L’information a été révélée il y a quelques jours par Statistics Mauritius et a de quoi inquiéter : entre 2017 et 2018, l’importation de pesticides à Maurice a accusé une hausse de 6,6%. Dans ce même rapport sont aussi pointées du doigt les émissions de gaz à effet de serre, elles aussi en progression, de même que la disparition de 18 hectares de forêts et la hausse de 12,7% en ce qu’il s’agit de l’enfouissement de déchets à Mare-Chicose. Autant dire qu’en matière environnementale, Maurice fait toujours figure de mauvais élève, quoi que puissent en dire ceux qui ne cessent de bomber le torse à chaque fois qu’il est question de mesures aux relents prétendument écolos.
Pour en revenir aux pesticides, il est notoirement connu que ces derniers constituent un triste maillon de notre chaîne de production, dont les conséquences sur l’environnement sont on ne peut plus désastreuses. Constat que fait d’ailleurs très bien Statistics Mauritius, ce dernier notant ainsi dans son rapport que « l’utilisation intensive d’engrais chimiques et d’autres produits agrochimiques peut contribuer à la pollution de l’environnement par lessivage des nitrates dans les eaux souterraines », rappelant ainsi qu’entre 2017 et 2018, l’importation de pesticides sur (et même « dans ») notre sol sera passée de 2 427 tonnes à 2 587 tonnes.
Évidemment, Maurice n’est pas un cas isolé. Même si un nombre croissant de pays légifère (trop lentement, il est vrai) afin de limiter – voire interdire – l’utilisation de certains produits, d’autres, en revanche, peinent ne serait-ce qu’à évoquer la question, l’agriculture y jouant en général un important rôle dans le développement économique. C’est notamment le cas dans la majorité des pays du continent africain. Ainsi, il faut savoir que même si le continent ne représente que 2% du marché mondial des pesticides, ces derniers n’y font généralement l’objet que de peu de contrôle, voire pas du tout. Une récente conférence sur l’utilisation des pesticides en Afrique a d’ailleurs débouché sur un appel sans équivoque – lancé par plusieurs dizaines de chercheurs, responsables d’administrations et d’Ong – pour une interdiction immédiate des produits les plus dangereux. Ils réclament aussi l’instauration de cadres réglementaires plus stricts et la mise en œuvre de systèmes de surveillance et de contrôle efficaces pour prévenir les intoxications humaines et la pollution des milieux naturels. Chefs d’Etat et institutions, comme l’Union africaine ou la Banque mondiale, se voient ainsi appelés à se détourner de l’agriculture chimique. Appel qui reste hélas jusqu’à l’heure que peu entendu !
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, il faut savoir que les pesticides – dont certains sont extrêmement volatils – sont nocifs pour la santé humaine. En outre, s’ils s’attaquent aux nuisibles, ils déciment aussi les populations d’insectes contribuant largement, comme nous le disions encore récemment, au processus de pollinisation essentiel à la survie même de ces mêmes plantes que nous cultivons et consommons. Ainsi, concernant les risques sanitaires, insecticides, fongicides et herbicides ont en commun de favoriser l’apparition de différents troubles et maladies, à l’instar de l’infertilité masculine, de cancers et, même, d’avortements spontanés, pour ne citer que ces quelques exemples. Quant à leurs conséquences sur l’environnement, là aussi elles sont plurielles, allant en effet de l’appauvrissement des sols à la pollution des cours d’eau, en passant par l’intoxication d’oiseaux, entre autres. Autant dire que sur ce point, c’est toute une biodiversité qui est en danger de mort imminente.
On le voit, tirer un trait sur ce mode de production agricole est une impérieuse nécessité. À ce titre, mener des campagnes d’informations apparaît essentiel, mais cela ne suffit assurément pas. Nos agriculteurs ont en effet besoin d’incitations plus intégrées à leurs réalités quotidiennes, y compris donc financières, avec pour objectif de leur permettre de migrer le plus rapidement et simplement possible vers l’agroécologie. Qui plus est, il apparaît tout autant crucial, et c’est un euphémisme, que les autorités, à commencer par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, accordent rapidement leurs violons pour légiférer en cette matière afin d’interdire purement et simplement l’importation des produits les plus nocifs, jusqu’à ce que l’on en arrive à l’élimination totale de tous les pesticides. Même si la tendance des produits de synthèse ne semble pas devoir s’inverser dans un futur proche, il faut en effet se rappeler que d’autres voies existent pour se débarrasser à la fois des nuisibles et des maladies dont sont victimes nos plantations, à l’instar des pesticides bio, du concept de production intégrée, des filets de protections… Mais aussi de plantes aux propriétés pesticides, comme le margousier ou neem, un arbre originaire d’Inde. Avec autant d’alternatives, nous serions stupides de poursuivre notre route sur la voie chimique. Autant dire que l’espoir d’un changement rapide de mentalité apparaît bien mince.
Michel Jourdan