DERNIER VIRAGE DU QUINQUENNAT : Grincements de dents et claquements de portes à prévoir

Dr DIPLAL MAROAM

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En dissolvant l’Assemblée nationale après la large victoire de l’extrême droite aux élections européennes du 9 juin en France, le président Macron a, selon de nombreux observateurs, pris une « décision courageuse » en tant que « dirigeant responsable » pour tenter de couper l’herbe sous les pieds du Rassemblement National (RN) qui constitue désormais un sérieux prétendant à l’Élysée en 2027. Cependant, force est de constater que l’inexorable montée en puissance de l’extrême droite en France – mais pas seulement – ces dernières décennies – de 17,8% au second tour de la présidentielle en 2002 à 41,5% en 2022 en passant par 33,9% en 2017 –, démontre que les Français en ont ras-le-bol du pareil au même que prône l’alternance gauche droite. Parmi les principales préoccupations qui continuent d’affliger la vie des millions de gens dans l’Hexagone, ce en dépit des promesses récurrentes des politiques de rectifier le tir, figurent les problèmes de l’immigration, de l’insécurité et du pouvoir d’achat, entre autres, comme c’est d’ailleurs le cas dans de nombreux pays.

Du point de vue socio-économique, Maurice ne fait certainement pas exception à la règle même si l’immigration ne représente aucun souci particulier, du moins pour l’instant. Cependant, concernant le pouvoir d’achat, ce qui a considérablement corsé l’addition, c’est la dégringolade vertigineuse de notre monnaie face au dollar ces dernières années, situation que la Banque centrale n’arrive pas à juguler de manière souhaitable. En effet, selon le document Mauritius Economic Deep Dive d’Axys publié le 14 juin, de mars 2013 à mars 2024, les prix des produits alimentaires (Food and non-alcoholic beverages) ont connu une hausse de 88,9%…

S’il est vrai que les diverses prestations sociales accordées aux différentes catégories de travailleurs du secteur professionnel de même qu’aux personnes âgées dans le contexte du phénomène du vieillissement de la population, ont permis, autant que faire se peut, d’amortir les conséquences de l’érosion du pouvoir d’achat, toutes ces dépenses gouvernementales suscitant une pression inévitable sur le budget, s’effectuent malheureusement au détriment d’autres secteurs vitaux tels la santé, la sécurité, entre autres, de même que de la dette publique. En effet, alors que la modernisation du système de la santé est attendue depuis belle lurette pour soulager le calvaire quotidien des patients, particulièrement ceux au bas de l’échelle, ce sont les établissements de soins privés, dont l’objectif primordial est d’engranger le maximum de profits, qui poussent comme des champignons après la pluie d’été. Et des gens proches de lakwizinn en profitent pour faire avancer leurs projets.

Par ailleurs, si la pénurie de main-d’œuvre constitue un défi majeur du secteur de l’emploi, aucune incitation évidente n’est toutefois notée dans le budget 2024/25 en vue de retenir nos jeunes talents au pays. Bien au contraire, pour un ressortissant étranger, le salaire mensuel minimum de Rs 30,000 a même été rabaissé à Rs 22,500 – le salaire minimum étant de Rs 20,000 – pour se qualifier pour un « occupation permit » alors que le marché du travail est considérablement libéralisé avec la suppression totale des quotas de main-d’œuvre étrangère dans des secteurs clés, notamment l’industrie manufacturière, la joaillerie, le port-franc et le TIC/BPO. Tout en excluant toute notion xénophobe, la pression concurrentielle entre étrangers et Mauriciens ne s’exercerait, selon toute probabilité, pas seulement dans le domaine de l’emploi mais également dans d’autres comme celui de l’immobilier avec, à prévoir, une montée en flèche des prix qui seraient alors hors de l’accessibilité d’une large frange de la population locale. Comme les résultats des récentes élections européennes ont démontré, le dossier de l’immigration, qui a joué un rôle prépondérant dans ces scrutins, est devenu un enjeu majeur de la politique non seulement sur le Vieux Continent, mais également dans de nombreux autres pays.

Sur le plan politique justement, contrairement au président français qui a su prendre le risque de renouveler l’Assemblée nationale pour se mettre au diapason des principes fondamentaux de la démocratie après l’annonce des résultats, chez nous, le chef du gouvernement pèche, semble-t-il, par un manque patent d’engagement, ce qui explique, dans une grande mesure, ce marasme ambiant qui caractérise ces jours-ci l’administration de certains secteurs publics vitaux. Hormis ce simulacre de remaniement ministériel de février dernier après la révocation du ministre Hurdoyal, aucune restructuration majeure au niveau du cabinet n’a été effectuée durant ce quinquennat pour recadrer les ministères et booster leur efficience et performance. Manifestement, les législatives de 2024 auraient connu le même sort que les municipales de 2023 si nos dirigeants d’alors n’avaient pas pris le soin en 1982 d’inscrire dans la Constitution – la section 57(2) – l’autodissolution du Parlement 5 ans après la tenue de la première séance suivant les législatives. Concernant les municipales donc, ces mêmes dirigeants doivent aujourd’hui se mordre les doigts car, après le dernier scrutin de 2015, ces élections régionales ont été renvoyées sine die à trois reprises. Même à la partielle de 2017 au No.18, le parti orange au pouvoir avait préféré jouer aux abonnés absents pour des raisons évidentes. Pour rappel, le PM d’alors, SSR avait préféré renvoyer les législatives de 1972 pour éviter, paraît-il, une défaite électorale prévisible de la part du MMM, suivant l’élection historique du premier député mauve, Dev Virahsawmy, en 1970 à la partielle dans le bastion rouge du No.5.

Finalement, au sein de l’alliance Morisien, des grincements de dents et claquements de portes sont à prévoir – comme ce fut le cas d’ailleurs en 2019 – lors de la prochaine répartition de tickets – exercice d’investitures que redoute tant le leader –, d’autant qu’avec l’entrée éventuelle du PMSD au sein de cette alliance, des ministres et députés risquent d’être laissés sur le carreau et que, d’autre part, le « stag party », tout comme l’affaire Kistnen, continue toujours à faire des vagues, ce en dépit d’un dénouement positif en faveur de l’ex-ministre du No.8 dans le second cas.

                                                                                                                                             

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