Mardi 7 juin. Cela fera exactement 31 mois que le gouvernement de l’Alliance Morisien s’est installé au pouvoir après les élections législatives du 7 novembre 2019. Donc, déjà, le mandat est entré dans la deuxième moitié. Et si l’on exclut la dernière année de toute législature, l’on comprendra que l’heure du bilan est sur le point de sonner.
Toutefois, le contexte dans lequel le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et son équipe de ministres se sont retrouvés après la brève transition de la fin de 2019, a été marqué par des facteurs externes. La pandémie de Covid-19 a rappelé l’urgence d’un système de santé publique à toute épreuve. Pas seulement à Maurice mais également dans tous les pays du monde.
Les séquelles subséquentes de l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis le début de cette année sont venues se greffer sur les graves difficultés à gérer sur tous les plans. Même si pour des raisons de Feel-Good Factor, l’on préfère éviter de souligner les dangers potentiels de pénurie de commodités de première nécessité. Mais la réalité est là.
Ce ne sont pas les importateurs, petits ou gros, qui vous diront le contraire. Ils peuvent disposer des devises étrangères nécessaires pour assurer les importations. Dans la conjoncture, ce n’est nullement facile d’identifier les fournisseurs à l’international.
Certes, pour son troisième rendez-vous ce mardi 7 juin, avec son Budget Speech, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, brossera un tableau complet, chiffres à l’appui, des déficits créés par les effets conjugués du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Et aussi comment ces mêmes déficits sont en voie de comblement avec la résilience des principaux secteurs de l’économie.
Néanmoins, il y a encore des déficits, qui ne peuvent être chiffrés. Des déficits qui minent le quotidien du citoyen. Des déficits sur le plan sociopolitique en termes d’espace démocratique contrarié. L’ébauche du tableau du bilan de l’action gouvernementale se révèle être incomplète si le lourd déficit en matière d’exercice de la marge démocratique est oblitéré.
Que ce soit pour les élections municipales ou encore le droit de la population de faire entendre sa voix, la pandémie du Covid-19 a eu gros dos. Il devient de plus en plus évident que ce paravent ne peut plus tenir. Un premier pan, sous forme de la jauge de 50 personnes pour tout rassemblement public, a pris un sacré coup en cette fin de mai.
L’Association des Consommateurs de l’île Maurice (ACIM), plus particulièrement l’opiniâtreté de son secrétaire général, Jayen Chellum, à contester cette condition de la police, s’en tenant au chiffre magique de 50, en est sortie grandie. De manière régulière pour dénoncer la politique abusive de la hausse des prix des carburants à la pompe, l’ACIM n’avait pas été en mesure de mettre à exécution son projet de rallye.
Samedi après-midi dans les rues de la capitale, des automobilistes, motocyclistes et autres participants longeant le trajet ont répondu à l’appel de l’ACIM pour réclamer une action décisive de la part du gouvernement sur le litre de l’essence à Rs 74.10. Comme ce fut le cas, lors des précédentes manifestations publiques en 2020 que ce soit à Port-Louis ou à Mahébourg, le comportement du Mauricien a été exemplaire et responsable.
L’ACIM n’a pas raté son rendez-vous. La balle est maintenant dans le camp des locataires de l’Hôtel du Gouvernement. Techniquement, l’ACIM a accordé au gouvernement jusqu’au Budget Day pour rectifier le tir sur les prix à la pompe. Cela sur le plan comptable.
Le rallye de samedi est venu apporter la preuve que le déficit en matière d’espace démocratique peut être comblé sans aucun risque. Bien avant le rendez-vous du 7 juin. Face au Mauricien responsable, ce corset étouffant de 50 personnes pour tout rassemblement public n’a plus sa raison d’être. Son élimination séance tenante fera souffler sur le pays un vent frais de liberté.
L’élimination de ce déficit sur le plan démocratique enlèvera une épine des pieds de la police. Consolidant ce déficit démocratique, la police se donne pour mandat de procéder à des arrestations et des inculpations de participants à des manifestations publiques. Même sans le moindre préjudice à la paix publique. Les exemples en sont légion.
La récente décision de l’Office of the Director of Public Prosecutions en faveur des 34 habitants de Bambous-Virieux, annulant tout procès au pénal, qui avaient protesté en toute innocence contre les robinets à sec le Boxing Day 2021, souligne l’urgence de combler ce déficit en matière d’expression démocratique dans les meilleurs délais.
Au moins, les parlementaires ont l’hémicycle pour intervenir. Le pouvoir dispose de la MBC pour véhiculer ses messages ciblés. N’a-t-on pas besoin d’éliminer le déficit de la plateforme pour que la rue puisse se faire entendre et de manière responsable comme il a été le cas jusqu’ici.