– Les personnes âgées représenteront 20,5% de la population dans sept ans, contre 11% actuellement.
Le volet du vieillissement de la population et ses conséquences sur l’économie ont fait l’objet en fin de semaine dernière d’un atelier de travail, organisé sous l’égide de l’Economic Development Board (EDB). Les tendances démographiques, la disparité entre la formation et les besoins du marché du travail ainsi que le recours à l’expertise étrangère sont des sujets qui ont été abordés lors des consultations prébudgétaires initiées par le National Social and Economic Council, avec le soutien de la Banque mondiale.
Un premier constat : aujourd’hui, les personnes âgées représentent 11% de la population pour passer à 20,5% en 2026 et presque à 30% en 2051, constituant un enjeu socio-économique d’envergure.
Intervenant à l’ouverture des échanges, François Guibert, Chief Executive Officer de l’EDB, a parlé de la nécessité de formuler des solutions pour résoudre ces situations. Dressant un état des lieux, il a évoqué le besoin « urgent » d’une main-d’œuvre dont les compétences correspondent aux nouvelles exigences des entreprises.
« Les personnes âgées représentent de nos jours 11% de la population et si la tendance au vieillissement se maintient, ce chiffre atteindra 20,5% en 2026 et 29,5% en 2051. Ce qui a un impact direct sur la compétitivité et la croissance économique, en raison notamment de la réduction de la main-d’œuvre et des compétences qui en résultent. Nous avons de plus en plus besoin de compétences et d’aptitudes dans les industries à haute valeur ajoutée telles que l’intelligence artificielle, la robotique ou encore l’économie océanique », explique François Guibert.
Il poursuit : « L’ouverture aux compétences et aux expertises étrangères est l’un des moyens de palier une telle situation dans les court et moyen termes, d’autant qu’elle amènera un transfert de connaissances non disponibles encore à Maurice et agira ainsi en complémentarité avec les ressources humaines locales. C’est ce qui permettra d’établir les bases d’une croissance robuste, durable et inclusive. »
Invité à intervenir, le Senior Adviser au ministère des Finances, Sen Narrainen, s’est livré à une analyse sur l’état de l’économie. « 4,5% de croissance dans la situation où nous sommes, c’est un objectif très raisonnable. Très peu de pays peuvent atteindre ce niveau de croissance. Nous en sommes encore loin, avec 3,8% actuellement mais nous devons tendre vers cet objectif dans le moyen terme. Pour ce faire, nous devrons nous adapter à l’industrie 4.0 », fait-il comprendre.
Le Senior Adviser a de même expliqué qu’il faut se demander « quel type de croissance économique nous voulons pour l’avenir du pays : 4,5%, 5% ou 5,5% ? » Et d’ajouter que « personne n’a l’air content du taux de 3,8% » mais qu’il « faut se dire que nous étions à 3,5% avant ». Il a aussi souligné que « nous devons travailler du côté de la demande ». Et d’ajouter : « L’augmentation du taux de fécondité – si elle s’avère être vraie – n’aura d’incidence sur l’économie qu’à partir de 2035. » Poursuivant son raisonnement, il a expliqué qu’importer de la main-d’œuvre est un « must », ajoutant que « nous devons nous assurer qu’elle est complémentaire à la main-d’œuvre mauricienne et ne se substitue pas aux demandeurs d’emploi locaux ».
Sen Narrainen estime que « le principal moteur de croissance dans le futur sera l’innovation », soulignant toutefois, comme une boutade, que « we are still in primary school when it comes to innovation ». Par contre, le plus grand frein à la croissance viendra du marché du travail. « La technologie est facile à obtenir, les capitaux aussi. D’autant que le pays est inondé de capitaux et qu’il y a un excédent de liquidités dans les banques », dit-il. “Beveridge Curve” à l’appui, Sen Narrainen a expliqué que le problème d’inadéquation sur le marché du travail « est bien présent », mais qu’il est « moins sévère » qu’il y a quelques années.
Parmi les autres facteurs affectant la démographie et le marché du travail, Sen Narrainen a évoqué le “dependency ratio”, qui atteint 57% à Maurice. Il s’agit du taux de Mauriciens qui sont dépendants des autres. Il inclut ceux de 0 à 16 ans, ceux âgés de plus de 65 ans, ceux d’une vingtaine d’années qui sont sans emploi, ceux qui étudient ainsi que les invalides. « Il faut tenir compte du fait que le “dependency ratio” augmentera si on encourage les jeunes à faire des études supérieures. Le vieillissement de la population contribue aussi à augmenter le “dependency ratio” », explique-t-il.
Le Senior Adviser a également évoqué ce qu’il appelle les “lost generations”, se référant au fait que 50% de notre main-d’œuvre n’a pas réussi au CPE. « Si on pousse les enfants hors du système éducatif sans leur donner le soutien nécessaire pour développer d’autres talents, c’est très dangereux pour le pays car au fur et à mesure, nous aurons une main-d’œuvre dont la qualité diminuera », estime-t-il.
Marco Ranzani, expert de la Banque mondiale, a fait une présentation sur les solutions au problème d’inadéquation des compétences (“skills mismatch”) et le chômage chez les jeunes. Il a aussi abordé les inégalités liées au genre sur le marché du travail. Kris Valaydon, spécialiste de la démographie, a, lui, abordé le thème de la problématique démographique alors que Ken Poonoosamy, CEO-adjoint de l’EDB, a souligné la stratégie d’ouverture du pays aux compétences étrangères. Le ministre du Travail et des Relations industrielles, Soodesh Callichurn, a participé à cet atelier de même que son collègue le ministre de l’Agro-industrie, Mahen Seeruttun, qui préside la Commission on Economic Affairs du NESC.