Chagos : « Bann tipti pe protez bann gro »

Les Mauriciens ont été témoins ces jours-ci d’une scène inhabituelle, qui s’est manifestée d’abord devant la haute commission britannique à Floréal et, ensuite, à Pointe-aux-Sables, devant le centre communautaire qui porte le nom de Lisette Talate, figure emblématique de la lutte des Chagossiens et qui a été active au sein du Groupe Réfugiés Chagos à Maurice jusqu’à sa mort, en janvier 2012.

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Pendant plusieurs décennies, nous avons été habitués par les manifestations organisées devant la haute commission britannique, qui était alors basée à Port-Louis, ou devant l’ambassade américaine, non seulement par le GRC, mais également par d’autres groupes ou partis politiques, dont Les Verts Fraternels ou Lalit, pour ne citer que ceux-là. Mais c’est la première fois qu’on voit défiler dans les rues mauriciennes des Chagossiens arborant des t-shirts et des drapeaux aux couleurs du British Indian Ocean Territory (BIOT) et brandissant le passeport britannique pour réclamer le maintien de l’archipel des Chagos sous la souveraineté de la Grande-Bretagne.

Au nez et à la barbe des citoyens mauriciens, ils ont l’audace de dire « Non au retour des Chagos à Maurice », « Non à la souveraineté de Maurice sur les Chagos ». Ils disent vouloir s’installer dans les îles des Chagos non pas sous la souveraineté mauricienne, mais britannique. Ils considèrent avoir obtenu la citoyenneté mauricienne par force, estimant qu’ils étaient en exil à Maurice, et réclament haut et fort leur citoyenneté britannique. « Nous sommes des British ! » Ce sont donc des Anglais qui ont manifesté contre la souveraineté mauricienne sur les Chagos à l’instigation de deux autres Anglais, un frère et une sœur, Misley Mandarin et Vanessa Calou, qui ont suivi tous ces remue-ménage de Londres à travers WhatsApp.

« Nous ne sommes pas des patriotes mauriciens », lance Misley Mandarin. Seraient-ils, comme on le dit en anglais, « driven by ignorance », ou sont-ils l’objet d’une manipulation de la part de personnalités britanniques ? Leurs discours ressemblent en tout cas beaucoup à ceux tenus par des personnalités comme Nigel Farage, membre du Parlement britannique, qui mène activement campagne contre le retour des Chagos à Maurice, ou encore Boris Johnson, ancien Premier ministre britannique, ou Marco Rubio, qui doit succéder à Antony Blinken comme secrétaire d’Etat américain. Tout cela est perçu comme une parfaite illustration de la chanson de Sayaa, Bann Tipti pe protez bann gros. Ils ont pris Olivier Bancoult comme bouc émissaire et semblent ignorer qu’ils s’attaquent en fait à l’ensemble des citoyens mauriciens, qui les écoutent avec beaucoup de tolérance.
Pour le moment, à Maurice, les consultations au niveau Premier-ministériel entre la Grande-Bretagne et Maurice se poursuivent. Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a ainsi demandé un temps de réflexion avant de rendre connaissance de tous les détails et reprendre les discussions en vue de décider s’il faut signer ou pas le traité sur les Chagos. Les États-Unis, par le biais de son ambassadeur, Henry Jardine, ont déjà souhaité que Maurice « seal the deal ».
De son côté, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, multiplie les déclarations pour rassurer entre autres les Américains. « Look the Chagos deal is a good deal that secures the base. That is in the vital interests of the U.S. and the UK », a-t-il déclaré à la presse britannique cette semaine. Le Foreign Secretary David Lammy se dit, lui, « confident the deal would go through ». Même si tout cela se déroule dans un contexte international incertain. Personne ne sait sur quoi en effet va déboucher l’escalade entre la Russie et l’Ukraine. Quant à la trêve entre Israël et le Hezbollah, elle a déjà été violée à plusieurs reprises.

Sur le plan gouvernemental, le gouvernement est désormais au complet avec la prestation de serment de Gavin Glover comme Attorney General. Il doit également prêter serment avec tous les députés 62 députés élus, auxquels se sont ajoutés quatre Best Losers. Les révocations et les nominations à la tête des institutions clés, elles, se poursuivent. Tous les regards sont maintenant tournés vers les nominations à la tête d’Air Mauritius, Mauritius Telecom, la MPA et la STC, qui sont des institutions clés pour l’économie mauricienne.
La baisse des prix de l’essence et du diesel devrait, elle, intervenir en début de semaine. Tout est en place pour que les élus, y compris ceux qui n’occupent pas des postes ministériels, accomplissent le travail que la population attend d’eux, et bien sûr aux mieux de leurs possibilités.

Jean Marc Poché

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