Depuis hier, la planète Foot, brassant des milliards et des milliards en chiffres d’affaires de la vente de billets au Sponsorship, vit à l’heure de la FIFA World Cup Qatar 2022. Le dimanche 18 décembre, au lever du jour dans la péninsule arabique, soit avant la finale, peu importe les deux pays qui s’y aligneront, chacun dira que le meilleur gagne. C’est cela l’esprit de Fair-Play. Surtout en sport.
Toutefois, les procédures et événements aboutissant au match d’ouverture d’hier à l’Al Bayt Stadium ont-ils été en conformité avec cet esprit de Fair-Play et de Gentlemanship? Ou ces principes ont-ils été sacrifiés à l’autel de l’intérêt supérieur… ?
À la veille du Mondial 2022, le monde n’a-t-il pas été témoin de l’enterrement de première classe des dénonciations quasi unanimes du meurtre de sang froid de Jamal Khashoggi, journaliste et contradicteur d’un des plus puissants de ce monde, le 2 octobre 2018 dans l’enceinte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, en Turquie?
Au nom de quel intérêt supérieur, ceux qui avaient juré de faire pression à tous les niveaux, qu’ils soient politiques, diplomatiques ou personnels, pour que la lumière soit faite sur les circonstances de l’élimination de ce symbole de la liberté d’expression au monde, ont-ils accepté d’adopter un silence religieux au nom d’un intérêt supérieur à peine indicible?
Certes, pour la FIFA World Cup Qatar 2022, compétition rimera avec clameurs. Donc pas question de silence. Que ce soit dans les gradins, construits à la sueur des travailleurs étrangers, exploités, ou dans les foyers à travers la planète lors des matches en direct, on pourra difficilement faire taire les joies et les pleurs jusqu’au coup de sifflet final du dimanche 18 décembre.
Les tentatives du patron du football mondial, Gianni Infantino, visant à contrer la campagne internationale contre les conditions de travail harassantes sur les chantiers de la Coupe du monde, en parlant d’hypocrisie occidentale, n’auront eu pour effet que de faire écho que ce même intérêt supérieur ne connaît pas de bornes.
Certes, Gianni Infantino défend son bifteck. Mais ce qui interpelle davantage dans le Run-Up de la présente Coupe du Monde est cette injonction de son excellence le président de la France, patrie des Droits de l’Homme, Emmanuel Macron.
Remettant en cause cette mouvance internationale pour ramener au premier plan des questions fondamentales relevant de justice et d’équité, le président français n’a trouvé mieux que de déclarer des plus péremptoirement : « Il ne faut pas politiser le sport » ou encore « c’est une très mauvaise idée de politiser le sport ».
Quelle hypocrisie ! dira l’autre. Personne, ou encore moins le président Macron, ne voudra croire que le choix d’un pays pour accueillir, que ce soit la Coupe du Monde de football ou encore les Jeux Olympiques, ne relève pas d’une décision éminemment politique. Combien de chefs d’État n’ont-ils pas jeté leur poids pour faire la différence au moment crucial du choix?
Pourquoi vouloir faire mettre sous l’éteignoir les clameurs en se prévalant de subterfuges relativement gratuits? Peut-être que le président Emmanuel Macron est trop jeune pour avoir témoigné du pouvoir du sport de se débarrasser des barrières des plus injustes et des plus tenaces ou encore pour faire avancer les causes des plus nobles.
Toujours cette année 1968! Le président français n’était pas encore né. Plus exactement du 12 au 27 octobre 1968 se déroulaient les Jeux Olympiques de Mexico. Bientôt 55 ans après, ce que le monde retient toujours de cette manifestation sportive de haut niveau reste cette image puissante de l’athlète John Carlos et de son coéquipier américain Tommie Smith, la tête baissée et les poings gantés de noir levés vers le ciel sur le podium.
Ces deux athlètes américains, médaillés d’or et de bronze au 200 mètres, étaient sur le toit du monde. Avec ce geste hautement symbolique, mais contesté au nom de l’intérêt supérieur de l’époque, ils avaient placé en orbite le message de l’égalité et des droits Civils des Noirs aux États-Unis.
La règle 50 du code du Comité international Olympique (COI), interdisant « toute manifestation de propagande politique, religieuse ou raciale sur les sites olympiques » n’a pu étouffer la voix de la légitimité au nom de l’intérêt supérieur dans le sport.