Serions-nous tous aveugles ? Alors que la question du dérèglement climatique se fait de plus en plus pressante, les années passent sans que rien ne change. Bien sûr, cette problématique alimente toujours les conversations, sert de prétexte à des colloques, des réunions, des sommets, fait l’objet de nombreuses études aux résultats toujours plus alarmants, et provoque même des mobilisations, même si le mouvement semble toutefois s’essouffler lentement. Mais dans les faits, assiste-t-on à un réel changement ? Cette volonté dont nous ne cessons de parler, politique mais aussi citoyenne, où se trouve-t-elle ? À des encablures de nos discours, c’est certain.
Pendant ce temps, la planète s’embrase, au propre comme au figuré d’ailleurs. L’Australie en est la meilleure preuve. Avec des températures ayant avoisiné les 50°C alors que l’été ne fait que commencer, l’île-continent se retrouve en effet depuis plusieurs mois face à des incendies dévastateurs. Bilan : plusieurs millions d’hectares partis en fumée, des dizaines de morts et de personnes disparues, 500 millions de mammifères ayant péri dans les flammes… Une situation inédite dans un pays pourtant régulièrement frappé par ce genre de sinistres, mais encore mal aguerri à les combattre. Un immense territoire dont le budget alloué à la gestion des forêts et la lutte anti-incendie apparaît dérisoire. À quoi bon en effet avoir baissé les impôts et avoir acheté des sous-marins ? Ne valait-il pas mieux pour l’Australie de s’engager plus fermement, comme toute nation responsable, dans une décarbonisation accrue de son système, comme le sous-tendent d’ailleurs ses engagements internationaux ?
Et encore, si ce n’était que l’Australie… Car de l’autre côté du Pacifique, c’est la Californie, aux États-Unis – pays du climatos(c)eptique Donald Trump – qui se retrouve face aux mêmes catastrophes chaque année. Et ce n’est encore que le commencement. D’ailleurs, tous les signes sont là. De plus en plus visibles, de plus en plus évidents. De plus en plus dévastateurs aussi, à l’instar de ces incendies, bien sûr, mais aussi des ouragans, des inondations, des tornades, chaque année de plus en plus génocidaires. Notre inertie maladive, quoique sciemment calculée par les multinationales qui dirigent le monde, aura donc eu pour effet de nous voir assister aujourd’hui aux premiers mouvements d’une planète en état de rébellion. Car oui, encore une fois, il ne s’agit encore que du début.
Nous ne cessons de le répéter, inlassablement, semaine après semaine : cette situation ne découle pas seulement d’un non-engagement politique en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Notre responsabilité collective est elle aussi engagée. Davantage même. Car après tout, ne nous leurrons pas, une fois atteint le point de non-retour, seuls les nantis pourront encore espérer échapper (mais un temps seulement) au désastre planétaire. Réagir est donc pour nous plus que jamais à l’ordre du jour. En ce sens, nous devons œuvrer sur deux fronts, et ce simultanément : celui de l’action et celui de la réaction. En ce qui concerne l’action, rien de plus simple (mais aussi plus compliqué) puisqu’il nous faudra repenser notre système de consommation, dissocier le vital du non vital, l’important de l’inutile. Mais aussi mettre en place un microsystème de résilience locale, individuelle et communautaire, par exemple par le biais de potagers communs, de réservoirs d’eau de pluies, de systèmes de captation énergétique verts, etc. Bref, de nous rendre plus ou moins autonomes.
Dans le même temps, il nous faudra aussi entrer dans un processus d’adaptation (réaction). D’abord en acceptant l’inévitable, à savoir que le climat change et, par ricochet, que le premier responsable de la situation, notre système économique, puisse un jour s’effondrer. Cette acclimatation psychologique est d’autant importante qu’elle nous aura préparés à subir les affres du « collapse » mondial. Ensuite seulement viendra l’adaptation réelle, où il nous reviendra d’assurer les fondements de nos actions. Sans cet engagement fondamental, les feux ne brûleront plus seulement nos forêts, nos habitations et nos enfants, mais auront aussi raison de ce sentiment déjà si rare aujourd’hui : l’espoir !
Michel Jourdan