Comme un cruel boomerang

Oui, d’aucuns peuvent ne pas être très fiers de certains de leurs faits et gestes passés. Tout est une question de comportement personnel, de ce que l’on conçoit comme rectitude, intégrité et exemplarité. Il y a des postures qui révèlent un caractère délictueux et celles qui sont contraires à moralité publique.
Comme il paraît que toutes les questions plantées sur Navin Ramgoolam, coffres et comprimés compris, ont été épuisés, Ashley Ittoo, que certains internautes disent découvrir subitement depuis mardi, a été désigné comme le dernier exécutant des basses œuvres du Sun Trust.
C’est parce qu’il souffre probablement d’un déficit de visibilité et de notoriété, et qu’il croit que son attitude servile lui assurera le renouvellement de son investiture au no 16 – où il avait décroché, dans une lutte à trois, une modeste troisième place avec une vingtaine de votes de plus que Stéphanie Anquetil – qu’il s’est prêté à ce petit jeu malsain.
Oui, c’est bien ce député du MSM qui a été chargé de donner suite aux annonces tonitruantes d’opération de “démontage” des démissionnaires du PMSD Richard Duval, Kushal Lobine et Véronique Leu-Govind faites par Pravind Jugnauth dans sa campagne de warming-up du 1 er mai.
La question parlementaire de mardi dernier visant Richard Duval et ses supplémentaires pré-écrites, sur des faits qui se sont produits il y a de cela 16 ans, ont obtenu des réponses, évidemment, très détaillées sur la connexion Richard Duval et Cindy Legallant et ses comprimés de Subutex.
Rien de nouveau, mais ce député, choisi pour la sale besogne, en remettra une couche mardi prochain avec une autre question sur des faits remontant, cette fois, à 2005.
Mais ce Pravind Jugnauth qui tenait fièrement le pavillon rouge des travaillistes le 1 er mars 2009 à la partielle de Quartier Militaire /Moka, après que ceux-ci l’aient retiré du karo kann où il avait été jeté aux élections de 2005, n’avait eu aucun complexe pour aller siéger aux côtés de son partenaire d’alors Richard Duval à l’Assemblée Nationale, dans le cadre de la coalition PTr/MSM/PMSD.
Dans toute cette affaire, il semble que le leader du MSM est plus contrarié que le PMSD lui-même de la défection de deux de ses députés et de son ancienne présidente. Pourquoi ? Cela dérange ses plans ? On dirait bien, compte tenu de la virulence avec laquelle il les cible.
Si leurs dérives réelles ou supposées étaient aussi scandaleuses, pourquoi ne pas les avoir exposées ou rappelées depuis 2019 ? Ils étaient toujours dans l’opposition, non ? Tout cela n’est que de la basse politique et la transformation du Parlement en un vulgaire ramassis de fouille-merde.
Si le MSM est aussi intéressé par le passé du PMSD et de ses dirigeants, pourquoi ne pas poser des questions sur l’assassinat d’Azor Adelaide, sur l’arrestation de Sir Gaëtan Duval en 1989, sur le festival de la terre des années 80/90 ? Si c’est trop remonter dans le temps, pourquoi ne pas évoquer les années 2000, l’affaire Stauffer, les escapades au Mont Blanc et les dégustations de bouillabaisse à Marseille ?
Pendant que l’on y est, pourquoi ne pas aussi remonter à l’accident mortel causé par le chauffeur Pravind Jugnauth à Curepipe en 1996 ? Avait-il été arrêté, soumis à un alcootest ? C’est une référence à cette affaire qui avait valu à la député Joanna Bérenger sa suspension de l’Assemblée Nationale ? C’est pour avoir proféré la remarque “line touye dimoun” qu’elle avait été sommairement renvoyée, alors que c’est factuel et qu’il y avait effectivement mort d’homme ?
Pour compléter le tableau des réminiscences, pourquoi pas une série d’interpellations sur les conditions dans lesquelles les bureaux du Sun Trust avaient été loués au ministère de l’Éducation et pourquoi, avec de petits arrangements, le Jugnauth Trust avait obtenu Rs 43 millions de dédommagement ou sur Medpoint ? Comme le rétroviseur est la mode, pourquoi se priver ?
S’il faut que les délibérations parlementaires se conjuguent au passé, les députés de la majorité, qui sont en mal de sujets intéressant au premier chef leurs mandants, peuvent poser des questions sur les conditions dans lesquelles le ministre Anwar Husnoo a vendu à l’État une portion de terrain à Trianon pour la coquette somme de Rs 15 millions et que ce fut le même tarif pour l’autre docteur Raffick Sorefan pour un terrain à Camp Fouquereaux alors qu’il était PPS.
Et pour continuer à s’intéresser à la drogue, pourquoi ne pas adresser des questions au Premier ministre sur les visites de Roubina Jadoo-Jaunboccus aux trafiquants incarcérés, demander si le fameux “zenfan” Sun Trust Geanchand Dewdanee, interpellé dans le cadre de la saisie record de 135 kilos d’héroïne et bénéficiaire d’un non-lieu à cause de tergiversations policières pour des raisons que l’on devine, a voyagé sur un même vol que Pravind Jugnauth.
S’ils sont toujours à la recherche de sujets reliés à la drogue, ils peuvent toujours aller encore plus loin et demander des précisions sur l’affaire Amsterdam Boys et pourquoi des élus de la majorité interpellés à l’aéroport de Schipol avec une valise de 21 kilos d’héroïne avaient été accueillis comme des héros à leur retour, suite à des arrangements diplomatiques.
Ils peuvent tout autant poser des questions sur l’ère des Bacsoo et des Gaffoor quand ils proféraient fièrement que “guvernma dan nou lame” lorsqu’ils interdisaient au MMM de tenir meeting à Plaine Verte et qu’ils étaient invités aux garden-party à la State House dans les années 84/86.
Pour sensibiliser contre la violence qui est devenue un problème aigu de société, les back benchers de la majorité, que les Mauriciens peinent à reconnaître tant ils sont creux, peuvent aussi interroger le PM sur l’incident impliquant Kenny Dhunoo survenu à la clinique Wellkin ou sur la Stag Party organisée en plein confinement dans une chasse que fréquentait Franklin.
Comme on le voit, convoquer le passé n’est pas toujours commode. Il peut revenir à la face de ceux qui le pratiquent comme un cruel boomerang.

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JOSIE LEBRASSE

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