Un Integrated Waste Management Legislative Framework est en préparation au ministère de l’Environnement. Deux jours de consultations, réunissant aussi les acteurs du secteur privé, ont été organisés. Ces consultations déboucheront sur l’élaboration d’une ébauche d’un cadre législatif, avec pour objectif la mise en place d’une économie circulaire dans le secteur des déchets et à donner plus de moyens d’exécution à la Solid Waste Management Division en tant qu’organisme central responsable de la gestion des déchets solides et dangereux à Maurice. Bhagut Beerachee, directeur de cette unité, est d’avis qu’une loi-cadre est cruciale car le recyclage des déchets à Maurice pourra être bénéfique pour l’environnement et l’économie.
L’on parle davantage du recyclage des déchets et d’économie circulaire de nos jours. Quel constat faites-vous des déchets solides à Maurice ?
Le pays génère plus de 500 000 tonnes de déchets par an. Plus de 50% de ces déchets sont organiques et 30 à 40% de ces déchets sont recyclables tels le plastique, le carton et le métal. Tous les déchets collectés sont envoyés à Mare-Chicose. Ce centre d’enfouissement est saturé et il faut continuellement étendre sa capacité.
Cette approche linéaire n’est pas soutenue. Si nous continuons sur cette voie, nous enfouirons jusqu’à 700 000 tonnes de déchets en 2030. Ces déchets prennent tout l’espace dans le centre d’enfouissement, leur transportation coûte cher. La collecte des déchets coûte à l’économie Rs 1 milliard par an. Le budget total de la gestion des déchets avoisine les Rs 1,7 milliard par an. C’est assez conséquent. Ce sont des déchets qui proviennent des municipalités et des conseils de districts.
Il est crucial qu’on revoie notre approche car nous ne pourrons pas continuer avec cet état de choses. Au niveau mondial, on parle du fameux 3 R’s (Reduce, Reuse, Recycle). Nous ne pouvons pas rester à l’écart. Nous participons déjà aux forums internationaux où nous parlons de développement durable, consommation et production durables. Tout cela amène à revoir l’utilisation de nos ressources. Nous devons maintenant considérer les déchets comme des ressources qui peuvent être exploitées pour créer des opportunités d’affaires.
Aujourd’hui nous n’avons que 3% de nos déchets qui sont recyclés. Pourquoi ne pas augmenter ce pourcentage davantage ?
Nous allons créer plus d’emplois et c’est mieux pour le pays. Nous aurons moins de déchets au centre d’enfouissement et sa durée de vie s’étendra. Il y aura moins de transportation de déchets, l’émission carbone baissera. Nous n’avons pas une loi qui est dédiée aux déchets solides ou dangereux. Nous voulons maintenant réunir toutes les lois que nous avons sous un seul toit pour mieux gérer les déchets pour la transition vers une économie circulaire.
Qu’en est-il du tri des déchets ? Avez-vous noté un changement de comportement de la population à ce sujet ?
C’est un peu difficile. Mais nous observons qu’il y a des personnes qui sont convaincues du tri des déchets. Beaucoup de personnes sont d’accord qu’il y a un tri des déchets mais quand c’est le moment de le faire, nous voyons qu’il est difficile de convaincre la personne de séparer ses déchets.
Nous devons d’abord organiser des campagnes de sensibilisation lorsque nous offrons des poubelles de tri aux gens. Il faut leur expliquer comment séparer leurs déchets et leur expliquer également où partent ces déchets. Et aussi comment ces déchets pourront aider à notre environnement. Nous voulons travailler avec des écoles pour qu’il y ait des programmes pédagogiques au niveau primaire, secondaire.
Mais nous savons que c’est un travail difficile. D’ailleurs, le tri des déchets a pris du temps dans les pays développés. C’est un travail de longue haleine. Je suis sûr que les Mauriciens veulent un plus bel environnement. S’ils veulent voir un plus beau pays, il faut qu’ils coopèrent.
L’Integrated Waste Management Framework est à multiples volets. Quelle est la vision de cette nouvelle loi-cadre ?
Nous avons une nouvelle Solid Waste Management Strategy approuvée par le gouvernement en août 2021. Cette stratégie consiste à se focaliser sur la transition vers une économie circulaire. Nos déchets sont organiques à plus de 50% et l’autre partie comprend des déchets verts. Pourquoi devrons-nous jeter ces déchets dans un centre d’enfouissement alors que nous pouvons faire du compost ?
En ce sens, nous organisons des Regional Composting Plants. Les déchets secs, notamment le plastique, le papier ou le carton qui ne sont pas entrés en contact avec les déchets venant des aliments peuvent être recyclés. Ces déchets secs ne doivent nullement être en contact avec la nourriture car ils ne seront plus une ressource. Au contraire, cela coûtera cher de nettoyer ces déchets secs.
Il est facile de parler de compostage mais le réaliser requiert une bonne planification. Est-ce que le gouvernement a autant de finances à investir dans une unité de compostage qui coûte dans les Rs 500 millions ? Le gouvernement ne peut pas réaliser ce travail. Nous invitons le secteur privé à venir avec leurs projets et leur terrain. Le gouvernement garantira des déchets de qualité. Si les déchets ne sont pas propres, ce ne sera pas un bon intrant dans le système.
Dans le passé, des projets de compostage n’ont pas réussi à cause du mélange des déchets. Dans les pays développés, les déchets verts et organiques sont séparés dès la cuisine. Si nous passons par cette étape, nous aurons de bons produits. Et plus, nous aurons un marché pour cela. À travers cette loi-cadre, nous encourageons une telle approche, créons des marchés et nous donnerons plus de pouvoir à la Solid Waste Management Division afin d’agir. Si une personne ne respecte pas les règles, nous allons prendre des actions. Cette loi-cadre nous permet d’atteindre nos objectifs.
Nous constatons qu’uniquement 3% des déchets jetés à Mare-Chicose sont recyclés. Mais ne faudrait-il pas avoir les infrastructures appropriées pour effectuer plus de recyclage ?
Les infrastructures sont très importantes. D’ailleurs, nous devons investir dans nos infrastructures. Mare-Chicose est saturé et nous n’avons plus de terrain. Nous devons effectuer son extension en vertical. Nous avons déjà lancé l’appel d’offres.
Pour d’autres déchets tels les déchets verts et le Food Waste, ils doivent être compostés. Il faut des infrastructures qui accepteront ces déchets. Des investissements seront nécessaires. Nous invitons le secteur privé à travailler avec le gouvernement sur une base de Public Private Partnership. Le privé investira sa connaissance et ses ressources pour fabriquer des produits acceptables. Nous espérons que sur le long terme, les Mauriciens accepteront d’acheter le compost plutôt que des produits chimiques. C’est une tâche difficile qui prendra du temps. Comme on le dit, l’économie circulaire est un parcours. Elle ne se réalise pas du jour au lendemain.
Le pays comptera une nouvelle déchetterie en avril. Les deux autres déchetteries inaugurées répondent-elles à la vision d’une île Maurice plus propre ?
Les déchetteries font partie des actions vers une économie circulaire. Notre déchetterie, située à La-Chaumière et inaugurée en novembre, fonctionne. Toutefois, elle ne marche pas selon nos attentes. Mais depuis son ouverture à décembre 2021, nous avons collecté 1 100 tonnes de déchets. Si nous prenions 1 100 tonnes de déchets et que nous multiplions par Rs 1 000, nous aurions pu économiser cette somme.
Nous avons obtenu beaucoup de déchets de construction et de démolition. Les déchets sont offerts gratuitement aux recycleurs pour encourager le recyclage.
En même temps, nous avons apporté des amendements aux Dumping and Waste Carrier’s Regulations. Les camions peuvent transporter jusqu’à 500 kilos sans aucun permis. Le deuxième changement concerne les camions qui ont une Waste Carrier Licence. Selon le permis, un camion doit avoir une longueur de 1,5 mètre pour transporter les déchets. Maintenant, on peut transporter les déchets de construction ou électroniques dans son propre camion vers une déchetterie. Nous offrons toutes les facilités.
Nous demandons à utiliser nos déchetteries et ne plus jeter dans la nature. D’ailleurs, les déchetteries sont situées dans des régions qui nécessitent uniquement 10 à 15 minutes de voyage. Les déchets sont acceptés gratuitement. D’ici avril, nous allons inaugurer une autre déchetterie.
Quel constat faites-vous sur l’environnement après le passage de Batsirai ?
Nous avons noté que les gens polluent de moins en moins. La police de l’Environnement exécute également du bon travail. Les gens sont davantage plus sensibilisés et les amendes sont plus fortes. Dans beaucoup de cas, la police de l’Environnement a pu retracer les auteurs qui ont jeté leurs déchets dans la nature.
À la suite du passage de Batsirai, nous avons ouvert six dépotoirs temporaires pour que les collectivités locales viennent déposer les déchets verts sans passer par une Transfer Station pour éviter l’engorgement de la station. Si à l’avenir nous avons une unité de compostage, les déchets verts y seront acheminés. Nous avons déjà démarré un travail avec les collectivités locales.