Au pied du sapin des paquets vides

Alors que vient doucement de commencer la COP28, la question du réchauffement climatique n’aura jamais été aussi… brûlante. Chose on ne peut plus étrange, sachant que le phénomène, connu et reconnu de tous, n’est pas né d’hier. Il faut en effet savoir qu’un scientifique suédois du nom de Svante Arrhenius avait déjà compris l’ampleur que pouvait avoir le réchauffement du fait de la combustion du charbon, alors carburant le plus utilisé, dès… 1896. Jusqu’à ce que l’on entende parler pour la première fois, par l’entremise du climatologue Wallace Broecker, de « réchauffement climatique » en 1975. Soit 20 ans exactement avant que l’on organise la première COP, en Allemagne. Avec pour mot d’ordre d’amener tous les États du monde à agir contre ce qui sera plus tard rebaptisé « changement climatique » – terme plus en adéquation avec les réalités observables, mais aussi plus politiquement correct, car symboliquement « moins cataclysmique ».
Autant dire qu’il nous en aura fallu du temps pour réaliser l’ampleur du phénomène, mais aussi pour accepter les conséquences qui en découlent. Mais réaliser et accepter ne suffisent toujours pas pour que des actions fortes soient prises sur la question, et ce, même si les scientifiques nous promettent le pire à courte échéance. C’est que nous ne sommes toujours pas prêts à envisager l’élimination du facteur carbone de l’équation. Parce que le carbone fait rouler notre économie; parce que le carbone rapporte et que rien ne peut toujours pour l’heure le remplacer. Du moins tant que l’on cherchera à doper cette fameuse croissance qui se trouve au cœur même de notre système.
Au total donc, nous aurons remis le dossier sur la table en 28 occasions. Avec, c’est vrai, quelques avancées, mais si timides en vérité que jamais nous n’aurons eu droit à un réel accord favorisant une sortie rapide des énergies fossiles. De fait, comment pourrait-on croire que cette 28e grand-messe du climat serait différente des autres, sachant qu’elle prend ses quartiers dans un pays devant tout aux combustibles fossiles (Dubaï est le 5e plus gros émetteur de CO2 de la planète), avec, dans le rôle du chef d’orchestre, un prince du pétrole, le sultan Al Jaber ? Aucun doute que les initiatives les plus prometteuses seront muselées, tout autant que les moyens qui pourraient être déployés pour les mettre en œuvre. Lutter contre le changement climatique, oui, mais pas à n’importe quel prix.
D’où la récente apparition de la question de l’adaptation. Le problème posé est simple ! Puisque nous ne pouvons pas (à traduire par « ne voulons pas ») réduire suffisamment notre empreinte carbone, alors adaptons-nous aux nouvelles réalités climatiques. Dit autrement : ne changeons pas notre manière de produire et de consommer, continuons d’alimenter la croissance et donnons-en une petite partie à ceux qui en ont le plus besoin pour leur permettre de répondre aux retombées du réchauffement ! Bref, il s’agit d’offrir bénévolement des conteneurs de paracétamol à des nations de cancéreux ! Fallait pas, c’est trop gentil !
Non seulement l’initiative consiste une nouvelle fois à glisser la poussière sous le tapis – jusqu’à bien sûr qu’on finisse par se prendre les pieds dedans –, mais ce faisant, on esquive volontairement les véritables enjeux du climat, puisque c’est de la survie de l’humanité dont il est ici question. Sans compter que même sur ce point, la question est loin d’être tranchée, le concept d’adaptation climatique réclamant des fonds si colossaux qu’ils font naturellement débat. Comment en effet financer les États les plus touchés ? Sur quels critères ? Qui financera ? Autant de points d’interrogations toujours en suspens.
Il faut dire que l’ardoise promet d’être extrêmement salée. Financer les pays en développement concerne non seulement leurs besoins en ressources et en transferts de technologies, mais suppose aussi de les soutenir pour leur permettre de réduire leurs émissions carbone. En plus naturellement de la question des «  pertes et préjudices  », ces pays souffrant déjà de dommages causés par le réchauffement climatique, et dont ils sont le plus souvent peu responsables. Autant dire que la COP28 risque bien de se terminer de la même manière que lors des éditions précédentes, soit avec un déballage de promesses dont peu pourront être tenues. Un peu à la manière de paquets vides déposés au pied du sapin.

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Michel Jourdan

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