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Drôles d’oiseaux !

Jamais de mémoire de Sapiens nous n’aurons, tout le long de l’histoire de l’humanité, conçu de système aussi vicié que le nôtre. Notre sacro-sainte économie de marché, animée par cette magnifique machine industrielle nous conférant cet immense confort qui est globalement le nôtre – tout du moins là où le développement profite aux populations –, et soutenue en cela par cette maudite croissance dont nous ne pouvons (et surtout ne voulons) plus nous passer, aura en effet généré au final plus de problèmes qu’elle n’aura apporté de solution. Parmi eux, l’on se doit évidemment de parler, une fois de plus, du changement climatique. Mais aussi la perte de la biodiversité, qui reste au même titre que le climat, l’un des plus grands défis à relever de notre temps.
Cette perte est en effet considérable, et constitue d’ailleurs un véritable drame. Et plus encore que la question climatique qui, si nous arrivons à en verrouiller les effets en prenant enfin les mesures qui s’imposent, peut encore se stabiliser. Car lorsqu’une espèce disparaît, son sort est définitivement scellé. Pourtant, malgré cette perte immense, et alors que nous en connaissons les raisons, nous poursuivons nos activités pour notre seul plaisir, accentuant la déforestation, la monoculture intensive, l’urbanisation… Mais aussi à polluer notre environnement, à introduire des espèces envahissantes. Sans compter la surpêche et la « surchasse ». Et oubliant ce faisant que pour chaque espèce disparue, ce sont des milliers d’autres qui se retrouvent menacées de par la disparition soudaine de ce maillon essentiel de leur chaîne alimentaire.
Mais il est aussi une autre raison à leur disparition, à savoir le changement climatique qui, en quelques années à peine, aura eu raison de tant d’espèces, à l’instar d’insectes pollinisateurs. Mais aussi de mammifères, de reptiles, d’amphibiens. Et même d’oiseaux, dont les populations diminueront irrémédiablement, en sus d’impacter leur migration. Un rapport, fruit d’une recherche germano-anglaise, mettait d’ailleurs récemment cette triste réalité en exergue. Se basant sur deux scénarios (soit des émissions faibles et moyennes de nos émissions de gaz à effet de serre), ses auteurs prédisent ainsi non seulement une disparition de nombreuses espèces d’oiseaux d’ici 50 à 60 ans, mais affirment également que les populations restantes seront, pour beaucoup, obligées de migrer vers les régions septentrionales de la planète.
Tout cela aura évidemment des conséquences, et dont l’on essaie tant bien que mal, avec les moyens du bord, d’en deviner l’impact. D’ores et déjà, une évidence s’impose : si les oiseaux se voient contraints de migrer en masse, alors cela affectera de larges écosystèmes. Autrement dit ce qu’on appelle la « diversité phylogénétique », terme scientifique désignant la variété des espèces. Et donc dans le cas présent toutes celles dépendant ou dont dépendent les oiseaux. Des espèces entières risquent ainsi à terme de disparaître, là encore le plus largement dans les populations d’insectes, mais aussi parmi la flore. Et plus particulièrement dans les zones tropicales et subtropicales.
Pas besoin d’études poussées d’ailleurs pour comprendre que ces migrations seront inévitables. Quoi de plus logique en effet, puisque les hausses de températures promises, si nous n’arrivons à inverser la vapeur – au propre comme au figuré –, risquent de rapidement devenir létales pour la majorité des êtres vivants peuplant notre planète, humains compris. Forçant dès lors ces mêmes populations à trouver des terres moins hostiles, du moins jusqu’à ce que ces dernières le deviennent elles aussi, voire même carrément inhabitables.
La promesse de cette catastrophe écologique n’en est hélas qu’une parmi d’autres, avec comme unique dénominateur commun le facteur anthropique. Preuve que nos principales préoccupations du jour sont toutes imbriquées, et que le combat contre le seul changement climatique ne pourra jamais résoudre seul l’entièreté du problème, si tant est que nous y arrivions d’ailleurs. Preuve aussi que tant que nous n’aurons pas compris que nous ne sommes, nous aussi, qu’un maillon de l’écosystème mondial, nous n’arriverons jamais à restaurer l’équilibre perdu, nous assurant dès lors notre propre disparition. Décidément, nous sommes vraiment de drôles d’oiseaux.

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