Les pressions inflationnistes à Maurice demeurent persistantes et le gouverneur de la Banque de Maurice (BoM) l’a fait savoir ce matin, lors d’une rencontre avec la presse au lendemain de la décision du Monetary Policy Committee (MPC) de relever le taux directeur de 25 points de base pour le porter à 5,50 %. Manou Bheenick a également fait état de la baisse importante de l’investissement direct étranger (FDI) pendant le premier trimestre 2011 comparativement à son niveau de la période correspondante de 2010, affirmant que si la tendance n’est pas renversée, les fondamentaux économiques du pays seront affectés. Par contre, le gouverneur de la banque centrale a estimé que l’économie mauricienne se porte généralement bien, le taux de croissance estimé dans un premier temps à 4,6 % pourrait être légèrement supérieur.
Léger repli
Chiffres à l’appui, Manou Bheenick a indiqué que le taux d’inflation en glissement annuel (year-on-year inflation) s’était légèrement replié en avril (passant de 7,2 % à 7,0 %) mais, en dépit de la hausse du taux d’intérêt en mars (de 5 % à 5,5 %), l’inflation est remontée à 7,1 % en mai. « Les pressions inflationnistes sont bel et bien présentes malgré le relèvement du taux directeur. C’est une indication qu’on doit resserrer notre politique monétaire. Si ces pressions inflationnistes ne baissent pas à l’avenir, nous serons obligés de poursuivre dans la voie d’une normalisation du taux d’intérêt », a averti Manou Bheenick. À la BoM, on explique qu’une politique de normalisation vise à rendre le taux d’intérêt réel positif, soit que le taux à l’épargne soit plus élevé que le taux d’inflation.
À ceux qui souhaitaient que le taux d’intérêt directeur ne soit pas modifié en arguant que l’économie nationale est dans une phase de décélération, le gouverneur de la BoM a déclaré que les indications sont que la performance économique prévue pour cette année sera plus honorable.
Croissance de plus de 4,6 %
Alors qu’au départ, on tablait sur un taux de croissance de 4,4 %, les données publiées il n’y a pas longtemps par le Bureau Central des Statistiques (BCS) montrent que la croissance tournerait autour de 4,5 % et la BoM pour sa part s’est fixé sur un taux de 4,6 %. « Nous avons, cependant, toutes les raisons de croire que le taux sera légèrement plus élevé », a dit Manou Bheenick. Ce dernier s’est référé aux performances de certains secteurs clés tels le textile et l’habillement, le tourisme et le seafood, affirmant qu’elles sont encourageantes. Les carnets de commande des entreprises textiles sont remplis et on a constaté que nos exportations totales pour le premier trimestre 2011 se sont élevées à Rs 15,2 milliards, un niveau record pour ce trimestre sur les cinq dernières années. Pour ce qui est du tourisme, les arrivées estimées initialement à 980 000 pourraient dépasser le milliard. « Les efforts de diversification des marchés apportent des fruits. Certes, il y a des craintes concernant l’accès aérien mais nous notons des taux de progression très élevés sur plusieurs marchés », a déclaré le gouverneur de la BoM.
Manou Bheenick a, toutefois, fait état de l’inquiétude des autorités bancaires concernant la réduction draconienne de l’investissement direct étranger pour le premier trimestre 2011 (Rs 1,4 milliard contre Rs 4,5 milliards pour le trimestre correspondant de 2010). « Tout le monde sait qu’on dépend dans une très large mesure du flux des investissements pour rééquilibrer la balance des paiements. Si la situation n’est pas renversée, nous risquons d’avoir des problèmes car les fondamentaux économiques risquent d’être affectés. Il y a lieu donc de redoubler d’efforts pour continuer à attirer plus d’investissements directs étrangers. On espère que la baisse constatée au cours du premier trimestre de cette année n’est que passagère », a souligné Manou Bheenick qui a, dans la foulée, rappelé que le Board of Investment (BoI) a estimé que Maurice attirerait un montant de Rs 16 milliards sous forme de FDI.
FDI inquiétant
Contrairement au FDI, la direction de la banque centrale ne se fait pas trop de souci concernant le niveau du chômage qui, précisons-le, est passé de 7,3 % en 2009 à 7,8 % en 2010. « Il y a des pays où le taux est bien plus conséquent. Nous estimons que dans une période de crise globale, le taux de chômage à Maurice ne constitue pas un gros problème du point de vue macroéconomique », a ajouté Manou Bheenick. Cependant, il a signalé qu’environ 9 500 emplois nets seraient créés cette année contre 11 300 en 2010. « Notre préoccupation majeure en ce moment n’est pas le niveau du chômage mais l’inflation », a-t-il fait comprendre.
Il y a, selon Manou Bheenick, des indications selon lesquelles une amélioration de la situation économique globale n’entraîne dans son sillage une remontée des prix des matières premières et des produits pétroliers. Dans l’éventualité où la reprise économique globale au cours du 2e semestre 2011 soit plus soutenue que celle du premier semestre, la hausse des prix des matières premières sera soutenue. D’où la nécessité au plan local qu’on continue à exhorter les consommateurs à changer de comportement et qu’on revoie tout le mécanisme de price-setting.
Manou Bheenick a également fait état de l’inquiétude de l’autorité bancaire concernant le niveau d’investissement comme mesuré par le Gross Domestic Fixed Capital Formation (GDFCF). Mais, pour ce qui est de l’épargne, il a indiqué que la situation s’améliore, les taux passant de 12 % il y a 2 ans à 16 % cette année.
Par ailleurs, Manou Bheenick a rejeté l’argument selon lequel Maurice connaîtrait une période de stagflation, soit une stagnation au niveau de la croissance économique couplée d’un taux d’inflation très élevée. « On est encore loin d’une telle situation. Avec un taux de croissance de 4,6 % et une inflation à 7,8 %, qui est loin du taux à deux chiffres, on ne peut dire que Maurice fait face à une stagflation. » La BoM prévoit que la year-on-year inflation atteindrait 5,1 % en 2010 « on a no-policy change basis » alors que la headline inflation comme calculée par le BCS se chiffrerait à 6,8 %.
BANQUE DE MAURICE: Craintes persistantes pour l’inflation et l’investissement étranger
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