Aucun vrai patriote, aucun vrai amoureux de la nature, protecteur de la diversité de la faune et de la flore, de la beauté de nos lagons et de nos plages, ne peut ne pas se sentir affligé et triste devant le spectacle de désolation dans la région de Mahébourg et du sud-est du pays en ce moment.
Les images qui circulent actuellement sur les réseaux sociaux, ou cette photo parue dans l’édition du Mauricien d’hier montrant l’écoulement du fioul du flanc éventré du Wakashio, sont tout simplement déchirantes. Les images de tortues, de crustacés, de poissons recouverts de pétrole sont également bouleversantes. Selon les spécialistes, dont Vassen Kauppaymuthoo, il nous faudra des années pour réparer les dégâts causés par la nappe d’huile qui se répand dans les fonds marins. Ainsi, la marée noire gagne nos côtes de Pointe-d’Esny à Rivière-des-Créoles, Bambous-Virieux et la région est, poussée par les vents du sud-est. Un jeune homme désemparé lance un appel désespéré à qui de droit de venir l’aider à nettoyer cette région inondée se trouvant loin des yeux du grand public. Nous assistons en direct non seulement à une crise environnementale et à un désastre écologique, mais aussi à une crise humaine, puisqu’un grand nombre d’habitants des environs gagnent leur vie à partir de la mer nourricière.
Cette tristesse cache difficilement une sourde colère qui gagne non seulement les habitants des régions affectées, mais toute la population mauricienne, qui ne comprend pas comment ce drame a pu se produire. Surtout après que les savantes explications de nos “spin doctors” patentés ont été tournées en ridicule, la réalité étant totalement différente. Pourquoi avoir pris autant de temps pour réagir alors que le bon sens élémentaire, comme l’exprimaient tous ceux qui regardaient le navire au lendemain du naufrage, commandait que le fioul se trouvant dans la cale du navire soit pompé au plus vite ? Pourquoi les membres du Disaster Committee ne se sont-ils pas réunis immédiatement pour prendre la mesure de la situation ? Pourquoi ce manque de coordination entre les parties prenantes ? Pourtant, les autorités portuaires disposent de “tugs” et d’autres équipements pour stabiliser le navire. Dans le port, on estimait que c’était l’affaire de la marine qui tombe sous le ministère de la Pêche. Est-ce que des bateaux évoluant au large de Maurice ont proposé aux autorités compétentes leur aide pour pomper les produits pétroliers ? Si c’est le cas, pourquoi ont-elles refusé ?
Contrairement à ce qu’a avancé un ministre, ce n’est pas la première fois qu’un navire échoue sur les côtes mauriciennes. Nous avons connu le naufrage du MV Angel à Poudre-d’Or en 2011, avec à son bord 8 000 tonnes de riz, sans compter sa réserve de fioul. Il y a eu ensuite le naufrage du MV Benita, au Bouchon, en 2016. Dans les deux cas, la protection de l’environnement marin et côtier était une préoccupation prioritaire. Selon ceux qui ont suivi ce dossier, au lieu de perdre du temps dans des négociations, les autorités auraient dû intervenir promptement pour pomper le carburant se trouvant à bord du navire. De toutes les façons, précisent-ils, les grandes compagnies d’assurances ou de réassurance refusent rarement de rembourser les gouvernements qui leur présentent des factures documentées. Pourquoi avoir pris autant de temps pour faire appel à la COI et aux pays voisins, qui disposent de moyens, pour répondre à ce genre de situation ? Autant de questions qui devront être réglées bientôt.
Pour l’heure, chapeau bas à tous les volontaires et à tous les professionnels qui manifestent leur solidarité et qui se mobilisent pour essayer de limiter les dégâts, dont Sébastien Sauvage, de l’Ong Eco-Sud et Rezistans ek Alternativ, et son équipe, qui se sont fixé pour mission de créer une bouée en pailles de cannes de dix kilomètres de long. Ils ont choisi l’action avant la protestation, remise à plus tard. Beaucoup d’autres volontaires sont actifs à travers le pays.
Quant aux autorités gouvernementales, qu’elles prennent enfin la situation en main et fassent le maximum, non seulement pour limiter les dégâts, mais également pour s’équiper afin de faire face aux catastrophes de ce genre à l’avenir. Quelque 35 000 navires croisent dans les parages de Maurice chaque année. Il faudra se prémunir pour des problèmes de ce genre ne se reproduisent plus.