Après Dubaï l’an dernier, c’est dans un autre pays producteur de pétrole, l’Azerbaïdjan, que s’est déroulée cette année la Conférence des Parties sur le climat. Ironie ou hérésie ? Disons un peu des deux, car avec un peu moins d’un million de barils de pétrole par jour, deux petits jours de production de ce seul pays suffiraient à pourvoir aux besoins actuels de Maurice pendant plus d’un an. Autant dire que, tout comme sous la présidence dubaïote en 2023, les dés semblaient pipés d’avance avant même l’ouverture de cette 29e COP. Ce choix du pays hôte est d’ailleurs d’autant plus discutable que la population d’Azerbaïdjan vit sous le joug d’un dictateur, Ilham Aliyev, et à qui les rênes de la conférence ont donc été données.
Dès lors, avec une telle présidence, il fallait s’attendre au pire, et le pire est effectivement arrivé. Car lorsque le président d’une COP, supposée rassembler autour d’une cause aussi urgente que celle de la lutte contre le changement climatique, vient mettre d’emblée en cause les bien-fondés même de la réunion qu’il préside, l’on atteint obligatoirement des sommets d’absurdité. Ainsi, non seulement le président Aliyev aura profité de cette plateforme internationale pour régler ses différends politiques (en l’occurrence avec la France), mais il aura aussi donné le ton pour la suite en lançant fièrement que le pétrole et le gaz étaient « des dons de Dieu ». Cautionnant par conséquent, par cette digression spirituelle, la poursuite de l’exploitation de ces ressources, qui participe évidemment grandement à son enrichissement personnel.
La première semaine de cette COP29 aura en outre été pour le moins tourmentée, avec des manifestations inédites autour de l’aide financière promise par les pays riches à ceux en développement, et ce, afin (officiellement) d’aider ces derniers à opérer leur transition écologique. Mais surtout (officieusement) à se préparer à affronter les conséquences du réchauffement planétaire (sécheresses, pluies diluviennes, cyclones, montées des eaux…), et résumé sous le néologisme d’adaptation climatique. En d’autres termes, puisqu’il semble désormais admis qu’il nous est quasi-impossible de trouver un consensus mondial quant à une réduction drastique de nos émissions de gaz à effets de serre, il apparaît dès lors plus facile de nous préparer à affronter le pire plutôt qu’à l’éviter.
Cette voie, adoptée depuis plusieurs années déjà au cours des précédentes COP, est certes loin d’être la plus logique, puisque nous parlons là de l’avenir de l’humanité, et des autres membres du vivant d’ailleurs. Et pourtant, même cette étrange conception consistant à guérir plutôt qu’à prévenir est loin de faire l’unanimité, car ayant rapidement fait place à des coûts chiffrés. Une ardoise salée qui, bien que bien moindre que celle que coûterait une véritable révolution énergétique mondiale, suscite encore de grandes réticences chez les « pays payeurs » ! Au grand dam des nations qui, comme la nôtre, seront aux premières loges des catastrophes promises.
Combien de COP nous faudra-t-il encore pour que nous acceptions enfin l’urgence de la situation ? Ces conférences, d’ailleurs, font-elles encore sens dans le contexte économique mondial, où une poignée de puissants continue de faire la pluie et le beau temps ? L’accord de Paris (encore lui) nous aura prouvé, il y a bientôt dix ans déjà, qu’aussi ambitieux puisse être un accord, celui-ci n’a de valeur que lorsqu’il est suivi d’actions. Ce qui, pour rappel, n’aura pas été le cas. Ne serait-il dès lors pas plus censé de redéfinir la fonction de ces COP ? Et, surtout, de régir leur fonctionnement en les agrémentant de la notion d’obligation ? Nul doute que si cette instance avait dès le début arboré un côté contraignant, nous n’en serions pas là. Car tout accord aurait bénéficié davantage à la planète, même avec une minorité de pays signataires.
Comme on ne cesse de le répéter dans ces mêmes colonnes depuis des années, la priorité de notre monde capitaliste n’aura finalement jamais changé d’un iota. Notre quête de croissance éternelle n’a pourtant non seulement de sens, mais avec elle, nous courons indéniablement à notre perte. À force de vouloir mettre un chiffre à toutes nos actions, nous finissons par ne plus vouloir en prendre. Oubliant que, pendant ce temps, le changement climatique, lui, continue tranquillement son petit bonhomme de chemin. Jusqu’à ce que, peut-être, une fois au bord du précipice, l’humanité finisse par réaliser son erreur… Trop tard, hélas !
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