On ne le dira jamais assez : si le pétrole nous aura permis de jouir aujourd’hui d’un degré de confort inégalé, avec tous les bénéfices subjacents issus de nos sociétés industrialisées, il aura aussi dans le même temps causé un tort immense à la planète, et en grande partie d’ailleurs irréparable. D’autant, faut-il le rappeler aussi, que la production pétrolière ne concerne pas seulement ce liquide que l’on met dans nos réservoirs de voitures et d’avions, mais aussi tout ce qui provient de l’industrie pétrochimique. L’un de ses produits dérivés est le plastique (fabriqué majoritairement à partir de naphta, issu du raffinage du pétrole), celui-là même que l’on retrouve dans une grande partie des objets que nous croisons au quotidien. Autant dire que le plastique constitue aujourd’hui un des grands enjeux environnementaux dans le contexte du réchauffement climatique.
Face à cette problématique, seules deux solutions sont pour l’heure privilégiées : le recyclage et l’interdiction pure et simple du plastique, ou du moins de certains composés. Deux solutions que l’on aimerait idéalement voir coexister à l’échelle planétaire. Or, la triste réalité est que ce n’est tout simplement pas possible, ne serait-ce que du fait que nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne et que les opérations de recyclage nécessitent des investissements colossaux qu’une majorité de nations ne peuvent (ou ne veulent) consentir. Reste donc l’interdiction. Mais là encore, les flagrantes disparités en matière de politique environnementale à travers le monde ne jouent pas en faveur d’une résolution rapide du problème. Bien sûr, des mesures drastiques sont prises dans un nombre croissant de pays industrialisés quant au bannissement de sacs plastique à usage unique, de gobelets, de pailles et autres objets dérivés, mais ces actions restent globalement bien timides face aux enjeux réels, et dont dépend pourtant la survie des espèces, y compris la nôtre. Et le problème est d’autant plus cornélien dans les pays en développement, où la protection de l’environnement n’est assurément pas dans la liste des priorités nationales.
Quant aux pays à revenus intermédiaires, comme le nôtre, ils tenteront bien quelques percées en la matière, en distillant çà et là quelques mesures, mais ces dernières, au final, s’avèrent le plus souvent cosmétiques, histoire de faire « bonne figure » devant les instances internationales, et de témoigner de leur volonté de respecter les accords dans lesquels ils se sont engagés. Pour en revenir justement au cas mauricien, devons-nous réellement nous réjouir de la déclaration de notre Premier ministre qui, lors du PMQT de cette semaine, a révélé que la taxe sur les “take away”, gobelets et autres objets en plastique, entrée en vigueur le 2 mai dernier, avait déjà rapporté, fin mai, quelque Rs 3,4 M à l’État ? Non seulement cette manne (tout sauf providentielle) provenant de cette énième contribution directe ne sera pas réinvestie dans des projets environnementaux, mais, à la mesure des chiffres avancés pour le seul mois de mai, l’on s’aperçoit en outre que cette taxe n’aura finalement que peu affecté la production de ces items, annihilant ainsi l’aspect dissuasif qu’elle est censée inspirer. Plus loin, Pravind Jugnauth rappelait que le gouvernement avait déjà banni, en janvier 2016, les sacs en plastique. Une affirmation qui, là encore, prête à sourire, tout qui fréquentant les principaux marchés du pays et autres points de vente pouvant en effet constater que ces sacs sont encore largement utilisés. Bien sûr, il n’est nullement de notre intention de dénigrer l’instauration de pareils règlements, mais une fois encore, voter des lois sans s’assurer de leur application rend l’exercice complètement inutile.
Il en est de même des amendes prévues par la loi pour les contrevenants pris en flagrant délit de détérioration de l’environnement. Sur ce point, il apparaît évident que nos officiers, inspecteurs et forces de l’ordre, à commencer par la police de l’Environnement, ne disposent visiblement pas de moyens suffisants, si ce n’est bien sûr de la volonté, pour pouvoir sévir lorsque cela s’avère nécessaire. Dès lors, gobelets, bouteilles et autres emballages continuent de s’amonceler dans les terrains abandonnés, dans les rues, sur nos plages et, même, en pleine mer, et ce sans que personne ne soit réellement inquiété. Sur ce dernier point, celui de la pollution marine, il est d’ailleurs utile de rappeler que cette dernière constitue un enjeu de taille, les experts faisant littéralement état d’un « 7e continent » constitué de résidus plastiques (environ 270 000 tonnes de déchets). Matière d’ailleurs plus abondante encore dans les fonds marins (cette fois, plusieurs dizaines de millions de tonnes), qui plus est dont se « nourrissent » ces mêmes poissons qui finissent dans nos assiettes. D’où l’impérieuse nécessité de bannir définitivement le plastique de nos sociétés, et ce même s’il s’agit d’un acte « chirurgical » difficile. Une évidence de plus que le monde s’évertue pourtant là encore à ignorer.