Cour d’assises — Procès de Bernard Maigrot : La poursuite s’appuie sur des preuves circonstancielles

Les hommes de loi ont soumis, ce mardi 25 juin, leurs plaidoiries dans le procès instruit contre Bernard Maigrot dans le meurtre de Vanessa dans sa baignoire à Grand-Baie le 10 mars 2001. Preuves circonstancielles pour la poursuite, trop de contradictions, selon la défense. Aux membres jurés de trancher après le Summing-Up du juge Aujayeb, annoncé pour demain.

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La représentante de la poursuite, Me Darshana Gayan, a soumis son réquisitoire. Elle a expliqué que ce seront uniquement des preuves circonstancielles qui seront présentées dans cette affaire. Elle a maintenu qu’il est faux de dire que Bernard Maigrot est le « target by excellence » comme l’a fait ressortir la défense, alors que des preuves circonstancielles à son encontre existent bel et bien.

Me Gayan a fait comprendre que Vanessa Lagesse vivait seule, et en 1993, avait commencé à entretenir une relation extraconjugale avec Bernard Maigrot. Il a été démontré que Vanessa Lagesse était sous l’emprise totale de Bernard Maigrot, ce qui la mettait sous tension, et qu’elle essayait de sortir de cette relation. Bernard Maigrot avait essayé de minimiser la relation avec Vanessa Lagesse, en disant qu’au moment du crime, ils ne se rencontraient que comme simples amis ou pour affaires, mais les relevés téléphoniques, qui font état de multiples appels entre les deux, racontent une autre histoire.

Elle s’appuie sur le fait que l’ADN de Bernard Maigrot avait été retrouvé sur un total de onze zones sur un drap ensanglanté dans la chambre à coucher et sur un autre drap ensanglanté dans la salle de bains, ce qui n’a pas été remis en question par les experts de la défense.

Aucune autre trace d’ADN de Bernard Maigrot n’a été relevée ailleurs dans la maison. Ce qui indique une « direct implication of the defendant in the manslaughter », selon Me Gayan. « La question de savoir quand et comment cet ADN s’est retrouvé là est une question pour vous, les jurés », a-t-elle indiqué.

Le Dr Satish Boolell avait situé la mort de la victime vers 2 heures du matin. Revenant sur l’alibi de Bernard Maigrot, fourni par Martine Desmarais, qui avait affirmé que Bernard Maigrot se trouvait chez elle à ce moment-là, elle a accusé celle-ci d’être un « témoin de complaisance ».

Elle a aussi maintenu qu’Isabelle Maigrot, qui avait soutenu cet alibi, avait pour sa part consommé du vin ce soir-là, et avait pu ne pas s’être rendu compte que son mari était toujours à ses côtés. « Bernard Maigrot had ample time to go from Cap-Malheureux to Grand-Baie. He was on the scene of crime », a-t-elle dit.

Me Gayan a ensuite essayé de mettre en doute la théorie du vol avec effraction qui avait mal tourné, vu qu’une bague était encore au doigt de la victime au moment de l’autopsie, et qu’il n’y avait aucun signe d’effraction aux portes et fenêtres, et vu que rien n’avait été rapporté comme volé.

Le ministère public ajoute que la conduite de Bernard Maigrot suivant le meurtre laisse aussi dubitatif. Ainsi, trois jours après le meurtre, il avait déjà pris l’avion pour l’étranger, et jusqu’au 24 mars 2001, il avait déjà effectué deux voyages à l’étranger.
Selon elle, la poursuite a établi un Prima Facie Case contre Bernard Maigrot, au-delà de tout doute raisonnable.

De son côté, Me Gavin Glover, Senior Counsel, l’avocat de Bernard Maigrot, a affirmé, dans sa plaidoirie, que d’innombrables questions sont restées en suspens dans cette affaire. Pour lui, Bernard Maigrot n’avait absolument aucun motif de tuer quelqu’un qu’il aimait. « Bernard Maigrot was the fall guy all along », a-t-il dénoncé. Ainsi, alors que le surintendant Monvoisin de la MCIT essayait de rassembler les preuves contre le vrai suspect, l’affaire lui avait été enlevée pour être confiée à la CID de Curepipe.

Me Glover est ensuite revenu sur le Washing Protocol ordonné par le professeur Christian Doutremepuich, qu’il a qualifié de « honte ». Ce dernier avait ordonné que des volontaires de la police et du FSL imprègnent un drap pris de la résidence de Vanessa Lagesse avec leur ADN salivaire, drap qui avait ensuite été lavé à la machine.

La poursuite voulait mettre en avant qu’une lessive effectuée par la femme de ménage, Saraspadi Mooneesamy, dans la journée du 9 mars aurait nettoyé ses traces d’ADN, et que ces traces ne pouvaient que provenir du 9 mars, quand le crime avait été commis. Or, Saraspadi Mooneesamy n’a pu dire avec certitude quels linges elle avait lavés le 9 mars. L’avocat a sévèrement critiqué le professeur Christian Doutremepuich, notamment ses affirmations à l’effet qu’il ne connaissait rien de cette affaire.

Il a exprimé sa désapprobation que Martine Desmarais ait été qualifiée de « témoin de complaisance » par la poursuite. Il a fait ressortir que celle-ci avait mentionné à maintes reprises à quelle heure les Maigrot avaient pris congé d’elle. En ce qui concerne Isabelle Maigrot, qui avait soutenu cet alibi, en affirmant que son mari était à ses côtés, il a demandé aux jurés pourquoi celle-ci mentirait si son mari la trompait.
Me Glover a demandé aux jurés de considérer cet alibi comme étant vrai, et que Bernard Maigrot ne pouvait être présent chez Vanessa Lagesse vers 1 h du matin dans la nuit du 9 au 10 mars 2001.

Il a fait ressortir que d’autres preuves qui démontreraient qu’il y aurait pu avoir l’implication d’autres personnes ont été sciemment ignorées par la poursuite. Ainsi, l’ADN de deux personnes de sexe masculin et de deux autres personnes de sexe féminin a été retrouvé sur un vêtement que portait Vanessa Lagesse au moment de sa mort. Outre les deux draps ensanglantés, l’ADN de Bernard Maigrot n’a pas été relevé ailleurs dans la maison. Pas une seule empreinte de lui n’a été trouvée dans la maison.

En ce qui concerne la thèse d’un vol avec effraction qui a mal tourné, il maintient que c’est une possibilité, vu que le jardiner, Sookun, et la servante, Saraspadi Mooneesamy, avaient affirmé que la maison était en désordre. Le surintendant Monvoisin avait affirmé en Cour que la police avait rejeté cette thèse. Mais il s’est ensuite rappelé lors de son contre-interrogatoire que Thierry Lagesse, un cousin de Vanessa Lagesse, avait dit dans son Statement qu’une montre très chère qu’il avait offerte à la victime avait disparu de la maison.

Selon lui, il y a trop de Holes and Gaps dans le dossier de la poursuite. Par exemple, comment le corps s’est-il retrouvé dans la baignoire ? Le corps avait été déplacé et personne ne sait par qui. Pourquoi la télécommande était-elle dans la baignoire ? Pas moins de huit personnes avaient pénétré dans la maison avant l’arrivée des policiers et contaminé la scène de crime.

Deux cordelettes en nylon retrouvées dans la baignoire n’ont pas été présentées en Cour. Pourquoi ? Cela alors que l’ADN d’une personne de sexe masculin, non identifiée, y a été identifié. La police n’a aussi jamais élucidé l’histoire de la bougie qui brûlait.
Elizabeth Henesch, la dernière personne à avoir vu Vanessa Lagesse vivante, avait été autorisée à quitter le pays et n’a jamais figuré sur la liste de témoins. Pourquoi?
« La poursuite a placé devant vous un Jigsaw Puzzle. Il n’est pas imaginable de revenir avec un verdict de culpabilité alors qu’il y a toutes ces contradictions dans le dossier de la poursuite », a conclu Me Glover.

Le juge Aujayeb fera son Summing-Up ce jeudi et les jurés se retireront ensuite pour délibérer avant de rendre leur verdict.

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