Belal est venu, Belal a vu et Belal a vaincu. Imprévisible depuis sa genèse, la tempête tropicale aura déjoué tous les pronostics, changé de trajectoire, accéléré, puis ralenti, avant de changer à nouveau sa course pour foncer sur La Réunion. On le disait intense, et il l’aura été, bien qu’heureusement moins que prévu. Surtout, Belal aura sournoisement pris Maurice à revers, s’intéressant à notre île par le sud, alors que l’on pensait à l’origine le voir débarquer par le nord. La faute à l’imprévisibilité de Dame Nature ? Un peu, oui, mais aussi et surtout au fait que nous aurons minimisé le danger alors que l’on savait le monstre se rapprocher. Avec les conséquences que l’on connaît.
Pour autant, pas question ici de chercher un coupable (ils sont trop nombreux). Ni même de rentrer à ce propos dans des considérations politiques, qui se sont invitées lorsqu’il a été fait mention du fusible Dhurmea, forcé à sauter pour ne pas éclabousser un ministre visiblement mal à l’aise face à la tournure des événements. En revanche, les inondations soudaines ayant piégé une fois encore la capitale, la coupant littéralement en deux, devraient nous interpeller davantage sur notre inconscience maladive, entre autres en ce qui concerne la faiblesse de nos plans d’adaptation au changement climatique ainsi que d’aménagement et de développement du territoire. La catastrophe de lundi aura peut-être occasionné plus de dégâts matériels que de victimes en comparaison à 2013, mais elle devrait nous pousser à nous interroger. À commencer par savoir ce que nous avons fait en dix ans pour réduire les risques ! Avec une réponse qui s’implique d’elle-même : rien !
Pourtant, les catastrophes, le pays en connaîtra encore. Plus nombreuses, plus intenses. Et probablement aussi plus douloureuses en termes de pertes de vies humaines. La faute au changement climatique, bien sûr, dont les conséquences semblent toutefois tout aussi ignorées que l’auront été celles de Belal. Mais comment passer sous silence cette réalité ? Comment douter encore de la véracité de la menace ? Dans son dernier rapport, l’observatoire européen Copernicus notait que 2023 aura été l’année la plus chaude jamais mesurée, chaque jour de l’année dépassant de 1 °C le niveau moyen de la période préindustrielle, certains allant même pour la première fois jusqu’à… +2 °C.
Et ce n’est que le début, prédisent déjà les experts. Car 2024 devrait être pire encore, le phénomène climatique El Nino ayant en effet décidé de venir ajouter son grain de sel dans une situation déjà très compliquée. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, nous pouvons ainsi déjà, en ce début d’année, annoncer le programme des réjouissances : vagues de chaleur, multiplication et intensification des cyclones, inondations (dont certaines soudaines), sécheresses, feux de forêt… Et ce, aux quatre coins du globe. Autant dire que le calvaire ne fait que commencer.
Encore une fois, nous payons – et payerons – le prix de notre laxisme face à un problème que nous connaissons pourtant de mieux en mieux. Ainsi, malgré les promesses, seule une poignée d’États aura réussi, depuis 2015 et l’accord de Paris, à réduire leurs émissions de gaz à effets de serre. Et notre pays n’échappe pas à cette réalité, la question environnementale ne s’invitant dans les discussions que lors d’événements spécifiquement dédiés à la question, et ce, sans qu’ils ne soient d’ailleurs appuyés par des actions concrètes. Exit donc chez nous les mesures d’atténuation.
Idem pour la question de l’adaptation, car là encore, rien n’est fait. En attestent les multiples chantiers dont s’enorgueillissent nos gouvernants, mais qui, au final, ne font qu’aggraver le problème. Quand apprendra-t-on de nos erreurs ? Quand comprendrons-nous que « bétonner n’est pas développer » ? Et que savoir que nous ne contribuons qu’à hauteur de 0,01% des émissions mondiales de gaz à effets de serre ne nous dédouane pas de nos responsabilités ?
Quant à la résilience, inutile de dire qu’elle est, dans notre petite île, quasi absente des affaires politiques. Alors que, prise en compte dans un réel plan stratégique, elle pourrait à elle seule régler à la fois la problématique de notre dépendance à l’international en assurant notre autosuffisance alimentaire et énergétique, mais aussi les affaires économiques (en redorant le blason de notre roupie et en augmentant notre pouvoir d’achat) et, bien entendu, la question environnementale. Le problème, c’est qu’aucun parti ne prône un tel discours à l’approche des élections. Pauvre Maurice !