La sécheresse sévissant actuellement sur notre région, l’absence des grosses pluies habituelles en cette période et le niveau inquiétant de nos réservoirs ne présagent rien de bon. Car même si l’on est en droit d’espérer que les conditions météorologiques finiront bien par permettre l’arrivée de pluies salvatrices, le fait est que, année après année, la situation prend à chaque fois une tournure plus dramatique, bien que dans des registres différents. Est-il d’ailleurs utile de rappeler les deux épisodes d’inondations de l’an dernier, soit en janvier, dans le sillage de Belal, et trois mois plus tard ?
Si c’est à l’inverse auquel on assiste pour l’heure, avec des robinets opérationnels que quelques heures par jour, il n’aura échappé à personne que, changement climatique aidant, le pays fait face à une multiplication de phénomènes extrêmes depuis un certain temps. La question étant bien entendu de savoir si le changement promis par le nouveau gouvernement permettra de régler certaines problématiques cruciales en la matière; la bonne nouvelle étant que l’alliance au pouvoir pourra difficilement faire pire que les précédents locataires de l’hôtel du gouvernement.
Cette réalité, Maurice n’est évidemment pas la seule à la vivre. Et c’est bien là le plus inquiétant ! Car si le monde entier, dans sa quasi-totalité, vit de tels épisodes, dignes d’ailleurs des plus grands films catastrophes de Hollywood, comment se fait-il que nous ne réussissions toujours pas à prendre la mesure des dangers qui se profilent ? Ou, dit autrement, qu’a-t-on fait de notre bon sens ? Autant nous pourrions en effet comprendre la difficulté de s’attaquer à un problème d’ordre mondial sans que l’on n’en comprenne les raisons, autant nous ne pouvons dire la même chose dans le cas présent, les causes ayant depuis longtemps été identifiées.
Certes, avec un Donald Trump de retour à la Maison Blanche, l’on pourrait se dire que la problématique risque de s’accentuer, et la question de l’urgence climatique de rapidement perdre de sa crédibilité. Pour autant, ne devrait-on pas plutôt se demander si l’arrivée de l’homme aux dizaines de procès aux affaires d’un des plus gros pays pollueurs du monde pèsera réellement sur le combat contre le réchauffement planétaire ? Parce que, ne nous leurrons pas, qu’il se retire ou non à nouveau de l’accord de Paris, comme il l’avait fait au début de sa première investiture, ne changera pas grand-chose à l’affaire. Et pour cause : après 28 COP, des milliers de colloques et des centaines de rapports d’experts, nous n’aurons pas changé d’un iota notre position. Pire : avec un Biden en place pendant quatre ans dans le Bureau ovale, l’on assiste même à une accélération de nos émissions de gaz à effet de serre.
La question du changement climatique est donc loin d’être résolue. Quand bien même 2024 aura battu tous les records de chaleur, 2025 promet même de s’inscrire dans un scénario de bis repetita; non seulement en termes de hausse des températures et de multiplication de catastrophes – qui n’ont depuis longtemps plus rien de naturelles –, mais aussi de gestion politique du problème (la prochaine COP se déroulera au Brésil, pays misant davantage sur la production pétrolière). L’on pourrait ainsi commencer par évoquer la montée en puissance de la cause climatosceptique, et pas seulement du fait du retour de Trump. Mais aussi la nature décomplexée et résolument assumée de notre foi inébranlable en les bienfaits de notre système économique. En résumé, nous croyons davantage aujourd’hui aux bénéfices de notre système de marché, en la croissance éternelle, en la finance sans entraves et en la technologie salvatrice qu’au changement climatique. Désespérant !
Ces fondamentaux économiques, enrichis par des décennies d’exploitation de nos ressources et de profits, se retrouvent non seulement endurcis, mais sont devenus indéboulonnables. Au point que l’on pense bien plus raisonnable de concevoir la nature comme un réservoir inépuisable et une poubelle sans fond que comme le terreau de notre existence. À se demander d’ailleurs si nous ne devrions pas rebaptiser l’ère industrielle en « ère du courtermisme », tant nos grandes décisions ne semblent guidées que par la question du gain immédiat.
De la notion « d’animal politique » décrite par Aristote il y a un peu moins de 2 400 ans, l’homme se sera donc muté en moins de deux siècles en « animal capitaliste ». Avec pour résultat qu’au fil du temps, nous aurons tout perdu : nos principes, nos valeurs, notre humanité, notre bon sens… Et même, et c’est bien plus dramatique, l’impérieux besoin de survivre.
Michel Jourdan