Résumant les débats, mardi, sur The Town Planner’s Council Bill, le Premier ministre par intérim, Steven Obeegadoo, a souligné que, comme d’habitude, il a reçu des commentaires négatifs venant des rangs de l’opposition. « Comme si être dans l’opposition veut dire qu’on doit chercher quelque chose de négatif à dire. Au cas contraire, on n’est pas en train de faire son travail de député de l’opposition. C’est regrettable », dit-il.
Cependant, Steven Obeegadoo a dit apprécier l’intervention de l’ancien ministre Nando Bodha car ce dernier n’a pas senti la nécessité d’être négatif. « Au contraire, l’ayant entendu, je me suis dit qu’il doit regretter amèrement sa décision d’avoir quitté la majorité pour passer dans l’opposition », ajoute-t-il. « Pour avoir appartenu durant toute ma vie au MMM, qui est le parti de l’opposition par excellence, je sais que quand on est dans l’opposition, on est dans le dire, et jamais dans le faire. On exerce la parole à l’oral à travers les conférences de presse », fait-il encore comprendre.
« Si on veut passer de la théorie à la pratique pour servir le peuple et faire avancer les choses, il faut être au gouvernement », s’est appesanti l’intervenant en ajoutant que « c’est avec beaucoup de regret que Bodha est dans l’opposition, alors qu’il aurait contribué à ce projet de loi. La vie est faite de choix parfois malheureux. Peut-être sincères, mais malheureux. »
Répondant à une remarque du député Aadil Ameer Meea à propos de la concurrence de la part des compagnies étrangères, Steven Obeegadoo devait souligner que le but de projet de loi est de régulariser la profession. Des questions ont été soulevées également à propos de la nécessité d’inclure dans le conseil deux membres qui ne sont pas des Planners. L’idée est d’avoir la contribution des représentants de la société civile tels que des membres des collectivités locales ou de professionnels. Ce projet de loi a été voté sans amendement hier.
Lors de la présentation du texte de loi, Steven Obeegadoo est revenu sur les objectifs du Town Planner’s Council Bill. Il a souligné que le but du projet de loi est de « réglementer la profession et de reconnaître le travail professionnel des urbanistes dans l’élaboration de notre environnement bâti et la contribution des urbanistes à l’élaboration des plans, à l’analyse des sites, à l’évaluation des projets et à la préparation des directives de politique d’urbanisme ».
Le Premier ministre suppléant et ministre de tutelle avance qu’il est attendu des professionnels de l’urbanisme « le respect des normes élevées de compétence et qu’ils se conduisent de manière à inspirer confiance ». Il a fait ressortir que la préparation du projet de loi a nécessité une vue d’ensemble d’autres conseils professionnels similaires, tant à Maurice que sur le plan international. « Nous avons évalué les meilleures pratiques au Zimbabwe, au Kenya, en Afrique du Sud et au Ghana qui ont déjà établi leurs propres instituts de planification. Maurice ne peut pas rester à la traîne », dit-il.
Par ailleurs, Steven Obeegadoo a annoncé une nouvelle National Land Development Strategy qui orientera le développement de manière à intégrer la compétitivité économique à la durabilité environnementale et à l’équité sociale est en cours de préparation et devrait être prête cette année.
Par ailleurs, les principales dispositions du projet de loi sont la création d’un conseil des urbanistes afin d’enregistrer les urbanistes, de réglementer la profession d’urbaniste, d’exercer et de maintenir la discipline dans la profession, de promouvoir l’avancement dans le domaine de l’urbanisme et d’approuver, d’organiser des cours de formation, des conférences et des formations continues.
Le conseil sera composé de 13 membres de différents secteurs. Ils seront nommés pour une période de deux ans. Nul ne sera autorisé à pratiquer l’urbanisme s’il n’est pas enregistré en tant qu’urbaniste auprès du conseil. Actuellement, il y a environ 80 urbanistes à Maurice travaillant dans les secteurs public et privé.
Sanjit Kumar Nuckcheddy : « Il était temps de mettre sur pied le Town Planners Council »
Sanjit Kumar Nuckcheddy estime que « les gens n’ont pas une idée exacte de ce que fait réellement un urbaniste ». De même que lorsqu’il avait entrepris des études en Quantity Surveying, il y a trois décennies, dit-il, « ils ne savaient pas ce que voulait dire Town Planner ». Il explique ainsi que le premier module de ses études avait trait à l’urbanisme et que « c’est à partir de là que j’ai compris que le Town Planning harmonise plusieurs aspects, dont l’environnement, le social et l’aspect économique ».
Aussi, pour lui, ce projet de loi créera « une nouvelle ère dans la profession », le métier d’urbaniste pouvant désormais être vu, dit-il, « comme un métier à part de ceux de Quantity Surveyors, d’ingénieur, d’architectes, etc. » Il poursuit : « Il est temps maintenant de mettre sur pied le Town Planners Council. Les Town Planners ont tendance à croire qu’ils planifient l’avenir. Mais leurs marges de manœuvre sont beaucoup plus vastes. Ils sont appelés à protéger nos côtes, les bâtiments historiques… Et créer de nouveaux environnements. Ils ont l’art de redessiner les villes. Ce projet de loi est donc une reconnaissance pour ces hommes et ces femmes ayant contribué à façonner le monde d’aujourd’hui. »
Meea : « Je m’attendais à entendre que Port-Mathurin deviendrait San Francisco »
Le député de Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 1) Aadil Ameer Meea a commencé son intervention par une boutade, disant qu’après avoir entendu dire que Vacoas deviendrait Manhattan et Phoenix, New York, « je m’attendais à ce que Jean-Francisco François nous dise que Port-Mathurin deviendrait San Francisco, mais tel n’a pas été le cas ». Ce projet de loi, rappelle-t-il, prévoit la création du conseil des urbanistes pour mieux réglementer la profession d’urbaniste. Mais aussi l’enregistrement des entreprises locales et étrangères d’urbanismes à Maurice.
Ainsi, une entreprise étrangère peut s’implanter à Maurice sans un accord de coentreprise avec ses homologues locaux, dit-il encore. « Il n’y aura aucun filet de protection de notre industrie locale. Un partenariat entre les firmes mauriciennes et étrangères aurait permis de développer une stratégie contre la concurrence déloyale des étrangers proposant de s’installer à Maurice pour offrir des services à des clients locaux », lance le député.
Il estime qu’il « ne faut pas ouvrir nos portes aux étrangers, et par conséquent mettre les professionnels locaux au chômage ». Ainsi se dit-il « étonné » que ce projet de loi « ne fasse pas provision de sanctions pour les cas de négligences ». La loi, est-il d’avis, « ne peut pas continuer à protéger ceux qui sont responsables de négligences ».
Le PPS François : « Manhattan et New York sont des visions au-delà de 2050 »
Le Secrétaire Parlementaire Privé (PPS) Jean Francisco François a d’emblée dit se souvenir de « la phrase légendaire prononcée par l’honorable Gilbert Bablee à l’effet que le centre de Vacoas “pou vinn enn Manhattan” ».
Il explique ainsi : « Je suppose qu’il s’est profondément inspiré du développement routier urbain de la ville de Vacoas. Ce n’est donc pas un paradoxe, car la ville de Vacoas a besoin d’être régénérée et d’une renaissance. Je suis en train de parler comme un urbaniste moi-même et j’ai fait quelques recherches à propos de Manhattan. J’ai consulté le Manhattan Project Website ayant trait à “a vision for tomorrow and a solution for today”. »
Il a poursuivi en revenant sur d’autres propos qui l’ont marqué, à savoir que « Phoenix pou vinn enn New York », et pour lesquels il dira : « Tout cela est une vision au-delà de 2050. Les urbanistes doivent aussi repenser et redévelopper Vacoas et Phoenix pour créer de nouvelles villes. L’avenir dira si on avait raison. » Provoquant des applaudissements des bancs de la majorité. D’autre part, il se dit d’accord avec le député Nando Bodha à l’effet qu’il « n’y a plus de pas géométriques à Maurice ».
Dhaliah : « Ceux qui ont fauté devront répondre devant l’histoire »
Le Secrétaire Parlementaire Privé Rajanah Dhaliah s’est dit certain que « les membres de cette auguste Assemblée, les professionnels des infrastructures publiques et la population en général se souviendront de ce triste épisode des inondations », et qui ont coûté la vie à plusieurs personnes. « Certes, nous n’avons aucun contrôle sur la nature, mais en tant que décideurs, il est de notre devoir et de notre responsabilité de nous assurer que la population ne paie pas le prix de projets mal inspirés et mal exécutés », affirme le PPS.
« Qui ne se souvient pas de l’aménagement de drains et de systèmes de canalisation, surtout dans la capitale, qui sont larges sur tout le parcours, mais étroits à leur embouchure, provoquant ainsi un refoulement d’eau, ou encore du bétonnage de certains endroits stratégiques. Ceux qui ont fauté devront répondre devant l’histoire », a-t-il souligné. Ainsi, pour lui, lorsque l’on parle de planification, « il ne faut pas oublier les embouteillages durant les heures de pointe ».
« Ce gouvernement est en train d’appliquer des mesures de décongestionnement majeures dans des points stratégiques à travers le pays. Le projet du métro a contribué énormément dans la réduction du nombre de véhicules sur nos routes aux heures de pointe. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que le métro vienne résoudre le problème de congestion. De nouvelles routes doivent être construites et le Town Planners Council pourra conseiller le gouvernement sur leur construction pour réduire les embouteillages », poursuit-il.
Woochit : « La mise sur pied du TPC est hautement recommandable »
Le député de Pamplemousses/Triolet (No 5) Ranjiv Woochit a d’abord rappelé que lorsque le pays a obtenu son indépendance, en 1968, « l’épine dorsale de l’économie était la canne à sucre, et ce, grâce à la vision du père de la nation, feu sir Seewoosagur Ramgoolam ». Cependant, avec l’appui « d’autres visionnaires », tels que feu le Pr Lim Fat, dit-il, « on a pu diversifier l’économie en créant d’autres piliers, comme la zone franche, l’industrie touristique et les services financiers ».
« Depuis l’indépendance, de plus en plus de terres ont été utilisées pour le secteur non agricole. Cette situation va se poursuivre avec des projets de morcellements et la création de zones fermées sur les côtes. Mais l’émergence de nouveaux pôles de développement aura des conséquences sur les terres disponibles dans le pays. Il est grand temps que les urbanistes adoptent une approche plus professionnelle pour le développement futur », dit-il.
De fait, il est « tout à fait logique », selon lui, « que ce secteur a besoin d’un conseil pour réguler la profession, comme c’est le cas pour la profession légale, le secteur médical, etc. » Aussi la mise sur pied du Town Planners Council (TPC) « est hautement recommandable », pense-t-il.
Le PPS Ramchurrun : « Nécessaire pour encadrer les professionnels »
Pour le Parliamentary Private Secretary (PPS), Nand Prakash Ramchurrun, la mise sur pied du Town Planner’s Council (TPC) « est nécessaire pour mieux encadrer les professionnels qui opèrent dans le domaine de la planification ». Ce projet de loi « reconnaît aussi l’immense contribution des planificateurs au développement du pays » et « va aussi créer de nouvelles opportunités pour les planificateurs locaux et étrangers ».
Le TPC sera aussi en mesure de maintenir l’éthique professionnelle et disséminer des informations sur les bonnes pratiques, poursuit-il. « Avec ce projet de loi, les Foreign Planners seront aussi autorisés à pratiquer à Maurice, et il est important que la réciprocité des qualifications soit identique, car le pays dispose d’un certain nombre de “planning professional” saisonniers. »
Il faut qu’ils aient l’opportunité de partager leurs expériences à l’étranger, se dit-il d’avis. « En Afrique du Sud, le TPC travaille en étroite collaboration avec la South African Qualification Authority pour déterminer les compétences afin que des ressortissants sud-africains puissent partager leur savoir-faire à l’étranger. » Il a conclu que ce projet de loi « permettra aussi d’ouvrir la voie pour un avenir plus résilient pour ceux qui sont les plus vulnérables aux cataclysmes naturels et aux conditions climatiques extrêmes ».
Nando Bodha : « Nous n’avons plus de pas géométriques »
L’ancien ministre du Transport, Nando Bodha, a déclaré qu’il « ne faut jamais oublier que nous ne disposons que de 2 400 km carrés de terres et de 240 km de côtes ». Et que nous avons une des densités les plus fortes au monde, soit 60 000 personnes par kilomètre carré. « Nous voulons être un pays producteur de sucre, une destination touristique de qualité, nous voulons être un pays industrialisé, nous voulons être un pays où il y a des Smart Cities, nous voulons aussi être un pays d’autosuffisance agricole. Les enjeux sont énormes. Il ne nous reste plus de pas géométriques. Les terres qui sont consacrées à la production du sucre ne doivent pas être sacrifiées », a fait remarquer Nando Bodha. Il y a, dit-il, urgence pour créer The Sugar Map of Mauritius.
Les Smart Cities sont des projets pilotés par le secteur privé, rappelle-t-il. « Quel est le rôle des autorités pour l’île Maurice de 2050-2060 ? Nous n’avons plus de pas géométriques », a-t-il lancé. D’ailleurs, les Smart Cities « ne devraient pas être des zones d’urbanisme isolées ».
Parlant du projet de construction de 12 000 logements sociaux, il devait soutenir qu’il n’est pas possible de construire 500 maisons dans chaque circonscription, car la disponibilité des terres n’est pas la même. « Si on ne redessine pas Maurice, ce sera la valeur de l’argent et le sens du profit qui redessineront Maurice dans des zones fermées, des “gated communities”. Et vous aurez aussi Batterie-Cassée et un certain nombre de régions qui seront des No man’s land », a déclaré Nando Bodha. « Si on laisse la notion de probabilité dans le développement urbain, on finira par se retrouver avec des régions riches et prospères et des régions délaissées », a souligné le député.
L’urbanisme doit permettre de trouver la synergie entre différentes régions. « Il y a nécessité et urgence que l’aménagement du territoire soit dicté par les autorités publiques. Il ne faut pas créer des ghettos ou il y aura de la drogue, la prostitution et des problèmes sociaux. C’est l’urbanisme d’aujourd’hui qui définit la société de demain », a affirmé Nando Bodha, qui est aussi Town Planner.
« Aujourd’hui, on parle très rarement des urbanistes. On préfère parler des architectes et des ingénieurs. Ce projet de loi met en exergue une profession très mal connue et j’ai tendance à dire que l’urbanisme ne nourrit pas son homme et ses disciples. J’ai connu beaucoup d’urbanistes qui ont fait des études très poussées et qui ont abandonné leur carrière. Moi-même j’ai fait autre chose ». Ce à quoi le Speaker de l’Assemblée, Sooroojdev Phokeer, lui a rétorqué : « Ministre ! »