La découverte, l’ignorance, l’adhésion, les revirements, la reconnaissance, la consécration… C’est vrai que nous aurons connu toutes les émotions depuis la première COP, à Berlin, en 1995, soit trois ans après la fameuse conférence de Rio. Pourtant, force est de constater que, depuis 2015 et la COP21 – et qui a débouché sur l’accord historique de Paris –, c’est plutôt la déception qui domine d’année en année.
Au point que votre serviteur, dans son infinie sagesse (paresse ?), a un instant songé à vous resservir cette semaine son décryptage de l’année dernière, lorsque, à pareille époque, nous devions dresser le bilan de la COP28. Il faut admettre que, si ce n’étaient le pays hôte et quelques anecdotes à peine racontables, les deux événements affichent d’énormes similitudes, à commencer par ce sentiment du devoir non accompli.
Comment d’ailleurs pouvait-il en être autrement ? Entre les Émirats arabes unis, qui ont accueilli la conférence l’an dernier, et l’Azerbaïdjan, qui en aura eu cet « honneur » cette année, tout observateur un tant soit peu éclairé avait compris que ces rendez-vous du climat étaient d’emblée promis à des échecs cuisants. Ce qui n’est guère étonnant, sachant que le premier nommé est le 7e producteur mondial de pétrole, contre 25e pour le second. Comment dès lors pouvait-on espérer obtenir un engagement significatif vers la décabornisation sous de telles présidences ? D’ailleurs, personne n’aura non plus manqué d’observer que, dans les deux cas, les masques seront vite tombés.
La question que tout le monde se pose est donc de savoir pourquoi avoir organisé un événement aussi crucial pour l’avenir de l’humanité dans des pays dont l’or noir aura fait la richesse. Une question, c’est vrai, légitime, mais qui fait cependant abstraction du bien-fondé même de ces COP, et dont le « C », pour rappel, signifie « Conférence ». En d’autres termes, il ne s’agit pas là d’ordonner quoi que ce soit à qui que ce soit, mais plutôt de « discuter » des affaires climatiques et, si possible, d’arriver à dégager un consensus sur les réponses à y apporter. De fait, et de par leur nature même, ces conférences ne peuvent délibérément écarter de leur organisation un pays demandeur sous prétexte qu’il se trouve dans le camp de ceux favorisant une aggravation de la problématique du climat.
L’autre souci, véritable celui-là, est celui des lobbyistes des énergies fossiles, et qui assistent en nombre à ces conférences. Ainsi, pour les deux dernières COP, ils étaient environ 80 000 délégués à Dubaï et 65 000 en Azerbaïdjan à promouvoir leurs intérêts immédiats en coulisse. Mais bon, encore une fois, sous quel prétexte devrait-on leur interdire l’accès à ce genre d’événement, quand bien même ils devraient préalablement obtenir une accréditation ? Quant à la COP29 qui vient de s’achever, et déjà surnommée avant même qu’elle ne débute « COP de la finance », elle se sera contentée de réfléchir à une proposition chiffrée d’aide aux pays les plus vulnérables. À savoir une enveloppe de USD 300 milliards disponible à partir de… 2035.
Un chiffre énorme, pensez-vous ? Pas du tout. Car outre le fait qu’aucun dollar ne sera déboursé avant 11 ans encore, cette aide financière reste bien en dessous des attentes des nations concernées. Qui plus est, cet argent sera essentiellement destiné à des mesures d’atténuation et à dédommager en cas de catastrophe climatique. Autrement dit à d’autres fins que le développement d’énergies vertes et autres actions permettant de réduire l’empreinte carbone globale. Laissant ainsi encore longtemps le champ libre aux pays producteurs d’énergies fossiles.
À ce titre, deux choses importantes sont à retenir dans l’actualité climatique, à commencer par le fait que 2024 vient de ravir le titre « d’année la plus chaude » à 2023. Et, ensuite, que nous aurons cette année émis 0,8% de plus de CO2 que l’année dernière, constituant de fait une preuve flagrante que nous continuons de nous écarter des objectifs définis en 2015. De fait, alors que, lors de la COP21, l’accord collectif consistait à rester sous la barre de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, nous voici aujourd’hui avec des projections évoquant jusqu’à des +3,6 °C d’élévation de température.
Considérant que le monde n’organise qu’une COP par an, l’humanité a donc perdu deux années de combat contre le réchauffement planétaire. Quant à ceux qui penseraient que l’on pourra toujours se rattraper l’année prochaine, ils risquent de vite déchanter. Car après Dubaï et l’Azerbaïdjan, ce sera cette fois au tour du Brésil, 9e producteur mondial de pétrole, et dont les réserves devraient doubler d’ici 2030. Mais bon, jamais deux sans trois, dit-on, non ? Quant à moi, je vais garder précieusement ces lignes; ce sera toujours du temps de gagné l’an prochain.
Michel Jourdan