COMMERCE INTERNATIONAL SUR FOND DE GUERRE ET DE PANDÉMIE – Vers la fin du multilatéralisme ?

Dr DIPLAL MAROAM

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La guerre en Ukraine, ajoutée à la pandémie de Covid-19, pourrait bien marquer l’achèvement d’un cycle dans l’histoire de l’économie mondiale presque trois décennies après le lancement de la politique de l’internationalisation des échanges commerciaux au niveau planétaire. D’ailleurs, ces dernières années, les atteintes à la mondialisation n’ont pas manqué : crises économiques répétitives ; accession au pouvoir de Donald Trump avec son slogan « America First » ; bataille tarifaire entre Washington et Pékin ; Brexit ; confrontation entre G7 et BRICS, organisation commerciale représentant plus de 40% de la population globale ; etc. Autant de coups de semonce portés à l’économie mondialisée et le dernier en date est justement les sanctions prises à l’égard de Moscou dans le cadre du conflit russo-ukrainien. En conséquence de ce conflit, le marché des matières premières comme le pétrole et le gaz et celui des produits de base comme l’huile et les céréales sont complètement déboussolés, suscitant une flambée des prix dans tous les pays du monde.

Alors que la pandémie de Covid-19 a mis en exergue le danger que comporte une trop grande dépendance de l’étranger en matière d’approvisionnement que ce soit alimentaire, sanitaire, énergétique ou autres, l’invasion de l’Ukraine par la Russie pourrait constituer le point de bascule de la mondialisation vers la régionalisation. Tant pis pour la théorie des avantages comparatifs, mieux vaut, à la place, la garantie d’un approvisionnement continuel par la production locale quitte à subir un coût d’investissement plus élevé et cela s’applique à plusieurs secteurs importants de l’économie. Si le concept de l’autosuffisance qui est, dans une grande mesure, tributaire de la localisation géographique, du niveau de développement et des moyens de production des États, est purement relatif et ne peut être respecté de manière absolue, il peut, en revanche, très bien l’être sur le plan sectoriel.

Pour un petit État insulaire comme Maurice, par exemple, qui dépend des importations pour plus de 75% de ses produits de consommation courante et qui pourrait donc se retrouver en isolation totale en cas d’une catastrophe globale majeure, il est impératif de bouger vers l’autosuffisance de certains produits agricoles de base alors que toutes les conditions essentielles existent déjà – climat favorable, disponibilité des ressources nécessaires : terre, main-d’œuvre, etc. Dans ce contexte, l’augmentation de la subvention gouvernementale sur les semences des cultures telles la pomme de terre, l’oignon, etc, de même que sur les engrais – mesure que préconise le budget 2022/23 –, constitue un pas dans la bonne direction mais il faudrait aller encore plus loin. Ce qui permettrait in fine de passer d’une croissance tirée par la consommation à celle basée sur la production et entraînerait, simultanément, non seulement un allègement de notre balance commerciale mais également l’assainissement social si essentiel par une baisse du fléau du chômage.

Par ailleurs, avec l’arrivée à la Maison-Blanche de Joe Bien en janvier 2021, beaucoup d’observateurs s’attendaient à un réchauffement des relations internationales si malmenées par les quatre années du trumpisme. Or, jusqu’ici, hormis la résurrection de l’OTAN qui était « en état de mort cérébrale » – dixit Emmanuel Macron –, le commerce mondial demeure toujours sous haute tension. En effet, avec la guerre commerciale Est-Ouest qui se prolonge, s’intensifie même, il y a un risque de déconnexion économique entre pays occidentaux, d’une part, et la Chine et ses alliés, de l’autre. Car, la politique de la mondialisation que les grandes puissances avaient lancée au début des années 90 et destinée manifestement à soumettre tous les pays, particulièrement, ceux libérés du joug du communisme, à leur influence, a finalement produit un effet boomerang. Puisque, depuis son entrée dans l’OMC en 2001, Pékin a été le plus grand bénéficiaire de la mondialisation et talonne même Washington pour la première place de puissance économique globale. En outre, la Chine n’a jusqu’ici pas condamné l’attaque de la Russie contre l’Ukraine – tout comme l’autre géant asiatique, l’Inde – et risque de se retrouver en confrontation directe avec les États-Unis sur le dossier Taïwan, comme a d’ailleurs laissé entendre Joe Biden, la fleur au fusil, en mai dernier au Japon. Ce qui signifierait alors le retour en force de la guerre froide et sonnerait le glas du multilatéralisme en général.

                                                                                                                                                

                                                                                                                                             

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