La démonstration de force et de brutalités avec lesquelles les forces policières ont traité les manifestants de Rann Nou Later à Côte-d’Or a choqué tous ceux qui militent pour la démocratie et la liberté d’expression, et contre toute forme d’autocratie.
Les manifestants avaient pourtant annoncé une manifestation pacifique pour exprimer leur mécontentement contre la décision de reprendre le terrain qui leur avait été initialement octroyé à Réduit pour la construction d’un centre culturel pour les forcer ensuite à réaliser leur projet à Côte-d’Or. Voilà plusieurs mois que ceux-ci insistent pour maintenir le projet à Réduit et multiplient leurs efforts pour faire respecter leur volonté.
Cette affaire a été évoquée au Parlement à plusieurs reprises par l’opposition, de même que des manifestations à Port-Louis, devant le Parlement, et ailleurs, se sont multipliées. Cette fois, les manifestants entendaient afficher leur mécontentement contre l’octroi de contrat aux organisations tamoules concernées à Côte-d’Or. En fait, rien n’empêchait d’établir un paramètre de sécurité afin de ne pas perturber la cérémonie officielle à laquelle participait le Premier ministre.
Ce n’est pas la première fois qu’on observe des manifestations de ce genre, par exemple devant le bureau du Premier ministre, à Port-Louis, et qui sont généralement bien gérées par la police. Cette fois, la force policière, sur l’ordre de qui de droit, a choisi la brutalité en bousculant les principaux leaders. L’image de l’arrestation brutale de Rajen Narsinghen, qui participait à la marche en tant qu’avocat des droits humains, est tout simplement violente et projette la perception d’une force policière oppressive, indigne d’une démocratie qui se respecte, et ternit son image dans le pays.
Cette méthode a été condamnée par la majorité du pays. Une communication diffusée par Straconsult, qui organise des enquêtes dans le cadre de sondages réalisés pour le compte d’Afrobarometer, fait le constat suivant : « The very recent case of unwarranted and excessive use of police force against members of “Rane Nou Later” movement during a protest has reignited national conversation over police brutality. » Elle est d’avis que cette méthode risque de conforter l’opinion de ceux qui observent un affaiblissement de la confiance de la population dans le système judiciaire et de la police. Or, tous les démocrates savent que le “right to dissent” est l’un des piliers fondamentaux de la démocratie et de la liberté d’expression.
Autre question qui trouble les Mauriciens ces jours-ci : le concert spirituel du père Grégoire, à neuf jours de la fête du Père Laval, qui est un temps spirituel très fort dans la vie du pays. D’aucuns reconnaissent son droit d’organiser un concert, et on ne peut donc pas le critiquer sans avoir entendu ce qu’il présentera ainsi que le message qu’il transmet. Et de voir de visu qui sont ceux qui sont derrière sa démarche. Cependant, ses antécédents jouent contre lui, puisqu’il est de notoriété publique qu’il avait soutenu le parti au pouvoir lors des dernières élections. Certains députés élus sont même présentés comme ses candidats.
La question qui se pose est : veut-il faire une manifestation de force pour soutenir ses candidats, qui seraient en difficulté, afin qu’ils obtiennent une nouvelle investiture ? Dans ce cas, il s’engagerait dans la politique. L’évêque de Port-Louis et plusieurs prêtres ont d’ailleurs déjà fait comprendre que l’exercice du sacerdoce et la participation active à la politique partisane sont incompatibles. Son image sacerdotale est donc en jeu.
De toutes les façons, les Mauriciens ne sont pas dupes. S’il croit user de sa notoriété pour influencer les électeurs, il se trompe. En ce qui nous concerne, nous sommes d’avis que la religion n’a rien à faire avec la politique. Le vote, lors d’élections, est avant tout une démarche citoyenne dans une république laïque, et ne doit en aucune façon être motivé par des considérations religieuses, sectaires ou émotionnelles. Il est plus que jamais temps d’utiliser la raison et de juger les uns et les autres sur la base des faits et de la conviction personnelle.
Jean Marc Poché