
Le 11 juillet, c’est le Nomination Day pour la partielle trompe-l’œil au No 10. Le MSM enregistre Avineshwur Dayal comme candidat alors que l’Alliance PTr-MMM-ND ne désigne aucun candidat, croyant fermement que cette joute n’aura pas lieu. Linion Moris du tandem Nando Bodha-Rama Valayden mise sur Neena Ramdenee.
16 juillet : démission du Loudspeaker Phokeer
Après une séance parlementaire électrique menant à l’expulsion du député travailliste Eshan Juman, le 9 juillet, le poste de Speaker était devenu intenable pour Sooroojdev Phokeer. Supposélent en disgrâce auprès de Lakwizinn du PMO, qui se rend compte finalement du fardeau politique que représente le principal intéressé, Sooroojdev Phokeer est contraint de démissionner après une hospitalisation, et ce, alors que le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, est en visite officielle. Un deal politique est conclu entre Pravind Jugnauth et Xavier-Luc Duval pour que le fils de ce dernier, Adrien Duval, succède à Phokeer.
18 juillet : deal Piti par Linpos scellé sous haute tension
Le deal Piti par Linpost est scellé avec la prestation de serment d’Adrien Duval au poste de Speaker lors d’une séance qui restera gravée dans les annales parlementaires, notamment les protestations de vive voix qui ont eu lieu dans l’enceinte de l’hémicycle par les membres de l’opposition Ptr-MMM-ND.
5 août : dernière séance parlementaire
La dernière séance parlementaire pour le gouvernement sortant, tenue le 5 août, avait à l’agenda les débats sur la Motion of No Confidence déposée par le leader de l’opposition, Arvin Boolell, contre le Speaker Adrien Duval. Après des échanges hostiles qui se sont déroulés jusqu’aux petites heures du matin, la motion n’a pas été secondée.
13 septembre : Rezistans ek Alternativ rejoint l’alliance PTr-MMM-ND
Après plusieurs séances de discussions avec les leaders Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, un accord politique est parvenu permettant à Rezistans ek Alternativ de faire partie de l’alliance PTr-MMM-ND. Initialement, la formation politique n’allait obtenir que deux tickets, mais grâce à un forcing politique et des compromis, ReA en a obtenu trois au final pour faire partie de l’Alliance du Changement.
17 septembre : deal Piti-Mama des Obeegadoo étalé
Après une série de cérémonies “koup riban”, notamment celle pour le SAJ Hospital à Flacq, Le Mauricien étale le 17 septembre le deal Piti-Mama du clan Obeegadoo, soit la polémique entourant le bail d’un terrain de l’État dans la capitale sur lequel Primerose Obeegadoo, la mère du DPM Obeegadoo et ministre du Logement et de l’Aménagement territorial, allait mettre sur pied une maison de retraite pour un montant de Rs 700 millions. Face à la grogne populaire, la mère du No 2 du gouvernement sortant allait renoncer à ce projet.
29 septembre : promesse de Pravind Jugnauth aux retraités
Pour sa dernière fonction en tant que Premier ministre devant les personnes âgées, dans le cadre de l’International Day for Older Persons, Pravind Jugnauth rejoue sa carte de hausse de la Basic Retirement Pension à Rs 20 000.
3 octobre: Pravind Jugnauth, avec la collaboration de son homologue britannique, sir Keir Starmer, sort de son chapeau le Draft Political Agreement sur les Chagos avec la location à bail de la base militaire de Diego Garcia. Pravind Jugnauth prévoit avec certitude de faire signer le Diego Garcia Rent Book dès le lendemain la proclamation des résultats des élections.
4 octobre : dissolution du Parlement et annonce de la date des élections
Le Parlement est dissous le 4 octobre et les Writ of Elections émis, le Nomination Day pour les élections générales fixé au 22 octobre et le Polling Day au 10 novembre. L’Alliance Lepep – réunissant le MSM, le PMSD, le ML, le MPM et la PM – est officialisée. Une grande majorité de députés sortants est privée d’investiture, provoquant des vagues de mécontentement dans plusieurs circonscriptions. Le MSM fait marche arrière sur le cas du ministre sortant Avinash Teeluck au No 6 après de vives protestations, tandis que les Sunil Bholah, Gilbert Bablee, Sandra Mayotte sont également réhabilités.
18 octobre : Missie Moustass fait son apparition
Missie Moustass fait son apparition sur Facebook le 18 octobre, soit à quelques jours du Nomination Day. Les premières bandes sonores mettent en avant un dispositif de phone tapping ciblant divers milieux, notamment politiques, diplomatiques, médiatiques ou encore légaux. S’ensuivront des conversations en haut lieu impliquant le commissaire de police Anil Kumar Dip, le ministre Jagutpal, Zouberr Joomaye, Roubina Jadoo-Jaunbocus ou encore Basoodeo Seetaram pour clouer Adrien Duval, impliqué dans un accident de voiture le 21 septembre 2022 à Ébène.
Sur une base presque quotidienne à partir de cette date, les Missie Moutass Leaks allaient lever le voile sur l’emprise de Lakwizinn du PMO sur les institutions du pays, le modus operandi du commissaire de police Anil Kumar Dip ou encore le plan de ce dernier pour sauver son fils contre une sentence d’emprisonnement, les recrutements ou encore les promotions dans des départements publics dictés par Kobita Jugnauth, l’épouse de Pravind Jugnauth, ou encore le langage indécent du commissaire de police, froissant des sensibilités religieuses.
Le voile est aussi levé sur le rôle de courtier qu’aurait joué Rakesh Gooljaury, alias Gardien Kanpman, dans le rapprochement politique entre le MSM et le PMSD. Les Mauriciens prendront aussi note des Tips sur les Private Notice Questions de Xavier-Luc Duval, que le courtier politique refilait à Pravind Jugnauth. Il y a aussi eu le volet sur la Sniffing Saga et les manœuvres de Lakwizinn de « devir lanket ».
1er novembre : censure des réseaux sociaux
Acculée par les Missie Moustass Leaks, Lakwizinn du Prime Minister’s Office allait ordonner, à travers l’Information and Communication Technologies Authority, la censure des plateformes de réseaux sociaux, la décision communiquée aux opérateurs du secteur de la téléphonie faisant comprendre qu’en réponse aux publications « that may impact national security and public safety », l’accès aux réseaux sociaux – notamment Facebook, YouTube et TikTok – est bloqué jusqu’au 11 novembre. Face à la colère des internautes, cette décision est renversée le lendemain, soit à la veille des derniers rassemblements à Port-Louis pour l’Alliance du Changement et à Phoenix pour l’Alliance Lepep. Les Missie Moustass Leaks se sont amplifiés durant les derniers jours de la campagne avec de nouvelles conversations de Kobita Jugnauth, montrant son ingérence dans les affaires de l’État.
10 novembre : Election Day
11 novembre : victoire de 60-0 en faveur de l’Alliance du Changement et Navin Ramgoolam est de retour à l’Hôtel du Gouvernement après 10 ans avec pour Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, leader du MMM.