De l’intox en capsules

À une époque où il importe de plus en plus pour les entreprises de se donner bonne conscience, et ce même si les motivations sont avant tout purement économiques, l’on se doit, en tant que consommateurs avertis, d’être extrêmement vigilants quant aux messages véhiculés par ces mêmes firmes. Ainsi, lorsqu’un fournisseur de produits pétroliers s’engage dans un projet social ou, mieux, dans la promotion d’énergies vertes, il ne nous faut pas oublier que son fonds de commerce reste le même, à savoir la production pétrolière afin d’alimenter nos usines, nos véhicules, etc. Et donc que leur engagement social, quel qu’il soit, ne réparera jamais le tort commis à la planète.

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Bien sûr, il ne s’agit que d’un exemple parmi tant d’autres, même s’il reste probablement le plus frappant. D’autres entreprises, engagées dans des secteurs moins éloquents sur la question, mériteraient en effet elles aussi que l’on s’y attarde un instant. C’est notamment le cas des producteurs de dosettes de café (vous savez, ces capsules que l’on place dans des appareils « expressément » conçus pour nous livrer ce que l’on appelle communément des cafés serrés !). Il faut ainsi d’abord savoir que sous leur aspect insignifiant, ces capsules sont de plus en plus répandues à travers le monde (9 milliards de dosettes sont vendues chaque année). Or, n’en déplaise à un célèbre acteur – qui plus est, comble du paradoxe, ouvertement engagé dans la cause environnementale –, ces dosettes sont extrêmement néfastes pour la nature, à commencer du fait qu’elles sont à usage unique et que leur recyclage reste finalement très limité à l’échelle mondiale, et ce malgré les bonnes intentions affichées par leur principal fournisseur.

Le principal problème de ces capsules concerne leur composition, à l’exception bien sûr du café à proprement parler, à savoir, dépendant du fournisseur, en carton ou en plastique. Quant aux autres, en l’occurrence la grosse majorité, elles sont en aluminium, matériau qui, selon le principal revendeur mondial de capsules, est « 100% recyclable ». Avant de revenir sur cette affirmation, il convient de relativiser l’image que tente de transmettre cette dernière, en l’occurrence qu’étant entièrement recyclable, une capsule vide serait donc “eco-friendly”. Ce qui est absolument faux, et ce en raison de la production même de l’aluminium servant à leur confection.

Ici, le problème est que pour produire une tonne d’aluminium, quatre tonnes de bauxite sont nécessaires. Or, le traitement de ce minerai occasionne ce que l’on appelle des « boues rouges », qui comprennent à la fois du titane, de l’oxyde de fer, de l’oxyde d’aluminium et de l’oxyde de silicium, substances toxiques qui se voient toujours pour l’heure tout bonnement rejetées dans la nature. Situation que le principal producteur de dosettes promet cependant de régler à partir de 2020 en promouvant l’utilisation de capsules « responsables ». Alors oui, comme le clame ce dernier, les capsules ne représentent que 0,02% de la consommation mondiale d’aluminium, mais leur production reste néanmoins une activité polluante et, qui plus est, très énergivore.

Vient ensuite la question des déchets. Les capsules, y compris celles permettant plusieurs utilisations, représentent pas moins de 40 000 tonnes de déchets d’aluminium, soit l’équivalent de… quatre tours Eiffel. Constat sans appel auquel les fournisseurs de dosettes entendent bien entendu répondre, et ce en instaurant dans un grand nombre de pays, y compris le nôtre, des campagnes de recyclage. En apparence, l’objectif est simple : d’abord séparer le marc de café du réceptacle puis entamer le recyclage. Les résidus de café peuvent alors servir de compost tandis que l’aluminium, lui, est recyclé. Hélas, tout n’est pas si simple, car le problème des capsules, c’est qu’elles sont difficiles à recycler justement. Pour être efficaces, les centres de recyclage devraient donc investir gros dans des machines équipées afin de trier l’aluminium par électromagnétisme, le tri manuel étant en effet quasi impossible du fait de la taille de ces objets (9 cm). Inutile de dire que rares sont les centres de recyclage à être équipé du matériel nécessaire (à titre d’exemple, sur 200 centres en France, seuls 18 en sont pourvus). Sans compter que d’autres entreprises fournissent des capsules comprenant à la fois de l’aluminium et du plastique, nécessitant alors une technique (la pyrolyse) encore plus onéreuse.

Face à cette réalité, peut-être serait-il donc temps de revoir sérieusement nos habitudes. De toutes les façons, il n’y a que deux alternatives possibles. Soit l’on apprend à se passer de café en capsule pour en revenir au paquet traditionnel. Soit, plus extrême, mais bien plus efficace, simplement ne plus consommer de café, quelle qu’en soit la forme. Il faut en effet savoir que la culture de café a atteint de telles proportions qu’il nous faut aujourd’hui déboiser dans des proportions alarmantes pour assurer la production mondiale. Dernière possibilité : on ne change rien du tout ! Et tant pis si, au final, nous finissons tous par boire la tasse… dans les deux sens du terme cette fois.

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