Ces autres tueurs invisibles

Non, les plus grands criminels de ces derniers siècles ne s’appellent pas Landru, Jack l’éventreur ou Adolf Hitler, ni même Covid-19, ce virus que l’on aime d’ailleurs à Maurice qualifier « d’invisible », comme si l’on pouvait davantage voir le Sida ou l’Ebola. Cette rhétorique linguistique fermée, qui sont alors ces tueurs en série dont l’on parle ? Eh bien leurs noms sont connus de tous, car « fichés » depuis longtemps à la police de l’Environnement : ils s’appellent gaz carbonique, méthane, protoxyde d’azote, halocarbures…
Pour être honnête, ces « serial killers » sont non seulement nombreux, mais ils existaient d’ailleurs déjà bien avant notre apparition sur Terre. Sauf que l’homme, avec l’avènement de l’ère industrielle, en aura amplifié les émissions, et donc les effets, mettant progressivement à mal l’équilibre atmosphérique et favorisant ce que l’on connaît aujourd’hui sous l’appellation de « réchauffement climatique ». Aussi avons-nous commencé à vulgariser l’information, afin de la diffuser la plus largement possible, organisé des colloques, des conférences sur le climat, signé des accords… Avec les résultats que l’on connaît, autrement dit peu encourageants, il faut le dire.
Dans le même temps, l’accent aura essentiellement été mis sur une réduction de nos émissions carbone, en l’occurrence donc ce fameux CO2, dont tout le monde, ou presque, connaît aujourd’hui la signification. En omettant, et c’est impardonnable, les autres vecteurs de la tragédie à venir, méthane en tête. En effet, comme nous l’avons d’ailleurs largement déjà expliqué dans cette même rubrique, ce gaz est tout aussi dangereux que son célèbre « cousin », si ce n’est plus. Certes, le méthane reste bien moins longtemps présent dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone (5 à 10 ans pour le premier contre plus d’un siècle pour le second), mais son pouvoir réchauffant, lui, est bien plus catastrophique (une particule de ce gaz piège 86 fois plus de chaleur que le CO2 sur 20 ans). Autant dire que la lutte contre nos émissions de méthane devrait être notre priorité première.
Ceci est d’autant plus vrai qu’il semble plus facile de nous engager dans cette voie rapidement qu’en ce qu’il s’agit de la réduction de nos émissions de CO2, car étant à la fois plus facile et moins coûteuse. C’est en tout cas ce que rappelle un récent rapport du Pnud. Selon ses auteurs, une série de mesures déjà connues permettrait en effet de faire baisser jusqu’à… 45% le méthane (CH4) que l’être humain relâche dans l’atmosphère d’ici dix ans, soit une baisse des températures de 0,3°C. Pour ce faire, il suffirait principalement de « colmater les fuites », qui sont responsables en grande partie du rejet du CH4 rejeté dans l’air.
Bien entendu, cela ne suffira pas à régler le problème, mais avouons que ce serait quand même un bon début. Sans compter que les bénéfices climatiques de telles actions viendraient s’ajouter à nos efforts en matière de réductions de dioxyde de carbone. Le problème, encore une fois, c’est qu’il nous faut agir vite, et même très vite. Au risque, sinon, que la machine climatique devienne rapidement incontrôlable. Comme nous l’avons déjà précédemment expliqué, il ne faut en effet pas oublier qu’une énorme partie du méthane terrestre est encore aujourd’hui prisonnière des glaces qui, si elles venaient à fondre – ce qu’elle ne manquera pas de faire si nous poursuivons dans cette voie –, libéreraient alors ce dangereux gaz dans l’atmosphère. Sans espoir de retour en arrière cette fois.
Malheureusement, même si nos institutions internationales, à l’instar de l’Onu, nous rappellent inlassablement que nous sommes en état d’urgence climatique, il faut reconnaître que notre attention est ailleurs, car focalisée actuellement sur le virus, qui aura plongé l’humanité dans une crise à rallonge, sanitaire, mais aussi et surtout, aux yeux de nos dirigeants, économique. Aussi aura-t-on déjà oublié que la Covid, tout aussi mortelle qu’elle soit, ne signera pas la fin de notre espèce, contrairement au climat, une fois que nous aurons franchi la ligne rouge. Et c’est pour bientôt !

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